Vous êtes chez vous, il fait chaud, vous avez soif, ce robinet vous tend les bras. Vite, de l'eau fraîche. Vite? C'est vite dit. Ça coule, mais c'est tout tiède. Alors, comme moi, vous faites couler l’eau aussi longtemps qu’il le faut pour l’avoir froide. Mais parce que vous avez une conscience, vous vous dites que c’est mal, qu'à l’ère du réchauffement climatique, l'eau, ça se respecte. Sauf que vous recommencez...
Dans notre pays, on est des privilégiés. «Les ressources disponibles, eau de surface et eau souterraine en Suisse, s'élèvent à 6981 mètres cubes par habitant et par an. C'est moitié moins en France et plus de trois fois moins en Allemagne», selon les statistiques du Conseil mondial de l'eau fournies par Marianne Milano, hydrologue à l’Université de Lausanne. Toujours en Suisse, la consommation quotidienne d’eau par habitant, tous usages confondus, se monte, elle, à 170 litres, la moyenne mondiale étant de 40 litres. Oui, on a de la chance. Est-on pour autant sorti d'affaire?
Tout dépend par quel bout on prend le tuyau. «En soi, faire couler l’eau du robinet n’a pas directement d'impact écologique, ce qui s'échappe par l'évier se retrouve à la station d’épuration. Mais cela en a un sur les ressources en eau potable. Faire couler l'eau de manière inconsidérée dans sa cuisine, c’est par définition la gaspiller», affirme Endrik Huwald, chercheur au laboratoire des sciences cryosphériques (en rapport avec la glace) de l’EPFL.
«On fera couler l’eau du robinet plus longtemps que d’habitude avant de la consommer lorsqu’on rentre de vacances ou après un long week-end d'absence, de façon à éliminer l'eau stagnante, présente dans les canalisations, mais sinon, ce n’est pas nécessaire», recommande Endrik Huwald.
Par ailleurs, il suffit de remplir des bouteilles avec l’eau du robinet et de les ranger au frigo pour disposer d’eau fraîche en permanence. Des bouteilles de préférence en verre. «Pour éviter de perdre l'eau qu'on laisser filer le temps qu'elle devienne fraîche, on gagnera à la réserver dans une bouteille ou une bouilloire pour arroser les plantes, cuire les pâtes ou le riz», préconise Marianne Milano.
Ne faisons pas les malins, même en Suisse, l'eau n'est pas une ressource infinie. Le Temps nous l'apprenait dans son édition du 28 juin: dans le canton de Vaud, plusieurs communes ont reçu une lettre mentionnant toute une série de restrictions d’eau, expliquant que le niveau des nappes phréatiques n’avait cessé de diminuer ces dernières semaines. Le quotidien explique qu'un courrier a été envoyé à plus de 10 000 habitants du pied du Jura:
De leur côté, Les Verts préparent «un papier de position» sur la question, a appris watson. Son but: «Prévenir la gaspillage de l’eau potable», indique la conseillère nationale genevoise Delphine Klopfenstein Broggini. L’élue écologiste ne souhaite pas en dire plus pour l’instant. «L'objectif n’est pas d’accabler les ménages», précise-t-elle. Probablement l’accent sera-t-il mis sur les usages professionnels, notamment agricoles, de la ressource aquatique.
«Le secteur agricole est celui qui consomme le plus d’eau», relève Marianne Milano.
On l'a compris, l'eau qu'on fait couler chez soi au robinet n'est pas le souci principal des spécialistes du secteur. «C'est une quantité négligeable, comparée à la consommation globale d’eau potable. L’important est d’avoir une consommation responsable de la ressource», indique Rolf Meier, vice-président de la SVGW, l’Association pour l’eau, le gaz et la chaleur.
Rolf Meier se préoccupe davantage de la situation qui prévaudra dans 50 ans, en particulier dans les régions de montagne. Les glaciers auront fondu, il neigera moins, l’eau s’écoulera directement dans les plaines. Il faudra trouver des solutions pour garder l’eau, même si les précipitations, elles, ne devraient pas diminuer.
Il y a 20 ans, jusqu’à 15 mètres de neige tombaient en montagne, aujourd’hui, plus que 2. Il va falloir arbitrer entre la préservation de la faune aquatique, la production d’électricité et les réserves en eau potable. La SVGW, qui collabore avec des distributeurs de la ressource aquatique, planche sur des solutions.