Les pistes de ski sont-elles devenues un grand boulevard où le danger est de plus en plus prégnant? Selon plusieurs personnes interrogées, oui. Plusieurs parents parlent même de cesser le ski, car trop dangereux au vu des vitesses atteintes par certains skieurs en recherche de sensations fortes. Ils pointent du doigt le Magic Pass dont le prix cassé facilite l'accès aux stations.
Emmanuelle Raposo, par exemple, skie et snowboarde depuis l'enfance, mais à présent, le plaisir s'est quelque peu effrité:
Cette mère de deux enfants s'inquiète de la sécurité lorsqu'elle dévale les pentes les lattes aux pieds. Elle cible la popularité grandissante du Magic Pass: «Il permet à une plus large population de pouvoir aller skier. La pratique du ski s'est démocratisée, ce qui est en soi une très bonne chose», conçoit-elle.
Selon elle, «certains skieurs, en possession de cet abonnement sont moins chevronnés, mais paradoxalement évoluent avec un matériel performant qu'ils ne maîtrisent pas toujours». Pour répondre à ce danger, elle a décidé d'équiper ses enfants de dorsales et adopte la méthode du «sandwich», en entourant ses enfants, elle-même et son mari, pour faire bouclier.
Avant de conclure:
«Le forfait n'a pas fait évoluer considérablement la fréquentation sur les pistes, nous n'avons pas 180 000 clients sur les domaines skiables du Magic Pass en même temps», répond Sébastien Travelletti, vice-président de Magic Mountains, la société en charge du Magic Pass.
Il avance un argument:
Puis un autre:
Les stations mettent la main à la pâte pour densifier la sécurité dans les domaines skiables. «Si je prends la station d'Anzère (VS), les pistes sont de plus en plus élargies pour offrir une plus grande capacité. Quand on voit le nombre d’hectares qui sont damés en comparant il y a 10 ans, ça a presque doublé. C’est une demande logique au vu de la clientèle», renseigne Sébastien Travelletti.
La question du matériel revient une fois de plus sur la table, le carving plus précisément, qui permet de skier à une plus grande vitesse. «Le trafic sur les pistes n’est pas influencé par le Magic Pass; la sécurité est influencée par la manière de skier», insiste l'homme qui est aussi président du conseil d'administration de Télé Anzère.
Et même si l'abonnement jouit d'un succès fulgurant, qui vient de dépasser les 196 000 ventes et dont l'écoulement devrait se clore autour des 197 000, il n'est pas la source du problème, estime Sébastien Travelletti,
Le souci se trouve ailleurs. Outre le matériel, il y a la neige artificielle. «La neige naturelle reste moins agressive qu’une neige artificielle. Avec les passages fréquents, la neige artificielle devient lisse et extrêmement agressive. Les gens ont besoin de maîtriser leur vitesse. Ce qui fait peur souvent, c’est de voir passer des gens aux abords, avec un niveau intermédiaire; ces gens ne maîtrisent pas leur vitesse. Là, il y a un réel danger pour les familles».
Dans le canton de Vaud, à Villars, la station la plus fréquentée par les détenteurs de Magic Pass, Martin Deburaux, le directeur Télé Villars-Gryon-Les Diablerets l'assure: «Il n'y a pas plus d'accidents qu'auparavant.»
Le ski bon marché n'a pas rendu les pistes dangereuses: «Non», répond-il sans ambages. «Nous tenons des statistiques assez précises et il n’y a pas eu d’évolution des accidents par milliers de skieurs. Aujourd'hui, on parle d’un accident tous les 1100 journées skieurs.»
Le directeur précise qu'à Villars, la jauge de skieurs se situe à 12 000 pour que chacun évolue sur les pistes dans le confort; c'est-à-dire pour profiter du domaine sans perdre de temps dans les files des remontées mécaniques ou dans les restaurants. «A trois reprises, l'an dernier, on a dépassé cette jauge», précise Martin Deburaux.
Si la situation est sous contrôle, Villars travaille sur ce concept de «Slow Zone»; des zones protégées pour les familles, débarrassées des amateurs de vitesse sur les lattes.
Un soin tout particulier est d'ailleurs apporté pour les jeunes apprentis, sur les pistes. Les écoles de ski sont aussi attentives à la sécurité. Même hors de l'offre du Magic Pass, à Verbier, Philippe May, le directeur de l'école de ski rassure:
Philippe May renvoie également au développement d’un projet de «Slow Zone» en collaboration avec les écoles de ski. Surtout, Téléverbier mise sur une politique axée sur une fréquentation plus qualitative que quantitative.
Magic Pass ou pas, à l'aube de la nouvelle saison, le Bureau de prévention des accidents prévient que beaucoup de skieurs et snowboarders surestiment leurs capacités. Le plus souvent, les accidents sont liés à une vitesse inadaptée.