La canicule qui écrase actuellement la Suisse a fait souffrir de nombreuses personnes ces derniers jours. Pourtant, pour une partie de la population, la forte chaleur représente bien plus qu'un inconfort: elle peut être une menace mortelle. C'est le cas des personnes âgées, particulièrement vulnérables à ces conditions atmosphériques extrêmes.
Selon les derniers chiffres de la Confédération, la chaleur a entraîné la mort de plus de 17 000 personnes entre 1980 et 2023 en Suisse. Plus de trois quarts des victimes avaient 75 ans et plus. Ces dernières années, la part de personnes âgées a beaucoup augmenté et s'élève désormais à plus de 90%.
Bien que ces chiffres doivent être pris avec des pincettes (voir encadré à la fin de l'article), la tendance est très claire. «Les vagues de chaleur sont particulièrement dangereuses, et elles se multiplient», avance Peter Burri Follath, responsable communication de Pro Senectute.
Pour comprendre pourquoi les personnes âgées sont particulièrement concernées, il faut regarder du côté de l'organisme. «La chaleur fait augmenter la température du corps, qui, pour s'adapter, déclenche plusieurs réactions», explique François Herrmann, médecin adjoint au Service de gériatrie et réadaptation des HUG. «La fréquence cardiaque augmente, les reins fabriquent davantage d'urine, les vaisseaux sanguins de la peau se dilatent».
«Chez les personnes âgées, ces adaptations sont plus compliquées», poursuit le médecin. Quand ces mécanismes deviennent insuffisants, plusieurs effets peuvent alors se manifester. François Herrmann évoque la déshydratation, les crampes musculaires dues à la perte de sels minéraux, l'épuisement ou encore l'insolation.
Si le coup de chaleur peut être une cause directe de décès, il ne faut pas oublier que la mort est souvent multifactorielle. «De nombreuses personnes âgées ont plusieurs maladies en même temps, ce qui constitue un facteur de risque très important», souligne Peter Burri Follath.
La solitude et l'isolement social constituent d'autres facteurs de risque très importants. «Il faut savoir qu'à partir d'un certain âge, la sensation de soif devient moins prononcée», indique Peter Burri Follath. Par conséquent, certaines personnes oublient de boire et de manger. Résultat:
Les chiffres montrent également que les femmes âgées sont davantage menacées que les hommes. En étudiant la vague caniculaire de 2003, François Herrmann a constaté que la mortalité augmente surtout à partir de 87 ans. «Plus de femmes décèdent en nombre absolu, car elles sont plus nombreuses à atteindre un âge avancé», précise-t-il. «Mais, en réalité, le taux de mortalité des hommes est supérieur à celui des femmes avant l’âge de 96 ans, et ce, quelles que soient les conditions de mortalité et les températures.»
De plus, le médecin rappelle que la mortalité ne varie pas uniquement en fonction la température, mais dépend également de nombreux autres facteurs. Le taux d’humidité, la durée d’exposition, l'état d'adaptation de la personne et son activité physique en sont des exemples. Les caractéristiques du paysage jouent aussi un rôle, comme le confirme Peter Burri Follath:
Selon les observations de Pro Senectute, la mortalité n'est pas constante au fil de la saison chaude. «Les épisodes caniculaires survenant en début d'été sont plus dangereux que ceux qui ont lieu plus tard», affirme Peter Burri Follath. Vers le mois d'août, les personnes ont eu le temps de s'adapter, ce qui n'est pas encore le cas entre fin mai et début juin.
Cela laisse supposer que la canicule ayant eu lieu au mois de juin de cette année sera plus meurtrière que l'actuelle, avance le responsable de Pro Senectute, tout en précisant qu'il ne s'agit à ce stade que d'une «hypothèse».
Ce qui est sûr, c'est que la suite s'annonce sombre. Bien que la prévention fonctionne et commence à porter ses fruits, deux menaces majeures se profilent, indique Peter Burri Follath:
Les données de la Confédération montrent que le taux de mortalité lié à chaleur n’a pas augmenté conjointement aux températures estivales moyennes, qui montent en flèche depuis plusieurs années. «Il est possible que la population soit parvenue dans une certaine mesure à s’adapter aux périodes modérément chaudes», pointe le rapport de la Confédération.
En revanche, les taux de mortalité ont augmenté pendant les journées chaudes ou très chaudes. Sans surprise, ces dernières sont de plus en plus fréquentes.
Des mesures de prévention sont malgré tout possibles. A côté de l'information et de la sensibilisation, le responsable de Pro Senectute rappelle l'importance de la vigilance. «Nous sommes tous appelés, surtout les plus jeunes, à être plus attentifs à nos voisins et à ne pas hésiter à leur rendre visite pour voir s'ils ont besoin d'aide», déclare-t-il. Et de conclure: