Depuis le début de l'année, les stations de ski font grise mine en Suisse. Une vidéo de Tiktok réalisée à Wengen est d'ailleurs devenue virale. Ce qu'on y voit fait mal à tous les skieurs. Quelques sportifs d'hiver se dandinent péniblement dans la boue brune en haut de la pente. Autour d'eux, tout est vert - et ce, bien que nous soyons en janvier.
Cette vidéo fait désormais le tour du monde. Sur TikTok, elle a déjà été visionnée plus 300 000 fois. Les commentaires sont clairs: il vaut mieux laisser tomber. «Cela n'a plus rien à voir avec les sports d'hiver. Mieux vaut faire du vélo ou de la randonnée», écrit un utilisateur.«Je rentrerais chez moi, vraiment», estime un autre.
«J'ai eu connaissance de cette vidéo TikTok», explique Rolf Wegmüller, directeur de Wengen Tourisme, à watson. Elle aurait été prise sur la piste qui descend au village. Il explique: «Ce jour-là, la préparation des pistes a rendu la neige boueuse. C'est pourquoi la neige blanche proprement dite n'est plus visible».
Les conditions d'enneigement du domaine skiable sont-elles vraiment aussi précaires que le montre la vidéo? Wegmüller répond par la négative. «Ces dernières années, on a beaucoup investi dans des installations d'enneigement modernes, et cela porte ses fruits aujourd'hui».
Il est bien sûr dommage qu'il n'y ait pas actuellement un véritable hiver avec des paysages enneigés, poursuit Wegmüller. Il tire néanmoins un bilan positif des fêtes de fin d'année: «Nous sommes très satisfaits du nombre de nuitées pendant les fêtes. Pratiquement tous les hébergements étaient réservés».
L'ambiance est tout aussi printanière en Romandie. A Villars-sur-Ollon (VD), la station des alpes vaudoises tire la langue depuis le début de la saison. Les verts pâturages ont (toujours) le dessus sur l'or blanc malgré l'enneigement artificiel. Les pisteurs usent de subterfuges pour garder le domaine praticable grâce à de la neige récupérée plus haut sur le domaine pour ensuite la rapatrier sur des parties plus exposées et moins enneigées.
Comme dans de nombreuses stations de ski, de longs fils blancs serpentent dans les montagnes helvétiques.
Du côté des alpes fribourgeoises, l'office du tourisme préfère opter pour l'optimisme sur sont compte Instagram:
Un peu d'humour pour faire passer la pilule en attendant l'arrivée des flocons.
Il y a aussi peu de neige à Gstaad. C'est ce que montre une image publiée sur Twitter par le climatologue Reto Knutti. Sur plusieurs centaines de mètres, une bande blanche s'étend dans la vallée à travers un paysage verdoyant.
«J'ai grandi ici à Gstaad et j'ai appris à skier sur cette piste dans les années 70», écrit Knutti. «A l'époque, les scientifiques avaient la preuve que les combustibles fossiles étaient à l'origine du réchauffement. Maintenant, nous sommes le 1er janvier 2023». Les sciences climatiques sont sa profession, poursuit Knutti, «mais là, ça devient personnel. Quand allons nous comprendre que nous devons changer».
Les climatologues du monde entier commentent la photo de Knutti. «Votre image du 1er janvier est vraiment terriblement impressionnante», écrit un chercheur d'Angleterre.
I grew up here in #Gstaad and learned skiing on this slope in the 70s. Back then scientists had evidence that fossil fuel causes warming. This is Jan 1, 2023.
— Reto Knutti (@Knutti_ETH) January 1, 2023
Climate science is my profession, but this is where it gets personal.
When do we understand that we need to change? pic.twitter.com/sbYpGBhQiY
La photo provient du Wasserngrat, comme l'explique Airane Ludwig-Meichtry de Gstaad Saanenland Tourismus. Actuellement, seule la moitié des remontées mécaniques du domaine skiable, qui s'étend jusqu'au Glacier 3000, sont en service.
Ludwig-Meichtry ne veut pas parler de conditions de pistes précaires. «La plupart des pistes principales sont ouvertes et nous enregistrons entre 5000 et 6500 skieurs par jour dans la région», déclare la directrice du marketing et des ventes. «La neige naturelle a fondu, mais la neige artificielle nous aide à proposer une offre correcte à nos hôtes».
De telles situations sont déjà connues depuis les années précédentes, explique-t-elle.
Il n'y a pas que dans l'Oberland bernois et en Suisse romande que les skieurs doivent se contenter de neige artificielle. En Suisse orientale aussi, l'hiver n'a pas l'air d'être au rendez-vous. Une photo prise dans la station de ski familiale Ebenalp-Horn et publiée par SRF Meteo a fait sensation. Sur une prairie verte, on peut voir deux bandes de pistes blanches. Entre les deux, un étroit couloir blanc sur lequel le remonte-pente emmène les skieurs.
#Skifahren 2022. …. ^sbo pic.twitter.com/AKoZRmQVeZ
— SRF Meteo (@srfmeteo) December 28, 2022
Luftseilbahn Ebenalp nous déclare que la neige artificielle aurait pu être produite efficacement grâce aux basses températures de décembre. L'entreprise estime que l'offre a été bien accueillie: «L'exploitation du ski pendant les fêtes a été très appréciée, notamment par les familles de la région.»
En dessous de 2000 mètres, la situation ne devrait pas s'améliorer cette semaine, explique Klaus Marquardt de MeteoNews.
Mais la semaine prochaine, selon MeteoNews, la limite des flocons pourrait s'abaisser jusque vers 700 à 800m d'altitude et se fixer à 1500m. Ce qui permettra d'améliorer la situation sur les pistes pour les stations de moyenne montagne.
Il est déjà arrivé auparavant qu'il y ait peu de neige en janvier, explique le météorologue. La limite moyenne des chutes de neige ne cessera de s'élever sous l'effet du changement climatique, affirme Marquardt, qui ose un sombre pronostic: «Les domaines skiables situés entre 1000 et 1500m d'altitude n'ont pas d'avenir.»