«Mentalement, je pense que je suis encore tout à fait capable de travailler. Mais si je travaillais comme conseillère fédérale, j'aurais aujourd'hui encore plus besoin du soutien d'une bonne équipe de collaboratrices et de collaborateurs autour de moi. Le vieillissement est un processus naturel, lié à la lente dégradation de certaines fonctions.
Ma mémoire ne fonctionne plus aussi bien qu'il y a quelques années et il me faut parfois un peu de temps pour me souvenir d'un nom ou d'un événement. Un navigateur web peut à la rigueur m'aider. En ce qui concerne l'ouïe, j'ai réalisé qu'à plusieurs reprises, après un exposé, je n'ai pas compris une question ou une remarque d'un auditeur du fond de la salle. C'est pourquoi je suis en train d'essayer des appareils auditifs. Ma démarche est également devenue moins assurée et j'ai besoin de cannes pour faire de la randonnée.
Ceux-ci ne m'empêchent pas de continuer à m'engager, que ce soit contre la peine de mort, pour des réformes dans la politique des drogues ou, plus généralement, pour l'application des droits de l'homme. Pour cela, je voyage plus souvent, même sur d'autres continents. Mais je me déplace aussi beaucoup en Suisse.
Plus on est proche de la mort, plus l'horizon social est court. C'est à la jeune génération de construire l'avenir. Cette relève est d'autant plus nécessaire que tant de choses changent rapidement autour de nous. Toutes ces nouveautés ne sont pas toujours faciles à comprendre et à maîtriser.»
«Mon fils Mathias, qui est malheureusement décédé à l'âge de 35 ans, m'a mis en garde au début de l'année 2000. "Papa, après 13 ans, il est temps que tu arrêtes d'être président de la Confédération et conseiller fédéral. Tu es fatigué. Après la fatigue vient la maladie." Ma femme Katrin était de son avis.
Mais je n'arrivais pas à les chasser de mon esprit. A partir de mai 2000, j'ai placé en secret derrière le miroir de la salle de bain un papier sur lequel j'ai noté soigneusement les points positifs et négatifs liés à une démission du Conseil fédéral. En me brossant les dents, je regardais le papier, le complétais et réfléchissais à la situation.
Lorsque j'ai assisté aux Jeux olympiques d'été de Sydney en septembre 2000, le temps était venu pour moi de faire le pas vers la retraite. Le voyage a été un grand défi. Je me suis d'abord rendu en Chine pour des réunions, puis en Australie le 15 septembre pour la cérémonie d'ouverture, où j'ai rencontré le Premier ministre et le gouverneur général. Le lendemain, j'ai rencontré la ministre australienne des Sports et le ministre australien de la Défense. Et le 17 septembre, j'ai vécu au stade un moment sportif absolu: Brigitte McMahon a remporté l'or et Magali Messmer le bronze lors du premier triathlon olympique.
Une idée m'a alors traversé l'esprit:
Mon mandat de 1988 à 2000 a été très intense. Six jours par semaine, je me levais à 4h45 du matin et ne me couchais qu'après minuit. Cela va puiser dans toutes les ressources. Juste après l'épreuve de triathlon, j'ai appelé ma femme Katrin et je lui ai dit: «C'est la faute de trois femmes et de Mathias si je me retire à la fin de l'année: toi, Brigitte McMahon et Magali Messmer.»
Ma mémoire fonctionne bien, certes. Je l'entraîne régulièrement, je répète chaque jour des noms et des organisations. Je fais aussi encore beaucoup de choses physiquement: cet hiver, j'ai skié 25 fois à Kandersteg, à chaque fois pendant 2,½ heures. Et je continue de travailler, mais mon corps m'impose certaines limites.
Je pense qu'il n'est pas suisse de rester en fonction aussi longtemps que le fait le président américain Joe Biden. La Suisse ne connaît qu'un seul conseiller fédéral qui est resté en fonction à plus de 80 ans: le Thurgovien Adolf Deucher, conseiller fédéral de 1883 à 1912. Il est mort en fonction à 81 ans. L'exception confirme la règle. En Suisse, à l'époque moderne, les conseillers fédéraux sont habituellement élus entre 40 et 60 ans et restent généralement en fonction pendant 12 ans.
La nation la plus importante du monde, la puissance économique la plus forte et l'armée la plus puissante doivent être dirigées au cours des quatre prochaines années par Joe Biden, qui a aujourd'hui 81 ans. Ou par Donald Trump, qui a 77 ans et qui veut affaiblir l'Otan, l'Europe et Taïwan.
Il ne faut pas oublier qu'à partir de 70 ans, la vitesse, la mobilité et la capacité d'analyse et d'appréciation de la situation, mais aussi la mémoire, diminuent. La dégradation du corps se fait sentir dans l'esprit - le corps est l'esprit. Joe Biden tente certes de masquer cette faiblesse en faisant son jogging sur les dix derniers mètres qui le séparent de l'hélicoptère. Mais c'est justement là que ses problèmes deviennent vraiment visibles.»