Si la population suisse continue d'évoluer comme elle l'a fait ces dernières années, la barre des dix millions d'habitants sera franchie vers 2040. C'est ce qui ressort des prévisions démographiques de l'Office fédéral de la statistique (OFS), diffusées le 15 avril dernier. En 2055, la population helvétique atteindra 10,5 millions de personnes.
Cette croissance va s'accompagner d'un vieillissement «rapide et prononcé», indique l'OFS. Les personnes âgées de 65 ans et plus augmenteront d'environ 50% dans les 30 prochaines années, alors que la population dans son ensemble ne devrait progresser que de 15%. En 2055, les seniors représenteront 26% de la population, contre un peu moins de 20% aujourd'hui.
Bien que global, ce phénomène ne va pas impacter la Suisse de manière uniforme. Les chiffres de l'OFS montrent que certaines régions seront plus «âgées» que d'autres. C'est notamment le cas des cantons du Tessin, des Grisons et de Schaffhouse, où les seniors représenteront plus de 30% de la population en 2055.
Le Valais et le Jura affichent également des valeurs supérieures à la moyenne nationale (28,3% et 27,9%, respectivement), tandis que Genève devrait remporter la palme de canton le plus jeune du pays, le seul où la part des 65 ans et plus ne dépassera pas 21%. Vaud, Zurich et Bâle-Ville feront également partie des régions les moins touchées par ce phénomène.
Dans de nombreux cantons, tels que Fribourg, Lucerne et l'Argovie, le nombre de seniors devrait grimper de plus de 60%, alors que d'autres doivent s'attendre à des hausses moins prononcées (+20% pour le Jura ou Bâle-Ville, par exemple), mais toujours nettement supérieures à l'augmentation de la population globale.
Les différences entre les cantons seront donc importantes. Elles s'expliquent en large partie par la migration interne, renseigne Philippe Wanner, démographe à l'Université de Genève. Le spécialiste souligne en effet que la fécondité et l’espérance de vie sont similaires dans l'ensemble du pays.
«Les cantons affichant les pourcentages les plus faibles de seniors, comme Genève et Zurich, attirent les jeunes adultes et repoussent les retraités», explique-t-il. L'afflux de jeunes provenant de régions plus âgées, tels que le Jura ou le Tessin, explique la jeunesse de leurs populations.
«Ces cantons, et encore plus leurs centres urbains, offrent davantage d'opportunités professionnelles que les régions périphériques», poursuit le démographe.
Les centres abritent également les universités, qui attirent des étudiants de tout le pays, voire de l'étranger, complète Philippe Wanner.
Les personnes âgées suivent, souvent, une trajectoire inverse. «Les retraités qui étaient venus dans les agglomérations pour exercer leur profession ont tendance à se réinstaller dans leurs régions d'origine, où la vie est plus calme et les loyers sont plus abordables», illustre Philippe Wanner.
Le démographe souligne que des différences peuvent exister à l'intérieur d'un même canton. Vaud en est un exemple, avance-t-il: «Lausanne et son agglomération ont une population plutôt jeune, mais d'autres parties du canton, comme le Gros-de-Vaud, sont passablement plus âgées».
La migration internationale joue un rôle moins important dans les différences d'âge entre les cantons, note Philippe Wanner. Elle contribue toutefois à rajeunir la population dans son ensemble. «Les immigrés ont tendance à arriver jeunes et à repartir au moment de la retraite», résume-t-il.
«Au sein de la population suisse, les personnes de 65 ans ou plus sont plus nombreuses que les jeunes (0–19 ans). Dans la population étrangère, c’est l’inverse», rapporte l'OFS. «Les 20-39 ans composent le groupe de migrants le plus important».
A partir de 2035, selon les calculs de la Confédération, la croissance démographique proviendra exclusivement des migrations.