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Suisse: depuis la mort de sa mère, il croule sous les factures

200 000 frs de facture: depuis la mort de sa mère, il vit un enfer

Depuis un an, Noah porte le deuil de sa mère décédée, rendu encore plus difficile par les factures exorbitantes du séjour hospitalier, à la clinique Hirslanden. Il aimerait tourner la page, mais c'est impossible dans l'immédiat.
22.10.2023, 08:0123.10.2023, 09:35
Chantal Stäubli
Chantal Stäubli
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Aller à sa boîte aux lettres est devenu un fardeau pour Noah (nom d'emprunt). Depuis des mois, il reçoit des factures médicales qui lui rappellent, à chaque fois, la période la plus difficile de sa vie. A l'époque, sa mère était soignée à la clinique Hirslanden de Zurich, traitée pour un cancer, avant de s'éteindre. Une période terrible, mais pas seulement à cause du décès de sa mère.

En novembre 2022, la mère de Noah a perdu son combat contre le cancer. Et à ce jour, les factures continuent de s'accumuler dans sa boîte aux lettres:

Image

Montant de la facture: 22 704 francs

Prestations: non spécifiées


Noah explique:

«Pour moi, c'est très stressant de recevoir constamment du courrier qui me rappelle cette période difficile»

Chambre individuelle coûteuse

Le calvaire démarre durant l'hiver 2020. On diagnostique un cancer à la mère de Noah. Après une attaque cérébrale en septembre 2022, elle est hospitalisée à la clinique Hirslanden. Son mari étant décédé prématurément, ses deux fils l'aident financièrement.

Elle passe les huit premiers jours dans l'unité de soins semi-intensifs. Ensuite, un transfert dans un autre service est prévu pour poursuivre les soins. En raison de son mauvais état de santé, la patiente souhaite une chambre individuelle. Comme, selon les conditions de son assurance, elle n'est assurée qu'en division commune pour un séjour à la clinique Hirslanden, elle doit payer un supplément pour une chambre individuelle.

Coût: 1280 CHF par jour.

C'est là que les ennuis commencent. Car le supplément pour la chambre est facturé à la famille à partir de la date d'entrée. Cela signifie que la mère de Noah doit également payer rétroactivement les huit jours qu'elle n'a pas utilisés, comme le montre une facture dont watson a eu connaissance:

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Image: zvg

Le prix d'un surclassement est normal et habituel, explique Mario Fasshauer, directeur de l'association des patients de Zurich. Mais il critique avec véhémence la facturation rétroactive. «Si cela devait effectivement être la pratique, ce serait extrêmement inhabituel et il conviendrait d'examiner la situation de plus près», déclare le directeur du centre d'accueil qui aide les patients à clarifier les questions juridiques.

La clinique Hirslanden écrit qu'il ne s'agit pas d'une pratique courante et que seules les prestations qui ont été effectivement perçues sont facturées. Pour des raisons de protection des données, la clinique ne peut pas donner d'informations sur le cas concret.

Mais pour Noah, ce n'était que la partie émergée de l'iceberg.

Montants élevés, heures intenses

En 2022, en hiver, la mère de Noah est transférée en soins intensifs. Ensuite, un autre changement dans une chambre à plusieurs lits est prévu, alors qu'elle souhaiterait de nouveau une chambre individuelle.

«Ma mère m'a appelé ce jour-là, complètement bouleversée et en larmes. On la transférerait si elle ne déposait pas immédiatement à la réception un dépôt d'environ 20 000 francs pour la chambre individuelle.»
Noah, 33 ans

Il avait déjà proposé à la clinique de verser le dépôt demandé et personne ne semble s'en souvenir.

«Ma mère était alors reliée à de nombreux tuyaux, elle avait un cancer en phase terminale. Elle avait du mal à parler et ne pouvait se déplacer qu'en fauteuil roulant»

L'idée que sa mère doive régler la note à la réception dans cet état le met encore en colère aujourd'hui.

Noah s'est immédiatement rendu à la clinique et a épongé les dettes. «L'acompte devait être versé le jour même à chaque fois», explique Noah, qui s'est senti «mis sous pression».

Mario Fasshauer, directeur de l'association des patients de Zurich, n'a pas connaissance d'un cas comparable. Il affirme toutefois qu'en raison du manque de personnel qualifié, des problèmes de communication entre les patients et le personnel apparaissent plus souvent.

La manière dont cela a pu se produire dans le cas de la mère de Noah reste obscure. La clinique ne peut pas répondre concernant ce cas précis.

