Une relation intime entre un professeur et une lycéenne sexuellement majeure est-elle un problème? Que penser du cas qui fait polémique dans un lycée de La Chaux-de-Fonds? Lorsque la liaison concerne un élève garçon et une prof, est-ce moins grave? Thérapeute de couple à Lausanne, auteur du livre Laisser faire l'amour (éditions Love of the Path), Stephen Vasey répond aux questions de watson.
Qu’y a-t-il de particulier dans une relation intime entre un professeur et son élève?
Stephen Vasey: Indépendamment du statut de l’un et de l’autre, il y a la différence d’âge qui peut être excitante en termes d’attirance. L’adulte peut être attiré par une jeune personne, sexuellement majeure au regard de la loi, précisons-le d'emblée. De même que la jeune personne peut éprouver de l’attirance pour quelqu’un de mature, ayant de l’expérience ou qu’elle se représente comme ayant de l’expérience.
Dans l’affaire qui nous occupe, les statuts différents de l’adulte et de la jeune personne, prof pour l'un, élève pour l'autre, changent tout, non?
Oui. Le professeur occupe une position hiérarchique supérieure à l’élève. Pour l’élève, le professeur est ce qu’on appelle un référent. Là où les choses posent problème d’un point de vue éthique, là où la relation peut être vue comme abusive, c’est dans le fait que le référent exerce un pouvoir de fascination et d’autorité.
C'est-à-dire?
Le cadre de la relation prof-élève n’est pas neutre. Le prof a un rôle et un statut importants, institutionnellement parlant. Ce statut ajoute à son pouvoir de séduction. S’il brille face à ses élèves, il brille d’autant plus qu’il est investi d’une autorité, dont il peut jouer dans un processus de séduction. Les proies sont d’autant plus faciles qu’il sera apprécié et paraîtra cool.
Avez-vous eu affaire à des cas de relation profs-élèves dans le cadre de votre travail?
Dans mon travail ou ma vie privée, j’ai eu connaissance de relations entre des adultes et de jeunes personnes sexuellement majeures. Cela donne parfois des histoires tout à fait saines. Mais on remarque une inégalité entre l’adulte et la jeune personne. Cette inégalité est dans la fascination de la jeune personne pour l’adulte. On le constate encore plus lorsque la jeune personne est une jeune femme. Celle-ci accepte de donner sa sexualité à son partenaire, ce qui n’est pas rien. Lui donne son expérience, son avoir.
Et alors?
Il arrive que la jeune femme ne soit pas toujours à la hauteur ou mûre sexuellement pour rencontrer l’adulte.
Elle trouve cependant une satisfaction dans cette relation, moins frustrante qu’elle ne peut l’être avec des jeunes gens de son âge, qui sont moins matures, plus gamins, dira-t-elle. Même apparemment satisfaisante pour la jeune femme, la relation sexuelle prof-élève, pour en revenir à ce cas de figure, n’est pas complètement nette.
Chacune des trois lycéennes qui ont vécu une relation intime avec le professeur de l’établissement chaux-de-fonnier a dit qu'elle pensait être la seule à être choisie. Chacune d’elles se croyait l’amour unique du professeur, d’où, chez elles, le sentiment d’avoir été trompée. Se croire l’unique, c’est important?
Oui. Ce sentiment d’être unique vient peut-être, justement, du discours du séducteur. Dire à une jeune personne qu’elle est l’unique, cela la confirme dans son statut si l’on peut dire d’élue. La transgression – l’acte sexuel étant transgressif, d’autant plus dans le cas de figure prof-élève – est pour elle et pour elle seule, se dit-elle. Dans le cas chaux-de-fonnier, le prof aura peut-être fait croire à chacune des jeunes femmes qu’elle était l'unique. C’était peut-être chez lui un système que de le dire.
Le jugement n'est donc pas toujours négatif?
Il ne l'est pas forcément, en effet, lorsqu’il s’agit d’une aventure singulière. On peut même alors y voir quelque chose de touchant.
La donne est-elle différente lorsque l’élève est un garçon et le prof, une prof?
Il est vrai que, dans l’inconscient collectif, la donne est plus grave lorsque la relation concerne une élève et un prof. On aura tendance à y voir de l’abus de la part de l'homme. Dans le sens inverse, on n’y verra généralement que de l’excitation, quelque chose de positif. La grande peur de la femme, dans la sexualité, c’est d’être utilisée. La peur principale, chez l’homme, c’est d’être rejeté.
L'élève garçon, avec sa prof, n'est pas dans un statut de dominateur. Il peut être très flatté d’être le jeune étalon qui va satisfaire sa maîtresse, dans tous les sens du terme, non?
Il y a en effet quelque chose qui touche à la gloire chez le garçon. Vers 17, 18, 19 ans, il est à un âge où il essaie parfois de coucher avec un peu tout le monde.
Cela ne veut pas dire qu’on ne trouve pas des jeunes femmes qui, délibérément, par ambition, choisiront un homme qui a un pouvoir d’argent, un pouvoir politique, un pouvoir de compétence, qui a un statut intéressant, prof ou rappeur. Ou autre chose. C’est vieux comme le monde. La séduction peut donc être complètement le fait de l’élève, jeune homme ou jeune femme. Mais on dira que la responsabilité incombe au prof.
La responsabilité du prof ou de la prof, c’est de ne pas craquer, c’est ça?
Les choses changent lorsque les partenaires sont débarrassés d'un rapport d'autorité institutionnellement constitué.