Le rachat de Credit Suisse par UBS va-t-il enfin faire l'objet d'une enquête parlementaire approfondie à Berne? Ce mercredi, le Conseil national doit approuver la création d'une commission prévue à cet effet. S'il entérine ce vote, ce sera au tour du Conseil des Etats, jeudi matin, d'avoir le mot final.
De son côté, le Vaudois Roger Nordmann, chef des socialistes à Berne, a démissionné de son poste. Il va s'engager au sein de la commission d'enquête parlementaire destinée à enquêter sur la débâcle de Credit Suisse. Il espère même la présider.
Mais une commission d'enquête parlementaire, d'abord, c'est quoi? Cette procédure d'envergure consiste à faire toute la lumière sur un évènement politique d'importance majeur. Il ne doit pas être confondu avec des enquêtes parlementaires menées par une des commissions de surveillance du Parlement (gestion et finance).
En effet, une CEP, c'est du lourd: disposant de son propre secrétariat, il s'agit d'une entité indépendante des autres autorités qui rend des comptes de manière autonome. Elle est prioritaire sur les autres processus parlementaires, comme l'indique le site du Parlement:
L'enquête peut durer plusieurs mois. La CEP est composée de membres du Conseil national et des Etats triés sur le volet. Le Conseil fédéral pour aussi y participer de manière consultative. Pour autant, il ne faut pas la confondre avec la justice:
Pascal Sciarini, professeur en sciences politiques à l'Université de Genève, nous éclaire au sujet des commissions d'enquête parlementaires. «La première d'entre elles a été créée dans les années 1960, dans le sillage de ce qu'on a appelé l'Affaire des Mirages», du nom de ce scandale d'Etat sur le dépassement de budget massif lors d'achat d'avions de combat français.
Mais c'est dans les années 1980-1990 que ces «CEP» seront utilisées à répétition:
Et puis, après 1995, plus rien. Pourtant, ce ne sont pas les demandes qui ont manqué: près de trente d'entre elles ont été refusées, retirées ou classées depuis cette date. Pascal Sciarini avance une hypothèse pour l'expliquer: «Le Parlement s'est auto-limité pour ne pas déclencher de CEP à tout bout de champ.» Il faut dire que l'engagement d'une telle enquête demande des moyens, de l'énergie et prend du temps sur le travail des parlementaires.
Mais ce n'est pas la seule raison, explique le politologue. Car la validation du lancement de la commission en plénum par les deux chambres, cela n'a pas toujours été une mince affaire. Comme pour la validation d'un vote, il faut disposer d'une majorité. «Les tentatives pour faire passer une CEP ont souvent été le fait de la gauche ou de l'UDC», explique Pascal Sciarini. Des propositions qui rencontraient alors souvent une forte opposition.
Parmi quelques exemples, des tentatives de création d'une CEP ont été lancées lors de la chute de Swissair, des liens troubles entre des entreprises suisses et le régime d'Apartheid sud-africain ou encore du sauvetage d'UBS en 2008. Mais la fraction du Parlement opposée à celle des initiants avait alors toujours réussi à faire bloc.
Cependant, «au vu des réactions assez unanimes d'indignation au sein de tous les partis», cette fois pourrait être la bonne.
Au vu du peu de résistance contre cette idée dans les travées du Parlement, l'opinion publique, les bureaux des chambres et l'avis du Conseil fédéral, tout porte à penser que cette cinquième CEP est bien partie pour être lancée.