«Cette initiative est vouée à l’insuccès, elle n’a aucune chance devant le peuple.» Pascal Couchepin a répondu du tac au tac, sans prendre le temps de la réflexion. «Cinq ans pour devenir suisse? C’est très court», observe l’ancien conseiller fédéral valaisan. Cinq ans, c’est le délai fixé dans la proposition de réforme constitutionnelle en faveur d’une naturalisation à la limite du droit du sol, notion inconnue en Suisse. Fort de 26 membres, une bonne vingtaine étant d'origine étrangère, le comité d’initiative a présenté son texte mardi à Berne.
«C’est un projet nécessaire pour la Suisse moderne, une reconnaissance pour toutes les personnes étrangères qui vivent, travaillent et tissent leurs liens sociaux ici», plaide la conseillère aux Etats Lisa Mazzone (Vert.e.s/GE), elle-même «troisième génération» née suisse de parents d’origine italienne et l’une des chevilles ouvrières de l’initiative avec l’ancien sénateur Paul Rechsteiner (PS/SG). Une Genevoise et un Saint-Gallois: comme le symbole d’une cause embrassant le pays d'un bout à l'autre.
En 2021, sur la lancée du vote de 2017 favorable à la naturalisation facilitée des étrangers de troisième génération, Mazzone et Rechsteiner avaient déposé des motions visant à faciliter l’accès à la nationalité suisse pour les personnes nées sur le territoire helvétique. Le Conseil fédéral n’avait pas donné suite.
Ils reviennent tous deux, aujourd’hui, à la charge, à six mois des élections fédérales, avec une initiative populaire tournant le dos à la doctrine suisse de la naturalisation. L’obtention de la nationalité ne dépendrait plus de critères à la fois politiques et subjectifs, parfois laissés à la discrétion des communes, mais de conditions objectives et de nature administrative.
Reposant actuellement sur des bases aléatoires, la naturalisation deviendrait automatique dès lors que la personne «possède des connaissances de base dans une langue nationale», «ne met pas en danger la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse», «n’a pas été condamné à une peine privative de liberté de longue durée» et «séjourne légalement en Suisse depuis cinq ans». Des conditions minimales, pouvant être aisément satisfaites.
Membre du comité d’initiative, Nadra Mao est d’origine somalienne. Née à Berne, elle a acquis la nationalité suisse à l’âge de 9 ans. Voici son propos:
Hormis en 2017 – la cinquième fois fut la bonne –, les quatre précédentes tentatives pour une naturalisation facilitée ont toutes échoué devant le peuple. Le PLR Pascal Couchepin ne trouve pas la présente initiative «extrêmement choquante en soi», mais elle s’écarte selon lui de la notion de «Willensnation», de «nation par volonté», attachée à la nationalité suisse.
Chef du groupe libéral-radical aux Chambres fédérales, le Neuchâtelois Damien Cottier ne voit pas pourquoi «il faudrait de nouveau voter sur la naturalisation des étrangers, alors que peuple s’est prononcé à ce sujet relativement récemment, en 2017».
Sans surprise, le conseiller national UDC bernois Erich Hess est «totalement contre cette initiative». Comme Pascal Couchepin, il estime qu’«elle n’a aucune chance». «Après cinq de résidence en Suisse, on n’est pas intégré», affirme-t-il. Et de rappeler qu’en 2013, il avait fait accepter dans le canton de Berne une initiative durcissant les conditions d’obtention de la nationalité suisse pour les étrangers délinquants et ceux bénéficiant de l’aide sociale.
Jean-Luc von Arx s’exprime «à titre personnel». Le chef du groupe Le Centre au conseil municipal de la Ville de Genève accueille favorablement la nouvelle initiative pour une naturalisation facilitée des étrangers.
L'élu centriste ajoute: «On a besoin de citoyens suisses dans tous les domaines, dans les administrations comme dans le secteur privé. Cela participe de la vitalité d’un pays. Cela dit, je pense qu’il faut faire montre de motivation, marquer d’une manière ou d’une autre sa volonté de devenir suisse.» La France, par exemple, où prévaut le droit du sol, organise des cérémonies de naturalisation.
L’initiative des «5 ans» n'a semble-t-il rien prévu de la sorte.