Suisse
Reportage

Echafaudage à Malley: «Il aurait pu y avoir plus de morts»

Reportage à Prilly-Malley, près de Lausanne, dans le quartier où s'est effondré un échafaudage. L'accident a fait au moins trois morts.
Les habitants du quartier et les proches des victimes ont improvisé un mémorial.Image: watson

Echafaudage: «A une heure près, il aurait pu y avoir beaucoup plus de morts»

L'effondrement d'un échafaudage à Prilly (VD), près de la gare de Malley et de la Vaudoise Arena, a fait trois morts vendredi. Trois jours après le drame, on a rencontré des ouvriers et habitants du quartier, entre incompréhension et tristesse. Reportage.
15.07.2024, 18:5916.07.2024, 08:27
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«Comment on fait pour aller à la Vaudoise Arena? Il se passe quoi ici, pourquoi vous bloquez la route?» «Moi je dois aller à la Migros, mais ils ne veulent pas me laisser traverser...»

Ce lundi matin, trois jours après l'effondrement d'un échafaudage, à Prilly-Malley, l'ambiance est particulière. Je me poste près du rond-point entre Aldi et Malley Lumières. Les conducteurs s'invectivent, sans comprendre pourquoi l'accès en direction de la patinoire est fermé. Et sans voir non plus, à la hauteur de leurs jantes, le mémorial improvisé.

Samedi, au lendemain du tragique accident de chantier, des fleurs avaient �t� d�pos�es pr�s des lieux du drame � la m�moire des victimes (archives).
Des fleurs et des bougies à la mémoire des trois personnes décédées vendredi.Keystone

Dans ce quartier où on ne compte plus les chantiers, les sens interdits, les déviations, tout le monde n'a pas l'air de comprendre ce qu'il se passe. Ce qu'il s'est passé vendredi, lorsqu'un échafaudage s'est effondré, causant la mort d'au moins trois personnes.

Une ambiance électrique

Un Securitas et un responsable du parking filtrent les accès. «Vous ne me touchez pas!», crie une femme à l'un des deux hommes, celui qui tente de l'empêcher de passer sous une rubalise rouge et blanche. Le ton monte, des insultes fusent des deux côtés. Quelques personnes s'écartent.

«Ils pourraient faire preuve d'un peu plus de respect, il y a des gens qui aimeraient se recueillir...»
Delphine, une habitante du quartier.

Alors que la femme s'en va, essuyant une larme de rage après cette altercation, un groupe de jeunes filles vient déposer des fleurs, au pied d'un poteau. De part et d'autres de celui-ci, des rubalises.

Reportage à Prilly-Malley, près de Lausanne, dans le quartier où s'est effondré un échafaudage. L'accident a fait au moins trois morts.
Les jeunes filles ont apporté des fleurs.Image: watson

A la décharge des nombreux habitants du quartier qui tentent leur chance, l'interdiction de passer n'est pas très visible. D'ailleurs, les panneaux indiquant l'accès au centre commercial, durant les travaux, est toujours en place.

Reportage à Prilly-Malley, près de Lausanne, dans le quartier où s'est effondré un échafaudage. L'accident a fait au moins trois morts.
Les flèches indiquant le chemin pour Malley Lumières, le centre commercial, sont toujours en place, trois jours après l'accident et le bouclage de la zone.watson
«Mademoiselle, vous savez si la Migros est ouverte?»
Une femme d'une soixantaine d'années qui m'interpelle.

Je lui réponds, comme me l'a dit le Securitas un peu plus tôt, que tous les commerces du centre sont fermés «jusqu'à nouvel ordre».

«Et la poste aussi...?»
Un jeune homme avec un immense colis Zalando dans les bras.

Une femme qui se déplace avec des béquilles se mêle à la conversation. «La pharmacie aussi, je suppose...». Elle fait demi-tour, soupirant.

Les spéculations vont bon train

Un ouvrier portugais travaillant sur un autre chantier de la ville s'approche, il a une théorie et veut la partager. «A mon avis, s’ils n’ouvrent pas les commerces, c’est parce qu’ils ont peur que le reste de l’échafaudage s’effondre...» Une hypothèse contredite par la police vaudoise (lire encadré).

«On en parle même sur les chaînes de télévision du Portugal. Ma mère, qui vit là-bas, m'a appelée quand elle a vu ça, puisqu'il y a un Portugais parmi les morts.»
L'ouvrier.

Du bout du doigt, il me montre une journaliste et un cameraman. «Ils travaillent pour une chaîne portugaise du style de CNN, ils vont partout faire des directs.»

Reportage à Prilly-Malley, près de Lausanne, dans le quartier où s'est effondré un échafaudage. L'accident a fait au moins trois morts.
Le sujet inquiète jusqu'au Portugal.Image: watson

Pense-t-il réellement que tout peut encore s'effondrer?

«Vu comme l’échafaudage s’est effondré sur lui-même, et n’est pas tombé en avant, pour moi ça veut dire qu’il y a eu un problème au niveau des pieds. Normalement, toutes les semaines, les pieds doivent être contrôlés. Si ça bouge d’un centimètre, tout peut lâcher. Idem quand on installe une grue; en premier lieu, on doit s'assurer que le sol est stable. On a peut-être trop chargé le monte-charge, aussi...»
L'ouvrier.

