Une femme qui perd la vie toutes les cinq semaines, 9 enfants décédés et 20'000 infractions déclarées. La violence domestique a fait des ravages en 2020 en Suisse. Et les femmes sont les plus touchées. Pour la Confédération et les cantons, ce n'est pas tolérable.
Ce vendredi, ils ont uni leurs forces en signant une feuille de route, lancée par la Conseillère fédérale PLR Karin Keller-Sutter. Le but du document: renforcer la lutte contre ce phénomène et combler les lacunes. Tout cela en s'attaquant principalement à la mise en oeuvre des lois qui existent déjà pour y faire face.
La feuille de route liste des mesures concrètes proposées dans plusieurs champs prioritaires. Des «bonnes pratiques» repérées ça et là dans les cantons sont aussi mises en avant. Karin Keller-Sutter appuie: «Il est essentiel de montrer et de copier les bons exemples de certains cantons. Ils sont des laboratoires et nous pouvons apprendre les uns des autres.»
Le premier point, c'est de l'organisation. La Confédération et les cantons s'engagent à booster la coordination de toutes leurs démarches contre la violence domestique, entre les autorités et les institutions, et dans toutes les régions du pays.
Deuxième priorité: soutenir des projets de sensibilisation ou d'information pour les victimes de violences, pour les auteurs, pour les professionnels concernés et pour toute la population. La Confédération et les cantons doivent aussi encourager les projets sur la non-violence et l'égalité filles-garçons à l'école.
Détecter des comportements annonciateurs de violence chez les auteurs peut prévenir des catastrophes. Dans la feuille de route, les cantons s'engagent à mettre en place un système de gestion des menaces qui suit des standards de qualité (par exemple, le fait de prendre le point de vue de la victime en compte dans l'évaluation du risque d'une situation).
La surveillance électronique pourrait vraiment protéger les victimes, selon une étude mandatée par la Confédération. Un bouton d'alarme pourrait par exemple être utilisé par la victime. Les cantons s'engagent notamment à lancer un essai-pilote pour le tester.
Pour l'heure, en cas d'urgence, les victimes de violence peuvent appeler des permanences téléphoniques dans leur canton (ou la police). Or, durant la crise du Covid, la task-force a remarqué qu'un numéro central, unique pour tout le pays, aurait facilité les choses. L'idée: mettre ce numéro en place et le faire fonctionner 24 heures sur 24.
A l'heure actuelle, 1000 femmes et 1000 enfants environ par an sont hébergés dans des foyers d'accueil d'urgence, selon les chiffres donnés en conférence de presse ce vendredi. Cependant, les places manquent toujours: 50% des femmes dans le besoin doivent être aiguillées dans d'autres structures par manque de disponibilité.
Dans la feuille de route, les cantons acceptent de faire en sorte que le nombre de places soit suffisant et d'assurer le financement des foyers.
Les victimes de violences domestiques sont entendues par la police ou la justice lors des procédures pénales. En particulier pour les cas de violences sexuelles, il est essentiel que la victime se sente soutenue, note le document. La formation des policiers et du personnel judiciaire fait donc partie des priorités.
La feuille mentionne aussi cette catégorie particulière de victimes. La Confédération et les cantons s'engagent à assurer une information aux personnes migrantes, «en particulier sur le fait que la violence domestique sous toutes ses formes n'est pas tolérée en Suisse», indique le document. Les victimes doivent aussi savoir qu'elles ont le droit de porter plainte.
27'000 enfants sont confrontés à des violences dans le couple, et entre 2009 et 2019, quatre enfants par année ont perdu la vie, selon les chiffres de la Confédération. La priorité, ici, est de mettre en place ou de booster des offres de soutien pour ces enfants exposés.
Le document insiste aussi sur la prise en charge des responsables de violences. Les suivre en consultations, dans des programmes de prévention et des thérapies vise à interrompre une violence en cours. Le but est aussi de diminuer le risque de récidive. La feuille de route pousse les cantons à garantir ces suivis.
La Suisse veut continuer également à former tous les corps de métiers confrontés à des cas de violence domestique. Ces professionnels peuvent être soit en lien avec des victimes, soit avec des auteurs. S'ils détectent tôt des soucis, la prise en charge peut être améliorée.
Toute une série de lois encadrent les actes de violence domestique, notamment dans le code pénal et civil. Mais les cantons peuvent, à leur échelle, aussi légiférer sur certaines choses. L'expulsion de l'auteur du domicile conjugal ou les interdictions de périmètre en font par exemple partie.
Le document signé vendredi annonce qu'un projet intercantonal sera lancé pour que ces lois cantonales respectent des standards qui protègent les victimes et permettent aux auteurs de prendre conscience de leurs actes.