Suisse
Politique

Enquête Credit Suisse: tout savoir sur la CEP

Une commission d'enquête parlementaire sur Credit Suisse?

Qui est responsable du fiasco Credit Suisse? Cette enquête veut le révéler

Faire toute la lumière sur les évènements qui ont mené au rachat de Credit Suisse par UBS: voilà le but d'une commission d'enquête parlementaire (CEP), qui pourrait bien être confirmé par le Parlement, ce mercredi et jeudi à Berne. Ce serait la première du genre depuis près de trente ans.
06.06.2023, 16:3408.06.2023, 15:19
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Le rachat de Credit Suisse par UBS va-t-il enfin faire l'objet d'une enquête parlementaire approfondie à Berne? Ce mercredi, le Conseil national doit approuver la création d'une commission prévue à cet effet. S'il entérine ce vote, ce sera au tour du Conseil des Etats, jeudi matin, d'avoir le mot final.

De son côté, le Vaudois Roger Nordmann, chef des socialistes à Berne, a démissionné de son poste. Il va s'engager au sein de la commission d'enquête parlementaire destinée à enquêter sur la débâcle de Credit Suisse. Il espère même la présider.

Retour sur les évènements

  • Le 19 mars dernier, le Conseil fédéral, l'organe de surveillance des marchés financiers Finma et la Banque nationale suisse annoncent dans l'urgence le rachat de Credit Suisse par UBS.
  • Le 27 mars, le bureau du Conseil national propose l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire (CEP) sur la débâcle de la grande banque pour «établir les responsabilités des autorités et organes».
  • Le processus stagne quelque peu, le temps que les discussions sur la place publique aient lieu. Le 17 mai, c'est le bureau du Conseil des Etats qui accepte un projet de constitution d'une CEP.
  • Et le 2 juin, le Conseil fédéral lui-même s'y dit favorable, bien que sa voix n'ait qu'une valeur consultative.
  • Mercredi et jeudi prochain, le Conseil national puis des Etats doivent confirmer en plénum l'ouverture de cette commission.

Une CEP, c'est du lourd

Mais une commission d'enquête parlementaire, d'abord, c'est quoi? Cette procédure d'envergure consiste à faire toute la lumière sur un évènement politique d'importance majeur. Il ne doit pas être confondu avec des enquêtes parlementaires menées par une des commissions de surveillance du Parlement (gestion et finance).

En effet, une CEP, c'est du lourd: disposant de son propre secrétariat, il s'agit d'une entité indépendante des autres autorités qui rend des comptes de manière autonome. Elle est prioritaire sur les autres processus parlementaires, comme l'indique le site du Parlement:

«Lorsqu'une CEP est instituée, aucune autre commission n'est plus autorisée à procéder à des investigations sur les événements qui font l'objet du mandat»

L'enquête peut durer plusieurs mois. La CEP est composée de membres du Conseil national et des Etats triés sur le volet. Le Conseil fédéral pour aussi y participer de manière consultative. Pour autant, il ne faut pas la confondre avec la justice:

«La CEP n'est pas un organe judiciaire, il ne peut pas condamner les patrons de Credit Suisse. Mais il pourrait les pointer du doigt et les accuser de s'être mal comportés. Elle peut analyser le fonctionnement de la Confédération et juger si le prêt décidé lors du rachat a été octroyé dans les règles de l'art.»
Pascal Sciarini, professeur en sciences politiques

Quatre CEP dans l'histoire suisse

Pascal Sciarini, professeur en sciences politiques à l'Université de Genève, nous éclaire au sujet des commissions d'enquête parlementaires. «La première d'entre elles a été créée dans les années 1960, dans le sillage de ce qu'on a appelé l'Affaire des Mirages», du nom de ce scandale d'Etat sur le dépassement de budget massif lors d'achat d'avions de combat français.

Mais c'est dans les années 1980-1990 que ces «CEP» seront utilisées à répétition:

  • L'affaire Kopp (1989)
  • Le scandale des fiches (1990)
  • Les caisses de pension de l'Etat (1995)

Et puis, après 1995, plus rien. Pourtant, ce ne sont pas les demandes qui ont manqué: près de trente d'entre elles ont été refusées, retirées ou classées depuis cette date. Pascal Sciarini avance une hypothèse pour l'expliquer: «Le Parlement s'est auto-limité pour ne pas déclencher de CEP à tout bout de champ.» Il faut dire que l'engagement d'une telle enquête demande des moyens, de l'énergie et prend du temps sur le travail des parlementaires.

Vote pour lancer la CEP en plénum

Mais ce n'est pas la seule raison, explique le politologue. Car la validation du lancement de la commission en plénum par les deux chambres, cela n'a pas toujours été une mince affaire. Comme pour la validation d'un vote, il faut disposer d'une majorité. «Les tentatives pour faire passer une CEP ont souvent été le fait de la gauche ou de l'UDC», explique Pascal Sciarini. Des propositions qui rencontraient alors souvent une forte opposition.

«Avec la polarisation de la politique suisse, il est devenu plus difficile d'aboutir à une CEP»
Pascal Sciarini, professeur en sciences politiques

Parmi quelques exemples, des tentatives de création d'une CEP ont été lancées lors de la chute de Swissair, des liens troubles entre des entreprises suisses et le régime d'Apartheid sud-africain ou encore du sauvetage d'UBS en 2008. Mais la fraction du Parlement opposée à celle des initiants avait alors toujours réussi à faire bloc.

«Si l'Assemblée se décide à instituer une CEP, il s'agit d'un évènement politique d'une grande portée»
Pascal Sciarini, professeur en sciences politiques

Cette fois pourrait être la bonne

Cependant, «au vu des réactions assez unanimes d'indignation au sein de tous les partis», cette fois pourrait être la bonne.

«Si la procédure en cours aboutit, cela serait une première depuis trente ans»
Pascal Sciarini, professeur en sciences politiques

Au vu du peu de résistance contre cette idée dans les travées du Parlement, l'opinion publique, les bureaux des chambres et l'avis du Conseil fédéral, tout porte à penser que cette cinquième CEP est bien partie pour être lancée.

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