Des spéculations, mais aussi des rumeurs. Plusieurs voisins parlent entre eux d'ouvriers qui manqueraient à l'appel. «Non, la police a réussi à joindre tout le monde, j'ai entendu dire», assure notre professionnel de la construction. Mais il souligne une faille dans le système:

«Sur les chantiers, il y a des listes des personnes qui travaillent, et les contacts à appeler en cas d'urgence. Les listes, la plupart du temps, ne changent pas; on travaille avec les mêmes gars pendant des semaines. Mais il suffit qu'un jour ou deux, d'autres personnes viennent travailler... Honnêtement, les listes ne sont pas toujours à jour, surtout pour les gars qui viennent juste un jour.»
L'ouvrier.

Antonio, un habitant du quartier, s'invite dans la conversation. «D'habitude, je vais tous les matins à Denner, dans le centre, et ensuite je m'arrête boire un café».

Reportage à Prilly-Malley, près de Lausanne, dans le quartier où s'est effondré un échafaudage. L'accident a fait au moins trois morts.
Des curieux prennent des photos de l'échafaudage effondré.Image: watson

Ce voisin interpelle l'ouvrier portugais, demandant comment cet accident a pu se produire si les normes de sécurité sont si strictes. Des règles strictes, oui, mais «il y a aussi une pression folle sur les chantiers», explique notre ouvrier.

«Il y a toujours tellement de choses à faire en même temps, et des délais très serrés, que c’est impossible que tout soit toujours fait dans les règles. Même en Suisse...»
L'ouvrier.

Il souligne toutefois que dans ce terrible malheur, vendredi dernier, certains ont eu de la chance. A une heure près, il aurait pu y avoir beaucoup plus de morts.

«L'effondrement s'est produit à une heure où on fait la pause. Donc il y avait beaucoup moins de monde sur l'échafaudage. Une heure plus tard, ça aurait été différent...»
Un ouvrier.

«Il ne faut pas avoir peur, Madame!»

Alors que de nombreux habitants du quartier tentent toujours, en vain, d'accéder aux commerces du centre sans comprendre pourquoi la zone est bouclée dans un aussi grand périmètre, une femme dont le fils travaille lui aussi sur les chantiers vient tailler le bout de gras.

«Il est électricien, j'ai très peur pour lui quand je vois un tel drame»
Une femme du quartier.

«Eh bien il ne faut pas», lui rétorque l'ouvrier portugais. Est-ce que la peur d'un tel accident fait partie du jeu? Il répond du tac au tac que non. «Si on a cette angoisse, il faut quitter le métier...» Et de préciser que chaque mois, la sécurité sur les chantiers est rappelée. «La Suva fait un bon travail», assure-t-il à Antonio et à la nouvelle venue.

Reportage à Prilly-Malley, près de Lausanne, dans le quartier où s'est effondré un échafaudage. L'accident a fait au moins trois morts.
Il faudra du temps pour déblayer l'échafaudage.Image: watson

Il nuance toutefois son propos en ce qui concerne les ouvriers qui ont assisté à la scène et vu mourir des collègues. «Il ne faut pas craindre un tel drame, mais si on assiste à une chose pareille, c'est différent. Psychologiquement, ça doit être terrible. Moi, si j'avais été là, j'aurais quitté le monde des chantiers. On ne devrait pas voir quelqu'un mourir», souffle-t-il. La femme au fils électricien surenchérit. «Il y a eu tellement de vidéos affreuses sur les réseaux sociaux, les gens ne devraient pas faire ça.

«Imaginez les familles des victimes qui ont découvert ça sur TikTok...»
Une femme du quartier.

Ils évoquent la fausse alarme, ce lundi matin, lorsque les sirènes ont retenti dans les cantons de Vaud et du Valais. «J'ai cru que c'était pour nous prévenir qu'il y avait eu un nouvel effondrement dans le quartier!», dit-elle. «Je comprends, ça nous marque, un tel événement», acquiesce l'ouvrier. Il évoque encore le sort des personnes décédées, dont un Portugais.

«Imaginez ceux qui viennent ici, en Suisse, chercher une vie meilleure, et qui finissent sous ce tas de ferraille…»
L'ouvrier.
La police répond aux rumeurs
Interpelée sur plusieurs rumeurs, la police nous a répondu lundi en fin de journée. Le centre commercial est fermé, car certaines sorties de secours ont été rendues inaccessibles par l'effondrement. «Un point sur le chantier sera fait mardi», explique Jean-Christophe Sauterel, porte-parole de la police cantonale vaudoise. Il ne peut nous dire combien de temps les commerces, la patinoire et le badminton resteront inaccessibles.

Au sujet des personnes prétendument sous les décombres, le communicant indique qu'il n'y a pas de personne signalée disparue. «Mais tant que les travaux de déblaiement ne seront terminés, nous ne pourrons pas formellement l'exclure», conclut-il.

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source: sda / michael buholzer
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