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Hôpitaux suisses: le secteur de la santé est en pleine crise

Gesundheitspersonal Schweiz
Année après année, le secteur de la santé suisse a besoin de beaucoup plus de personnel qualifié.photo: Keystone

Le secteur de la santé est en crise, et ce ne serait pas à cause des coûts

Le secteur de la santé croît à une vitesse quasi-incontrôlable. Même le vieillissement de la population n'arrive pas à expliquer cette croissance, qui n'est pas liée qu'aux coûts. Un économiste fait une analyse étonnante.
06.12.2022, 05:5506.12.2022, 08:20
Mark Walther / ch media
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La pénurie de main-d'œuvre qualifiée en Suisse a atteint un niveau record, a récemment annoncé l'agence de recrutement Adecco. Le secteur de la santé est particulièrement touché. En cause, le nombre de professionnels formés est insuffisant dans ce secteur et les conditions de travail sont très exigeantes.

Il existe, toutefois, un autre facteur qui alimente la pénurie de personnel qualifié: le secteur de la santé connaît une croissance rapide en Suisse. Et cela ne concerne pas que ses coûts, mais bien la demande pour des prestations de santé.

Le nombre de postes augmente

L'Office fédéral de la statistique vient de publier de nouveaux chiffres concernant les hôpitaux: l'an dernier, ils employaient plus de 230 000 personnes qui se partageaient près de 180 000 postes à temps plein. Cela représente une augmentation de 12,8% en l'espace de sept ans.

Les médecins généralistes et l'administration font partie des secteurs qui ont connu la plus forte croissance, avec une augmentation de 20% chacun. Pour le personnel de soignant, l'augmentation est plus faible avec 8,5% sur la même période.

Un secteur en pleine croissance

Il est évident qu'il faut plus de personnel pour les soins médicaux, car la population augmente et les gens vieillissent. Mais cela ne suffit pas à expliquer le boom du secteur de la santé. Alors que le nombre d'habitants en Suisse a augmenté d'environ 4% entre 2015 et 2020, les coûts de la santé ont augmenté de 12%.

L'économiste de la santé Stefan Felder, de l'Université de Bâle, explique cet écart par notre prospérité: l'augmentation des revenus a entraîné une croissance disproportionnée du secteur de la santé. Avec l'augmentation de la richesse, les biens de consommation classiques tels que le logement, les vêtements ou les moyens de transport arrivent à saturation, ce qui entraîne un déplacement de la consommation supplémentaire vers le domaine de la santé.

«En Suisse, le nombre personnes disposées à payer davantage pour des services de santé est élevé»
Stefan Felder, Université de Bâle

Il cite comme exemple la forte demande dans le domaine du fitness et des soins de beauté, mais aussi des traitements préventifs comme le dépistage du cancer du sein.

Certaines dépenses ont un effet nocif

Selon Stefan Felder, ces dépenses ont, toutefois, un effet nocif, le dépistage précoce pouvant amener à des situations de surdiagnostic. Dans ce genre de cas, des atteintes bénignes seront considérées comme nocives et la personne sera traitée comme une patiente cancéreuse, avec les coûts et l'effort de travail qui va avec.

Cette idée est, toutefois, contestée par plusieurs spécialistes. Selon la Ligue contre le cancer, les avantages des programmes de dépistage par mammographie l'emportent sur les inconvénients du point de vue actuel.

Du stationnaire à l'ambulatoire

Un autre facteur semble alimenter cette évolution: en raison de la couverture d'assurance, il n'y a pas d'incitation financière à recourir à moins de prestations. Stefan Felder situe le problème dans l'assurance de base qui, selon lui, couvre trop de prestations.

«Notre assurance obligatoire des soins offre un incroyable paquet complet pour tout le monde»
Stefan Felder, Université de Bâle

Le nombre de traitements effectués est impressionnant: les consultations ambulatoires ont augmenté de 34% depuis 2015 et s'élèvent désormais à plus de 24 millions. Les cas hospitalisés ont augmenté de 2,4%. Le transfert du secteur stationnaire vers le secteur ambulatoire est une volonté politique visant à réduire les coûts.

Un autre facteur semble alimenter cette évolution: en raison de la couverture d'assurance, il n'y a pas d'incitation financière à recourir à moins de prestations.

Un secteur à fort besoin de main-d'œuvre

Alors que d'autres secteurs économiques génèrent davantage de production dans le même temps grâce à l'automatisation, le secteur de la santé est resté un secteur à fort besoin de main-d'œuvre. Réaliser des examens ou s'occuper des patients ne peut pas être optimisé comme une machine.

«En même temps, le temps de travail du personnel médical a tendance à diminuer», selon l'Association suisse des médecins-assistants et chefs de la clinique (ASMAC). Il faut donc plus de personnel pour fournir les mêmes prestations.

«Cette évolution est juste et nécessaire, car les médecins ne sont plus disposés à travailler 80 heures ou plus par semaine»
Philipp Thüler, ASMAC

Avec une moyenne de 56 heures par semaine, la charge de travail des médecins hospitaliers est encore bien trop élevée et finalement même, illégale, estime-t-il. C'est pourquoi l'association demande une semaine de travail composée de 42 heures de prestations aux patients et de quatre heures de formation continue structurée.

Seule la moitié des généralistes est suisse

Comme la Suisse ne forme pas assez de personnel qualifié, elle s'est davantage appuyée sur le personnel étranger ces dernières années.

C'est particulièrement marqué chez les généralistes: 70% des nouveaux équivalents temps plein créés depuis 2010 ont été repris par des médecins étrangers. La part des généralistes de nationalité suisse est passée de 60 à 51,5%.

Plus d'assurances complémentaires privées?

Ces dernières années, la politique n'a pas réussi à faire du progrès dans le domaine de l'aide à la formation et de la réduction des coûts. Stefan Felder plaide pour des franchises plus élevées afin que les gens aient moins recours aux traitements.

Mais le catalogue de prestations de l'assurance de base devrait également être revu. Il faut à nouveau davantage d'assurances complémentaires privées, dont l'importance a diminué ces dernières années. Cela aurait pour conséquence que les assurés devraient à nouveau davantage payer eux-mêmes les frais de santé.

Des soins de base pour tous

Le Parti socialiste veut aller dans la direction opposée. L'objectif doit être de maintenir et d'étendre les soins de base dans tout le pays et avec un accès pour tous, selon un document de position du parti.

Ce n'est pas le porte-monnaie qui doit déterminer qui a accès à quel type de soins, estime le parti à la rose. Les socialistes souhaitent financer un tel système par le biais d'une caisse d'assurance maladie publique dont les primes dépendent du revenu.

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