Mendier pour obtenir... les factures

Depuis le décès de sa mère en novembre 2022, l'homme attend que la clinique lui envoie les factures le plus rapidement possible. Mais cela paraît bien difficile pour le service comptable d'Hirslanden.

«J'ai littéralement supplié le service comptable de me faire parvenir toutes les factures impayées pour pouvoir les régler dans la foulée»

Mais personne n'a pu le faire jusqu'à aujourd'hui.

Le problème est le suivant: la clinique Hirslanden a ce que l'on appelle un système avec médecin agréé. Les médecins agréés traitent certes les patients dans la clinique, mais ils ne sont pas directement employés par Hirslanden. En d'autres termes, ils travaillent pour leur propre compte – et facturent par conséquent de manière indépendante.

Selon une estimation grossière, les trois séjours et les traitements ont coûté 200 000 francs à la famille. Mais la clinique n'a pas de vue d'ensemble sur le nombre de factures encore ouvertes. Le fait que les factures ne soient pas claires pour un profane, car les prestations fournies ne sont indiquées que par un code, ne rend pas la chose facile pour Noah.

Nombreux cas

Une demande auprès du service des patients montre que de tels cas ne sont pas rares. Selon lui, le fait que les factures médicales soient difficiles à décoder pour les patients est un problème.

«Les patients sont le meilleur contrôle dans le système de santé, mais comme beaucoup ne peuvent pas comprendre les factures, ce mécanisme de contrôle est limité»
Mario Fasshauer

Le moment du décompte complet d'un cas dépend de nombreux facteurs, écrit la clinique Hirslanden. Seule une partie d'entre eux est sous son contrôle. Il peut arriver que les honoraires soient en partie facturés directement par les médecins partenaires. Le contenu de ces décomptes échappe alors à la connaissance de l'hôpital.

Mal informé

Noah garde également un mauvais souvenir du modèle du médecin agréé pour une autre raison. Selon lui, les médecins étaient mal informés entre eux et ne se concertaient pas assez:

«L'urologue voulait, par exemple, une fois arrêter l'anticoagulant, alors que le neurologue l'a fortement déconseillé à ma mère pour éviter une nouvelle attaque cérébrale.»

Selon le service des patients, la cause en est le système des médecins agréés. La clinique ne met à disposition que le lit et les prestations hôtelières, le traitement incombant aux médecins agréés. Problème: les systèmes de cabinet de ces médecins ne sont pas reliés au système de la clinique. «Malheureusement, il n'existe toujours pas de dossier médical électronique», explique Fasshauer.

La loi fédérale sur le dossier électronique du patient (LDEP) est entrée en vigueur en 2017. Mais sa mise en oeuvre est difficile. En août 2023, seuls quelque 25 000 dossiers de patients auront été ouverts en Suisse.

Actuellement, il n'existe pas d'interconnexion globale entre les systèmes informatiques des différents cabinets et hôpitaux. Ce manque d'intégration a pour conséquence que les informations importantes sur les patients et les données médicales ne sont disponibles que de manière fragmentée et isolée. Il n'est donc pas exclu que cela puisse avoir des conséquences négatives, voire des complications.

Le problème de la déclaration d'impôts

Les frais liés à la maladie qui ne sont couverts par aucune assurance peuvent, dans certains cas, être déduits du revenu imposable, mais uniquement dans les trois mois suivant la date du décès. Dans le cas de la mère de Noah, ce délai a expiré depuis longtemps.

«Toutes les factures qui ont été envoyées après le dépôt de la déclaration d'impôts ou qui vont suivre ne peuvent plus être déduites. J'ai vérifié cela avec l'administration fiscale», précise Noah. En outre, l'administration fiscale l'aurait contacté pour lui demander des précisions en raison du manque de détails des factures médicales.

A ses yeux, le système de médecin traitant pour les patients payant eux-mêmes n'a pas du tout été pensé:

«On ne se rend pas compte à l'avance de tout ce qui nous attend. Normalement, tout passe par la caisse de maladie. Ainsi, on n'est pas constamment confronté à la mort d'un être cher.»

Jusqu'en 2027, lui et son frère n'ont aucune sécurité de planification financière. Dans le cadre légal, les médecins peuvent facturer des prestations effectuées jusqu'à cinq ans auparavant. «Ce n'est que récemment que j'ai reçu une facture de 2021 - d'un précédent traitement ambulatoire du cancer de ma mère.» Noah conclut: «Je suis convaincu que bien des surprises nous attendent encore.»

Traduit et adapté par Chiara Lecca

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Droguée au GHB dans un club vaudois, elle témoigne.
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