Le lendemain matin. Un couple est endormi dans son lit. Une voix féminine raconte qu'un accident s'est produit le soir d'avant. Elle se sent seule.
Confiante, elle se rend à la pharmacie et prend la préparation hormonale Ella One, la pilule du lendemain la plus vendue.
11La scène est tirée d'un clip publicitaire primé du groupe français HRA-Pharma, qui détient l'autorisation pour les préparations originales de la «pilule du lendemain» disponibles sur le marché. La campagne a été conçue pour le marché britannique.
Jusqu'en 2018, des spots publicitaires similaires ont également été diffusés en Suisse, et même dans les cinémas de certaines villes. Mais, depuis 2019, la publicité pour la «pilule du lendemain» a été bannie à cause de la révision de la loi sur les produits thérapeutiques, qui a réduit la réglementation pour de nombreux médicaments. La «pilule du lendemain» constitue toutefois une exception. Elle a été classée dans une catégorie plus stricte. La publicité auprès du public a ainsi été interdite.
Dans le clip vidéo, la pharmacienne remet la «pilule du lendemain» en toute simplicité et avec le sourire. Cela ne correspond pas non plus à la réalité en Suisse. Ici, une femme doit d'abord passer un entretien professionnel intime conformément à un protocole de remise officiel.
La filiale suisse de HRA-Pharma, dont le siège est à Nyon (VD), s'est opposée à ces réglementations plus strictes qu'à l'étranger devant le Tribunal administratif fédéral. En effet, il existe un besoin public pour un accès rapide, simple et avantageux à la contraception d'urgence et aux informations correspondantes. C'est pourquoi la publicité et la vente dans les drogueries devraient être autorisées, selon l'entreprise.
Mais le tribunal vient de rejeter les plaintes. Il met en garde contre les effets secondaires ─ changements psychiques, troubles neurologiques ou modifications du cycle menstruel ─ et contre le potentiel d'abus de la «pilule du lendemain». Cela signifie que le médicament pourrait être utilisé non seulement en cas d'urgence, mais aussi régulièrement au lieu de la contraception «classique».
Le médicament ne peut donc être vendu que dans les pharmacies après un entretien avec un spécialiste et non dans les drogueries. La publicité est également interdite sur la base des mêmes arguments: elle risquerait d'entraîner une utilisation trop fréquente de la «pilule du lendemain». Cela n'est pas dans l'intérêt du public.
La société HRA-Pharma examine actuellement la possibilité de porter l'affaire devant le Tribunal fédéral.
Mélanie Levy est professeure de droit de la santé à l'Université de Neuchâtel. Elle critique le fait qu'en Suisse, les obstacles sont trop élevés pour que les femmes puissent obtenir la «pilule du lendemain». Aucun autre médicament de la même catégorie n'est vendu dans des conditions aussi strictes. Celles-ci ne sont pas prévues par la loi. Pourtant, la contraception d'urgence ne présente pas de risque particulier pour la sécurité des patientes, dit-elle.
La professeure fait une comparaison avec le Viagra, un médicament contre l'impuissance, qui est classé dans la même catégorie, mais pour lequel il n'existe pas de protocole de distribution officiel. Selon elle, il existe pourtant des risques pour la sécurité des patients, par exemple en cas de maladie cardiaque. Elle s'étonne que le sujet sensible des troubles de l'érection ne nécessite pas de consultation dans une arrière-boutique. Le Viagra, par sa nature, présente pourtant un risque d'abus.
Contrairement au Tribunal administratif fédéral, Mélanie Levy ne voit pas ce danger pour la «pilule du lendemain». Les études qui ont accompagné la libéralisation dans différents pays auraient réfuté le risque d'abus de la «pilule du lendemain». En Suisse, cela s'explique déjà par le prix. Une pilule coûte environ 60 francs avec la consultation. Mélanie Levy explique:
La Suisse a été l'un des premiers pays à mettre à disposition la «pilule du lendemain» sans ordonnance. Depuis 20 ans, les préparations contenant la substance active lévonorgestrel sont disponibles en pharmacie après un entretien avec un spécialiste. Depuis huit ans, il en va de même pour l'ulipristal acétate, un produit plus puissant, contenu dans «Ella One».
L'obligation d'obtenir une ordonnance a entre-temps également été supprimée dans la plupart des autres pays européens, car elle prenait inutilement du temps. Il y a deux ans, l'Italie a été la dernière à suivre. Plus la prise de la pilule a lieu tôt après un rapport sexuel non protégé, plus l'efficacité est grande.
La «pilule du lendemain» est désormais largement acceptée par la société. Seules des organisations conservatrices comme l'Eglise catholique romaine continuent d'exprimer des réserves fondamentales. L'idée fausse selon laquelle il s'agirait d'une forme d'avortement est tenace. En fait, la «pilule du lendemain» empêche uniquement l'ovulation. Ainsi, il n'y a pas de fécondation.
En Suisse, 2000 femmes avalent chaque semaine la «pilule du lendemain». Chaque année, 100 000 emballages passent sur les comptoirs des pharmacies.
Dans d'autres pays, l'attitude est toutefois plus libérale. Au Royaume-Uni et en France, la «Morning After Pill» et la «pilule du lendemain» sont même distribuées dans les écoles aux jeunes qui en font la demande. La publicité est également autorisée.
En Suisse, en revanche, les obstacles sont plus importants. Par exemple, pour les jeunes filles de moins de 16 ans, la capacité de discernement doit également être évaluée. A titre de comparaison, pour la vaccination contre le Covid-19, par exemple, la capacité de discernement était abaissée à 12 ans. Les défenseurs des droits des femmes se battent pour cette nouvelle étape de libéralisation. Jusqu'à présent, elles sont en minorité. (aargauerzeitung.ch/traduction et adaptation par sas)