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Leur féminisme? Contre les violences faites aux femmes et l’immigration

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Interview

«Nous affirmons que l’immigration est un problème pour les femmes»

Le collectif Némésis vient de percer en terres romandes. Jeunes féministes, ces militantes dénoncent les violences faites aux femmes par des agresseurs «extra-européens». Qui sont-elles? Interview.
13.08.2021, 12:1513.08.2021, 12:16
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Féministe, anti-immigration, «anticonformiste» et «identitaire». Quatre mots, une poignée de militantes. Et, déjà, des vagues. Némésis vient de débarquer en Suisse romande. Le collectif, issu d’un mouvement né en France en octobre 2019, a marqué son nouveau territoire en placardant récemment des affiches et des autocollants à Lausanne, Genève, Neuchâtel et Fribourg. Ses recrues veulent dénoncer les violences faites aux femmes. Nuance: elles règlent volontiers leur zoom sur celles qui sont exercées par des hommes «extra-européens».

En France, la presse dit Némésis proche de l’extrême-droite. Celle qui porte le nom de la déesse grecque de la vengeance inquiète les collectifs romands de la Grève des femmes qui, dans Le Courrier et La Liberté, n’ont pas hésité à décrire ses idées comme «racistes». Mais qui sont ces féministes? Qu’est-ce qui les anime, de quoi ont-elles peur et comment comptent-elles agir? Alice Cordier, fondatrice du groupe à Paris et Sarah, jeune Valaisanne qui porte la parole de la section helvétique, nous répondent.

On a pu lire dans la presse que vos affiches et stickers ont été arrachés, notamment à Fribourg. Comment l’expliquez-vous?
Alice Cordier (AC): Généralement, nous ne sommes pas très bien perçues quand nous arrivons dans une ville. Il y a notamment des militants dits «antifascistes» ou d’extrême-gauche qui sont très virulents à notre encontre.

Sarah (S): A Lausanne, quelques semaines après notre arrivée en Suisse, il y a eu un tag «Némésis Nazi».

Cela vous étonne-t-il?
AC: Non. Soit ce sont des personnes qui nous connaissent mal et croient ceux qui nous font passer pour des extrémistes racialistes, soit elles sont empreintes d’idéologie, ce qui ne leur permet pas de comprendre notre message. Pour être franche, des affiches arrachées, c’est le moins pire qui puisse nous arriver.

Quel est, selon vous, le problème du féminisme dominant en Suisse?
AC: Nous ne sommes pas là pour dire que les mouvements féministes présents sont mauvais. Nous sommes là car il y a des problématiques qui touchent les femmes et dont peu de mouvements osent parler. Nous ne sommes pas en opposition avec quiconque: nous venons faire notre travail, qui est d’aider les femmes. Cela dit, nous avons l’impression que beaucoup de mouvements féministes sont trop teintés d’une idéologie. Ils ne se permettent pas de tout dire, soit parce qu’ils ne le peuvent pas, soit parce qu’ils ne veulent pas tout voir.

Par exemple?
AC: Nous nous sommes fait connaître en dénonçant l’immigration et l’islamisation. C’est un phénomène certes moindre en Suisse qu’en France, mais ça arrive. Sur ces points-là, de nombreuses féministes ont fait une omerta. Ce fut le cas de l’affaire Mila, notamment. Pour avoir critiqué l’islam, cette adolescente s’est fait harceler, mettre sous protection policière, déscolariser et nous, nous n’avons pas du tout entendu les mouvements féministes. A ce moment-là, quelque chose s’est brisé et nous avons défendu Mila.

Si demain, je me fais agresser par quelqu’un qui n’entre pas dans le champ de mire des mouvements féministes dominants ou par une personne considérée comme «dominée», ces mouvements ne le verront pas comme un agresseur. Résultat: nous avons peur. Némésis est née de ce trauma. Donc, la vraie critique que nous faisons à ces mouvements, c’est de nous avoir abandonnées.

Avez-vous d’autres cas où vous supposez que des personnes ont été «protégées» par des mouvements féministes «teintés» d’idéologie?
AC: Dieu merci, il n’y a pas d’affaire Mila tous les jours. Mais je pense aussi au féminicide de Mérignac (réd: début mai en France, une jeune femme de 31 ans a été brûlée vive par son mari). Dans ce cas, les féministes n’ont pas pris en compte l’aspect culturel de la situation. Elles ont traité cela comme un féminicide «lambda» sans relever le fait que, derrière, il y a par exemple un mariage forcé, ou que la femme voulait vivre «à la française» mais que son mari l’a refusé. C’est entre autres à cause de ça que ce drame a eu lieu. Nous ne pouvons pas traiter ce cas comme un féminicide «basique». Cela n’existe pas: il y a toujours des éléments extérieurs qui vont induire l’homme à passer à l’acte.

