On pouvait penser en avoir terminé, en Suisse, avec la menace terroriste islamiste. «Le Covid puis la guerre en Ukraine nous ont fait perdre de vue ce danger», constate Frédéric Esposito, directeur de l'Observatoire universitaire de la sécurité au sein du Global Studies Institute, un organisme rattaché à l’Université de Genève. Et puis, le 1er septembre, le Ministère public de la Confédération (MPC) annonçait l'arrestation, le même jour, de deux hommes domiciliés dans les cantons de Genève et Vaud. Parallèlement, policiers cantonaux et fédéraux perquisitionnaient en quatre endroits différents.
watson a appris ce mardi auprès du MPC que les deux prévenus ont été placés en détention préventive pour une durée de trois mois pour les besoins de l'enquête.
La procédure a été engagée pour soupçons de violation de la loi fédérale sur l’interdiction des groupes Al-Qaïda et Etat islamique et de soutien ou de participation à une organisation criminelle. Les individus appréhendés sont un double national suisse-macédonien et un citoyen kosovar.
Le MPC a indiqué agir dans le cadre d’une procédure pénale ouverte en juillet 2021. Autrement dit, les deux prévenus étaient sous surveillance depuis plus d’un an.
La Suisse a beau ne pas avoir d’histoire coloniale, à la différence de la France, cela ne la met pas à l’abri de la menace terroriste islamiste. Depuis 2001, il y aurait eu 78 départs de Suisse vers divers groupes armés situés au Moyen-Orient.
Ces dernières années, le Tribunal fédéral pénal (TPF) de Bellinzone a jugé des affaires en lien avec la radicalisation islamiste, qu’elles soient le fait de mouvements associatifs, de mosquées ou d’individus. Comparaît actuellement devant le TPF une Suissesse de 29 ans souffrant de problèmes mentaux. Elle est accusée d’«acte terroriste» pour avoir tenté d'égorger deux femmes en proclamant son soutien au groupe Etat islamique dans un grand magasin, à Lugano, en 2020.
En juin, le MPC annonçait avoir pris la décision de renvoyer en jugement le ressortissant turco-suisse impliqué dans l’attentat djihadiste qui a coûté la vie à un Portugais de 29 ans, le 12 septembre 2020 à Morges (VD). Le public découvrait cette année-là, via Le Temps, qu’un projet d’attentat spectaculaire devant frapper Genève avait été déjoué.
On se trompait, donc, en pensant être débarrassé de la menace terroriste islamiste. Jointe par watson, Isabelle Graber, cheffe de la communication du Service de renseignement de la Confédération (SRC), le confirme:
Mais, après la déroute sur le terrain irako-syrien du groupe Etat islamique, qu’est-ce qui fait encore «triper» les radicalisés présents en Suisse? Le SRC livre là-dessus une analyse que voici:
Trois lieux de radicalisation sont particulièrement surveillés par le SRC: Winterthour dans le canton de Zurich, Genève et Renens dans le canton de Vaud, explique Frédéric Esposito. Preuve que la menace reste élevée, ou que la Suisse n’était pas la mieux équipée jusqu’à peu pour y faire face, «la Confédération, qui travaille de concert avec les cantons, a recruté du personnel pour l’affecter au renseignement, c'est-à-dire à l'infiltration à des fins de surveillance», relate Frédéric Esposito. Et ce, conformément à la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT), entrée en vigueur en juin, un an après son adoption par le peuple.
Si, auparavant, des radicalisés pouvaient rejoindre des groupes terroristes constitués, il s’agit plus, aujourd’hui, de ce que le chercheur français Gilles Kepel appelle un «djihadisme d’atmosphère». Par extension, et avant tout passage à l’acte, «qui n’est pas du tout automatique, la radicalisation étant le plus souvent verbale», rappelle Frédéric Esposito, on pourrait parler d’une «radicalisation d’atmosphère».
Où apparaît-elle? Le chercheur du Global Studies Institute rattaché à l’Université de Genève cite en exemples divers endroits:
Le Ministère public de la Confédération reste pour l'heure silencieux sur ce qu'il reproche exactement aux deux hommes arrêtés la semaine dernière dans les cantons de Vaud et Genève et désormais détenus pour les besoins de l'enquête.