
Les nomades ont été bloqués par la police valaisanne le 15 avril.Keystone
Nous avons joint un membre des gens du voyage expulsés mardi du canton du Valais. Leur avocat s'insurge. La police valaisanne botte en touche. A Neuchâtel, on sort la loi.
17.04.2025, 18:5418.04.2025, 09:36
On a retrouvé Benno Hildbrand, municipal à Gampel, la commune valaisanne qui n’a pas voulu des gens du voyage, mardi en provenance du canton de Neuchâtel. Avec la neige qui paralyse le Haut-Valais, son discours, ce jeudi matin, est encore plus alarmiste que celui tenu la veille, qui mettait en garde contre des crues du Rhône:
«La circulation est bloquée, les écoles fermées, il y a des coupures d’électricité. Les gens du voyage n’auraient pas été en sécurité»
Benno Hildbrand
Des paroles de bon sens, se dit-on. Mais quand le beau temps sera de retour, les gens du voyage pourront-ils venir à Gampel? «Non, nous ne sommes pas équipés pour accueillir 150 personnes et leurs caravanes», tranche l’élu en charge du tourisme. Les habitants ont-ils peur? «Je ne sais pas», répond-il.
Des nomades en colère
De nationalité française, mardi matin encore dans leur campement de La Vue-des-Alpes situé à 1200 mètres, ces indésirables refoulés par la police devaient séjourner dans un camping de la commune haut-valaisanne. «Un contrat de location avait été signé», affirme à watson Me Pierre Ventura, avocat à Lausanne, qui représente les nomades éconduits.
La situation à la Vue-des Alpes 👇
Vidéo: watson
Diago, 40 ans, est l’un d’eux. Nous l'avons joint par téléphone jeudi après-midi. Il est en voiture, de retour d’une cérémonie d’obsèques, à Mézières, dans le canton de Vaud.
«J’étais à l’enterrement d’un commandant de police qui a beaucoup fait pour nous. Il nous aidait toujours à trouver un emplacement et venait souvent nous voir pour boire le café»
Diago, de la communauté des gens du voyage
Diago est ulcéré par la décision de la police valaisanne. «On a tout fait dans les règles», dit-il.
«Il y a environ une semaine, on a appelé le propriétaire d’un camping à Gampel, un croyant, comme nous. On a pris rendez-vous avec lui. Le lendemain, on est allé le voir pour faire le prix. On est retourné le jour d’après avec l’argent, un acompte de 15 000 francs, en espèces. On a signé le contrat. Il allait du 15 avril au 30 mai. Voilà.»
Diago, de la communauté des gens du voyage
Lui et sa communauté de retour à La Vue-des-Alpes auraient voulu pouvoir fêter Pâques au camping de Gampel.
«Le propriétaire nous mettait gratuitement une salle à disposition pour pouvoir faire des réunions évangéliques. A La Vue-des-Alpes, il n’y a rien, pas un bâtiment, pas d’électricité, on est loin de tout, il y a deux toilettes pour les hommes, deux toilettes pour les femmes, c’est tout.»
Diago, de la communauté des gens du voyage

Les nomades ont dû s'installer dans des conditions difficiles.Image: watson
Notre interlocuteur veut «rétablir une vérité»:
«Les gens pensent qu’on fout le bordel et qu’on ne paie rien. C’est faux. On travaille et nos emplacements, on les paie. Un mois à La Vue-des-Alpes, c’est 35 000 francs et c'est nous qui les déboursons»
Diago, de la communauté des gens du voyage
Me Pierre Ventura juge «inique» la décision valaisanne frappant ses clients. «Un contrat de bail avait été signé entre le propriétaire et les gens du voyage. Il a été cassé sous la pression des autorités municipales et cantonales, selon toute évidence», affirme-t-il.
«Ce ne sont pas des sous-citoyens»
L’avocat a une bonne connaissance du milieu tsigane.
«Ce ne sont pas des sous-citoyens. Ceux qui souhaitaient se rendre à Gampel sont des gens du voyage de nationalité française. Comme tout résident de l’Union européenne, ils ont le droit de se déplacer dans l’espace Schengen, dont la Suisse est membre. Leur barrer la route comme l’a fait la police valaisanne, au nom d'un risque de troubles à l’ordre public, a tout de l’abus de droit.»
Me Pierre Ventura
Avisant la météo exécrable en Valais, Jérôme Wessner, responsable des aires d’accueil dans le canton de Neuchâtel, estime que le retour forcé des gens du voyage à La Vue-des-Alpes «est un mal pour un bien». Le chargé de mission dresse un panorama de l’«offre» en vigueur sur le territoire neuchâtelois.

Il fait froid à La Vue-des-Alpes.Image: watson
Le dispositif d'accueil dans le canton de Neuchâtel
Actuellement et selon la loi, le canton dispose de «deux sites provisoires» dédiés à l’accueil des gens du voyage. Un pour les étrangers situé à La Vue-des-Alpes, un autre à Boudry pour les nationaux suisses.
A cela s’ajoutent les «haltes spontanées». On entend par-là les terrains mis à la disposition de gens du voyage par des privés. La loi prévoit ici la signature d’un contrat cadre, dit «gens du voyage», nécessitant l’agrément de l’autorité cantonale et devant répondre à divers critères, notamment environnementaux.
Jérôme Wessner voit plus loin:
«L’objectif est d’avoir un jour des aires d’accueil officielles pour les gens du voyage et non plus des sites provisoires aux infrastructures parfois sommaires. Il y a à ce propos un projet appelé "Conception aires de transit", qui est placé sous la responsabilité de l’Office fédéral de la culture. Il vise à augmenter le nombre d’aires d’accueil pour les gens du voyage.»
Jérôme Wessner, responsable des aires d’accueil dans le canton de Neuchâtel
Mais le scepticisme l'emporte, tant les oppositions sont fortes dès lors qu'un projet «solide» prend forme.
La police valaisanne embarrassée
Il neige à La Vue-des-Alpes, constate Diago à regret. Les conditions météorologiques sont certes pires à Gampel, mais il a la conviction d'avoir été dans son bon droit en signant un contrat avec le propriétaire du camping. Sollicité par watson pour savoir si la loi valaisanne autorise un privé à louer un terrain à des gens du voyage, la police valaisanne répond si l'on peut dire à côté:
«Le propriétaire avait effectivement résilié son contrat, ne désirant plus accueillir les gens du voyage. La commune de Gampel de son côté avait également mis son veto à leur arrivée»
La police valaisanne
Confrontée à la loi neuchâteloise qui autorise les emplacements privés à certaines conditions, la police valaisanne reste évasive:
«L’ordre juridique entre les cantons comporte effectivement des différences. Nous nous ne prononçons pas sur la loi neuchâteloise»
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