C’est-à-dire?
AC:
Nous ne sommes pas dans une logique où l’homme est toujours un potentiel criminel ou un violeur et que la seule différence est que l’un passe à l’acte et l’autre non. Nous voulons montrer qu’il y a, dans le mécanisme de l’homme, des éléments qui vont le mener à tuer. Il faut penser notamment aux aspects culturels derrière les violences faites aux femmes.

«Par exemple, immoler quelqu’un, cela se pratique dans certains pays et pas en Europe»

C’est donc ça, votre différence par rapport aux autres mouvements féministes?
AC: Nous essayons au maximum de ne pas être empreintes d’idéologie pour être libres de tout dénoncer. Nous n’avons pas d’alliance avec d’autres mouvements ou des partis politiques. Imaginez si une personne d’un parti ou d’un mouvement avec qui nous avons des liens viole une femme, nous pourrions nous retrouver bloquées. Et je pense que cela arrive dans certains mouvements féministes: on sait des choses, mais on ne veut pas le dire. On veut éviter cela pour atteindre un certain niveau de vérité et de transparence. C’est en cela que nous sommes différentes.

Il est pourtant évident que certaines thématiques féministes touchent d’autres mouvements…
AC: En France, il y a deux mouvements: l’intersectionnalité et le radicalisme. Le premier est très misandre et l’autre est d’une idéologie d’extrême gauche. C’est pour cela que dans certaines manifestations, il y a des revendications féministes, mais aussi écologiques ou pro-immigration. A nos yeux, ces problématiques doivent être prises au cas par cas et non pas mélangées.

Pourtant, vous intégrez l’anti-immigration dans vos luttes féministes. En cela, vous mélangez aussi des causes, non?
AC: Selon nous, avec l’immigration, des hommes arrivent (de l’Afrique subsaharienne ou du Maghreb) dans nos pays et n’ont pas du tout les mêmes regards sur la femme que les hommes de culture européenne. Ces personnes transposent ici ce qu’elles vivent dans leur pays et cela génère un choc culturel indéniable. Nous affirmons que l’immigration est un problème pour les femmes, alors que les autres mouvements féministes ne le font pas.

«Nous ne mélangeons pas les causes, s'il y a un souci avec l'immigration vis-à-vis des femmes, c'est un combat féministe»

Donc par définition selon vous, un homme qui n’est pas de culture européenne est forcément plus dangereux pour les femmes?
AC:
Il l’est dans le sens où, en Europe, nous n’avons pas la même vision des femmes qu’en Afrique ou au Maghreb. Ce qui peut sembler normal dans ces pays ne l’est pas ici. Donc oui, c’est un danger pour nous. Cela dit, il est évident qu’il y a aussi énormément de personnes issues de l’immigration qui s’adaptent très bien. Mais voilà: certains comprennent cette idée mais ne veulent pas y adhérer et d’autres encore ne veulent ni y adhérer ni la respecter.

Sur quels chiffres vous basez-vous pour justifier cela?
AC: En 2020 en France, 63% des agressions sexuelles dans les transports en commun sont le fait d'étrangers, selon un rapport du ministère de l’Intérieur. Pour 2014, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales rapportait que 52% des viols déclarés à Paris ont été le fait de personnes de nationalité étrangère, sur un échantillon de 688 cas. Nous avons des chiffres similaires en Suède, Italie, Finlande ou en Allemagne, mais pas de données précises pour la Suisse.

Toutes ces données nous permettent aussi de confirmer ce que nous vivons dans la rue. Ce n’est pas une sorte de folie ou un délire. Certains – parfois bien-pensants – diront que c’est du racisme, mais ça n’entre pourtant pas dans cette définition. Tout ce que nous faisons, c’est dénoncer des faits et des expériences que nous vivons.

