La déclaration du ministre des Finances, Ueli Maurer, lors d'une conférence de presse de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), portant sur la mise en œuvre de l'imposition minimale pour les grandes entreprises, n'a guère été remarquée.
Pourtant, en y regardant de près, le conseiller fédéral UDC a annoncé des projets explosifs: il a promis plus d'immigration afin que les entreprises disposent de suffisamment de «spécialistes de haut niveau».
On ne sait pas encore quand le Conseil fédéral adaptera ces contingents à la hausse. Pour cette année, un contingent de 8500 postes est disponible. Avant d'engager des travailleurs de pays tiers, les entreprises doivent prouver qu'elles ne peuvent pas pourvoir le poste vacant avec des candidats provenant de Suisse, de l'UE ou des pays de l'Association européenne de libre-échange (Aele).
Ueli Maurer ne précise pas dans quelle mesure il souhaite augmenter les contingents. Cette question et d'autres seront discutées au cours de prochains processus parlementaires, indique son service de communication.
Pour Simon Wey, économiste en chef de l'Union patronale suisse, l'appel à des contingents plus élevés n'est pas surprenant.
Simon Wey ne peut pas citer de chiffres concrets. L'Union patronale suisse demande toutefois que les entreprises implantées en Suisse et dans des pays tiers puissent déplacer leur personnel de manière plus flexible. Et que les universitaires de pays tiers puissent rester en Suisse après avoir terminé leurs études, sans obstacle bureaucratique.
La conseillère d'Etat zurichoise en charge de l'Economie, Carmen Walker Späh (PLR), soutient cette demande: «Cela augmenterait à court terme la marge de manœuvre des cantons en ce qui concerne la main-d'œuvre spécialisée». Elle voit une possibilité de résoudre le problème de «la pénurie de main-d'œuvre hautement qualifiée qui s'aggrave» grâce à l'augmentation des contingents.
Franz Grüter, conseiller national lucernois UDC, se montre lui aussi ouvert à une augmentation de l'immigration en provenance de pays tiers. En tant qu'ancien directeur et actuel président du conseil d'administration de l'entreprise informatique Green, il connaît par expérience les difficultés du processus de recrutement. Son entreprise a dû se battre pour engager des spécialistes américains.
Il devrait être plus facile d'engager des candidats qualifiés d'Inde, des Etats-Unis ou de Chine, car «en Suisse et dans l'UE, malgré la libre circulation des personnes, il y a des pénuries de personnel hautement spécialisé». Sur le fond, Grüter ne s'écarte toutefois pas de la ligne du parti: il faut freiner l'immigration. Il combat la libre circulation des personnes, qui créerait de gros problèmes parce qu'elle ne fixe pas de critères pour l'immigration.
Il est incontestable qu'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée se profile en Suisse. Selon une étude d'UBS, il manquera jusqu'à 500 000 travailleurs d'ici dix ans. La situation sur le marché du travail est historique: il y a plus de postes vacants que de chômeurs. Qu'il s'agisse d'informatique, de santé, des écoles ou de la construction, des milliers de postes sont à pourvoir dans toutes les branches.
Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), une entreprise sur trois a eu du mal à recruter de la main-d'œuvre au premier trimestre de cette année. Boris Zürcher, responsable de la direction du travail au Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), a déclaré à la NZZ: «La pénurie de main-d'œuvre s'est accentuée comme jamais auparavant».
Même si les employeurs recherchent désespérément de la main-d'œuvre qualifiée, aucune augmentation des contingents pour les pays tiers ne se précise à court terme. «La plupart des cantons annoncent que 8500 places suffiront pour l'année prochaine», déclare le conseiller d'Etat centriste uranais Urban Camenzind, qui préside actuellement la Conférence des directeurs cantonaux de l'économie publique.
La Confédération fixe les chiffres à l'automne. Ces dernières années, c'est la branche de l'informatique qui a demandé le plus de contingents, suivie par le conseil aux entreprises et l'industrie chimique et pharmaceutique. Pour un footballeur originaire d'un pays hors de l'UE ou de l'Aele ou un sushiman venu du Japon, des contingents sont aussi nécessaires. Il reste à voir dans quelle mesure les réfugiés ukrainiens permettront d'atténuer le manque de main-d'œuvre qualifiée. Jusqu'à présent, 2000 des 32 000 personnes en âge de travailler ont trouvé un emploi.
L'augmentation de l'immigration ne résoudra toutefois que partiellement le problème de l'assèchement du marché du travail. A moyen terme, Simon Wey estime que les mesures qui incitent à mieux exploiter le potentiel de main-d'œuvre en Suisse auront le plus grand effet dans la lutte contre la pénurie de personnel. Il estime que l'introduction de l'imposition individuelle ou de tarifs plus avantageux pour les crèches sont des mesures prometteuses. Il souligne par exemple que 15,4% des mères souhaiteraient augmenter leur temps partiel.
Traduit de l'allemand par Léon Dietrich