Il paraît que les Alpes, le chocolat et la fondue ont une bonne influence sur la santé: la Suisse offre la deuxième meilleure espérance de vie d'Europe, d'après les derniers chiffres disponibles, diffusés lundi par Eurostat et relatifs à 2021. Alors que dans l'UE la durée de vie moyenne se monte à 80,1 ans, hommes et femmes confondus, dans notre pays ce chiffre grimpe à 83,9.
Seul le Liechtenstein fait mieux que nous, avec une durée de vie moyenne de 84,4 ans. A la troisième position on retrouve l'Espagne (83,3 ans), suivie par l'Islande (83,2 ans) et la Norvège (83,2 ans).
Ce n'est pas une nouveauté. Cela fait au moins vingt ans que la Suisse squatte systématiquement le podium européen. Une situation qui s'explique d'abord par l'efficacité du système des soins helvétique, indique Philippe Wanner, démographe à l'Université de Genève:
Mais les facteurs ne s'arrêtent pas là. «La structure de la population joue également un rôle», poursuit le spécialiste. «La Suisse compte un niveau élevé d'universitaires, qui sont généralement un peu plus attentifs à leur santé; on sait que, statistiquement, ils vivent plus longtemps que les personnes ayant suivi une formation secondaire ou sans formation».
«Les personnes âgées peuvent en outre compter sur des ressources financières plus importantes par rapport à d'autres pays», énumère Philippe Wanner, qui ajoute un dernier élément à l'explication: l'immigration.
Bien qu'élevée en comparaison internationale, l'espérance de vie n'est pas la même partout en Suisse: elle varie en effet d'une grande région à l'autre:
Avec une durée de vie moyenne de 85,7 ans, c'est le Tessin qui se hisse en tête du classement. Il est suivi par la Région lémanique, formée par les cantons de Genève, Vaud et Valais. L'espérance de vie y est de 84,8 ans. La Suisse orientale (GR, SH, AR, AI, TG, SG et GL) occupe la dernière place du classement, avec 83 ans.
Le bon score de la Région lémanique est dû à l'effet de l'immigration, affirme Philippe Wanner. Mais d'autres facteurs contribuent à expliquer l'écart entre les régions. «Le risque d'accidents de la route ou des chutes en montagne, par exemple, est plus élevé dans des zones rurales ou montagneuses», avance-t-il «Il s'agit d'événements rares, mais qui frappent une population plutôt jeune, ce qui tire l'espérance de vie vers le bas». Autre exemple, les comportements sanitaires:
Les régions suisses sont très bien situées dans le classement européen, qui en compte quelque 400: le Tessin se hisse à la première place, la Région lémanique à la quatrième. Toutes les autres se situent dans le Top 50.
Tant au niveau régional que national, les dernières places du classement sont occupées par des pays de l'Europe de l'Est. Avec 71,4 ans, la Bulgarie est le pays européen où l'on vit le moins longtemps, précédé par la Roumanie (72,8) et la Serbie (72,8).
Cette situation s'explique par certains comportements sanitaires, analyse Philippe Wanner: «La chute du mur de Berlin a entraîné une forte diminution de la durée de vie dans ces pays, notamment chez les hommes, à cause des maladies cardiovasculaires provoquées par une consommation abusive d'alcool».
Les données d'Eurostat montrent également que, depuis de nombreuses années, l'espérance de vie ne cesse de croitre en Suisse. Entre 1991 et 2021, elle a augmenté de 6,1 ans, ce qui correspond à une hausse moyenne de deux ans toutes les dix années.
«Il s'agit d'une augmentation linéaire qui se poursuit depuis 150 ans», détaille Philippe Wanner, et qui s'explique essentiellement par les progrès dans le domaine médical.
A cela s'ajoutent des médicaments plus performants et une meilleure connaissance les facteurs de risque, complète le démographe. Ce dernier souligne pourtant que, depuis 2020, la croissance s'est arrêtée, les données indiquant des valeurs stables. S'agit-il de la conséquence de la pandémie? Pour Philippe Wanner, «c'est encore trop tôt pour le savoir».