Mais pourtant, il paraît indéniable que la situation que vous décrivez en France n’est pas transposable telle quelle en Suisse…
S: En effet, en Suisse, nous ne sommes pas encore au point de la France. Ici, nous dénonçons bien entendu les violences conjugales. Pour le moment, nous pouvons surtout parler par expérience. Pour la Suisse, nous voulons prévenir et montrer les dégâts de l’immigration incontrôlée en France. Nous voulons sensibiliser au maximum pour que les Suissesses n’en soient pas les prochaines victimes.

On peut lire dans la presse française que vous avez des thèses identitaires teintées de féminisme et non pas du féminisme teinté identitaire. Que répondez-vous à cela?
AC: Que c’est de la masturbation intellectuelle. Si certains veulent savoir si nous sommes plus identitaires que féministes ou l’inverse, ils perdent leur temps. Nous nous sentons profondément féministes. Nos membres sont féministes, ont pour certaines déjà milité dans d’autres mouvements par le passé. Le terme «identitaire», nous l’envisageons dans sa version la plus pure: celle qui renvoie à l’identité de la personne. Celle, pour nous, d’être des femmes françaises ou suisses.

«Nous parlons des problématiques que connaissent ces femmes dans nos pays»

Utiliser le mot «identitaire» en 2021, c'est politique, vous ne pouvez pas le nier. N’est-ce pas naïf de penser qu'on va le prendre dans son sens premier?
AC:
Notre mouvement est apolitique, ni à droite ni à gauche. Dans nos militantes, il n’y a d’ailleurs pas de profil-type. Certaines sont lassées des autres mouvements féministes, certaines sont de droite ou de gauche. Cette pluralité montre aussi que nous ne sommes pas la branche armée de l’extrême droite, ou je ne sais quelle image on essaye de nous coller.

Malgré vous peut-être, certains tissent quand même des liens avec les mouvements dits d’extrême-droite. Vous avez reçu des soutiens de politiciens du Rassemblement national. Vous les rejetez?
AC: Je ne suis pas dans la politique. L’objectif est de sensibiliser le maximum de personnes. Si je sensibilise l’extrême droite au féminisme, tant mieux. Si je sensibilise l’extrême gauche, tant mieux aussi. Ce qui compte, c’est la quantité et non pas la qualité. Nous sommes dans une logique de vitesse, car il y a urgence. Donc tous les soutiens, on les prend.

Est-ce que vous avez déjà reçu des soutiens en Suisse?
S:
Non, pas pour l’instant, ni de parti ou d’autres mouvements. Et nous n’en cherchons pas particulièrement, justement pour rester apolitiques. Ici aussi, nous avons des femmes de tous bords politiques.

En Suisse, il y a eu en avril une affaire avec le journal La Liberté, à Fribourg. À la suite d’une lettre de lecteur, des féministes avaient manifesté devant le journal. Des tags «violeur» et «collabo du viol» avaient été sprayés sur des véhicules de ce média. C’est quelque chose que vous pourriez faire?
AC: Nous prônons la non-violence. Nous sommes dans la légalité au maximum. Nous avons bien fait quelques collages de stickers ici et là pour exister dans l’espace public, mais c’est tout.

Quelle est l’ampleur de Némésis en Suisse ?
S:
Nous sommes une vingtaine en Suisse aujourd’hui, réparties dans tous les cantons romands sauf le Jura. Nous sommes majoritairement étudiantes et beaucoup de femmes des Universités de Lausanne et Genève nous contactent ces derniers temps, car elles vivent ce que nous vivons au quotidien. Nous sommes toutes patriotes, aimons notre pays et voulons le protéger. En Suisse alémanique, nous avons des contacts, mais c’est un peu délicat pour des questions de langues.

Sarah, vous ne souhaitez pas donner votre nom de famille, alors qu’Alice Cordier le fait volontiers. Quelle raison à cela?
S:
Tout simplement parce que la section suisse est récente. Tout va très vite. Pour l’instant, je ne me sens pas de donner mon nom. Montrer mon visage a déjà été une grande décision, vous savez à quel point la Suisse romande est petite, tout le monde se connait. Une chose après l’autre.

AC: Devenir une figure publique, ce sont des contraintes et du harcèlement. Il faut savoir que nous sommes victimes non seulement des haters sur internet, mais aussi de milices antifascistes autoproclamées qui sont d’une violence inouïe, qui n’ont peur ni de la police ni de personne. Elles sont prêtes à nous lyncher si on les croise. Il y a aussi le risque de divulgation de nos données personnelles sur le net.

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source: instagram madewithlovebytomdaley
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