Face à une classe politique «trop molle», les initiatives pro climat se multiplient
Le constat est largement accepté: la Suisse doit impérativement répondre à l’urgence climatique et le temps presse après le non à la loi CO2 en juin dernier. Face à une classe politique poliment qualifiée de «timide», ce sont les citoyens qui empoignent la question.
Cela ne date pas d’hier, certes. Mais il n’y a peut-être jamais eu autant d’initiatives populaires ou de votations qui touchent de près ou de loin la question climatique. Dernière en date, celle des Jeunes vert.e.s lancée cette semaine, deux mois après la double votation agricole (initiatives Eau propre et Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse).
Les initiatives en cours👇🏼
Elle demande «un changement fondamental de notre système économique» et que la Suisse respecte les« «limites planétaires», soit les «neuf domaines dont dépend la stabilité du système terrestre», selon Le Temps, et quatre d’entre elles (le réchauffement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation du cycle de l’azote et du phosphore) sont déjà dépassées. La récolte de signatures a débuté ce mardi.
Initiative sur les glaciers
Elle demande de «mettre fin à l'ère des combustibles fossiles» et veut ancrer les objectifs de l'accord de Paris sur le climat dans la Constitution. Elle a abouti en décembre 2019 et le Conseil fédéral y propose un contre-projet direct (il devrait être soumis au peuple en même temps que l’initiative).
Initiative paysage, «contre le bétonnage de notre paysage»
Elle demande de «mettre un terme au bétonnage croissant de nos terres cultivées et pose des limites claires au boom de la construction hors zones à bâtir». Elle a abouti en décembre 2020.
Initiative biodiversité, pour l’avenir de notre nature et de notre paysage
Elle demande d’inscrire dans la Constitution de garantir «la diversité de la nature, des paysages et du patrimoine bâti». Elle a abouti en octobre 2020.
Dans les cantons, on peut citer une initiative genevoise qui s’attaque aux émissions de CO2 par le trafic ou les nombreux textes qui réclament des transports publics gratuits, notamment pour renforcer le transport modal.
Celle de trop?
L’hyper activité des mouvements et partis pro climat n’est-elle pas contreproductive? «Bien au contraire», réagit Oleg Gafner, co-président des Jeunes vert.e.s. «La multiplication des initiatives est le témoin de la préoccupation de la population et d'une classe politique si timide sur la question environnementale», lance-t-il.
Alors que la loi CO2 a été rejetée, mettant au passage un coup de frein à la politique climatique fédérale, Oleg Gafner pense que son texte est plus à même d’obtenir les faveurs de la population. Comprenez: les Jeunes vert.e.s veulent éviter de toucher à (tous) les porte-monnaie, point qui a plombé la votation du 13 juin dernier.
Occuper l’agenda
Cette nouvelle initiative va aussi permettre de maintenir au centre du débat la question climatique. «La crise climatique reste ainsi constamment dans l’agenda politique. Je rappelle que cela fait 30 ans que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme et pas grand-chose n’a vraiment bougé depuis», analyse Sophie Fürst.
La porte-parole de l’Association suisse pour la protection du climat, à l’origine de l’initiative pour les glaciers, évoque un sondage mené à la suite du non à la loi CO2.
Elle poursuit: «La population n’en a pas ras-le-bol des initiatives. Elle a ras-le-bol de voir le politique qui ne trouve pas de nouvelles mesures, qui n’a pas de vision qui nous permettrait de continuer à vivre sur cette terre. Les initiatives, elles, donnent des pistes»
Attitude clivante?
Sophie Fürst et Oleg Gafner parlent de leur point de vue de défenseurs du climat et sont actuellement engagés pour leur texte. Pour prendre un peu de hauteur, nous sommes retournés interroger Antonio Hodgers. Souvenez-vous, cet écologiste de longue date, aujourd’hui conseiller d’Etat genevois, nous racontait que depuis quelques années, il sent une tendance à l’écologie de la peur avec des projections d’écroulement de nos sociétés.
Qu’en pense-t-il aujourd’hui? Bien sûr, que l’idée des Jeunes vert.e.s est très bonne, et qu’il va probablement la soutenir d’un point de vue personnel.
Mais quand même:
L’élu tire un parallèle avec la pandémie, les mouvements anti-vaccin, le prochain référendum II sur la loi Covid et «cette tendance à la polarisation de la société».
Il conclut: «Ces moments de démocratie ne doivent pas tomber dans la cacophonie. Est-ce bien utile de marteler qu’il faut sauver la planète ou se faire vacciner? Ou ne faut-il pas plutôt partir à la recherche d’une majorité, d’un compromis? L’initiative des Jeunes vert.e.s ne doit pas dispenser les partis politiques et les parlementaires de faire cette recherche.»
