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Terrorisme

Pourquoi la menace terroriste islamiste reste élevée en Suisse

Le 12 septembre 2020 à Morges (VD), un attentat djihadiste a coûté la vie à un Portugais de 29 ans.
Le 12 septembre 2020 à Morges (VD), un attentat djihadiste a coûté la vie à un Portugais de 29 ans.photo: shutterstock / lecteur reporter tamedia

«La menace terroriste est élevée en Suisse»: voici pourquoi

Les deux radicalisés arrêtés la semaine dernière dans les cantons de Vaud et Genève sont en détention préventive, a appris watson. Voici l'état de la menace terroriste islamiste sur notre territoire.
07.09.2022, 06:1107.09.2022, 07:39
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On pouvait penser en avoir terminé, en Suisse, avec la menace terroriste islamiste. «Le Covid puis la guerre en Ukraine nous ont fait perdre de vue ce danger», constate Frédéric Esposito, directeur de l'Observatoire universitaire de la sécurité au sein du Global Studies Institute, un organisme rattaché à l’Université de Genève. Et puis, le 1er septembre, le Ministère public de la Confédération (MPC) annonçait l'arrestation, le même jour, de deux hommes domiciliés dans les cantons de Genève et Vaud. Parallèlement, policiers cantonaux et fédéraux perquisitionnaient en quatre endroits différents.

watson a appris ce mardi auprès du MPC que les deux prévenus ont été placés en détention préventive pour une durée de trois mois pour les besoins de l'enquête.

Un binational et un Kosovar

La procédure a été engagée pour soupçons de violation de la loi fédérale sur l’interdiction des groupes Al-Qaïda et Etat islamique et de soutien ou de participation à une organisation criminelle. Les individus appréhendés sont un double national suisse-macédonien et un citoyen kosovar.

Le MPC a indiqué agir dans le cadre d’une procédure pénale ouverte en juillet 2021. Autrement dit, les deux prévenus étaient sous surveillance depuis plus d’un an.

La Suisse a beau ne pas avoir d’histoire coloniale, à la différence de la France, cela ne la met pas à l’abri de la menace terroriste islamiste. Depuis 2001, il y aurait eu 78 départs de Suisse vers divers groupes armés situés au Moyen-Orient.

Procès en cours à Bellinzone

Ces dernières années, le Tribunal fédéral pénal (TPF) de Bellinzone a jugé des affaires en lien avec la radicalisation islamiste, qu’elles soient le fait de mouvements associatifs, de mosquées ou d’individus. Comparaît actuellement devant le TPF une Suissesse de 29 ans souffrant de problèmes mentaux. Elle est accusée d’«acte terroriste» pour avoir tenté d'égorger deux femmes en proclamant son soutien au groupe Etat islamique dans un grand magasin, à Lugano, en 2020.

En juin, le MPC annonçait avoir pris la décision de renvoyer en jugement le ressortissant turco-suisse impliqué dans l’attentat djihadiste qui a coûté la vie à un Portugais de 29 ans, le 12 septembre 2020 à Morges (VD). Le public découvrait cette année-là, via Le Temps, qu’un projet d’attentat spectaculaire devant frapper Genève avait été déjoué.

On se trompait, donc, en pensant être débarrassé de la menace terroriste islamiste. Jointe par watson, Isabelle Graber, cheffe de la communication du Service de renseignement de la Confédération (SRC), le confirme:

«La menace terroriste en Suisse est élevée depuis 2015. Elle continue d’être influencée essentiellement par l’"État islamique", par ses soutiens et ses sympathisants. La menace d’Al-Qaïda reste d’actualité. Cependant, la menace ne cesse de devenir plus diffuse car, depuis 2020, elle repose toujours davantage sur des individus agissant de manière autonome, qui ne sont pas directement liés à l’"État islamique" ou à Al-Qaïda.»
Service de renseignement de la Confédération

Ce qui fait «triper» les radicalisés en Suisse

Mais, après la déroute sur le terrain irako-syrien du groupe Etat islamique, qu’est-ce qui fait encore «triper» les radicalisés présents en Suisse? Le SRC livre là-dessus une analyse que voici:

«Pour les djihadistes, la Suisse appartient au monde occidental qu’ils estiment opposé à l’islam et qui représente donc une cible légitime à leurs yeux. Selon l’appréciation du SRC, d’autres pays constituent cependant des cibles prioritaires, en particulier ceux qui participent militairement à des coalitions internationales contre l’"État islamique" ou qui sont perçus par les djihadistes comme étant particulièrement hostiles à l’islam. Les intérêts d’autres États peuvent également être la cible d’attaques sur le territoire suisse. Certains événements à forte résonnance médiatique liés à l’islam, tels qu’une nouvelle controverse sur les caricatures de Mahomet, des mises à feu du Coran ou des fermetures de mosquées peuvent exacerber les tensions sociales et politiques qui existent en Europe et, par conséquent, augmenter immédiatement la menace. Des intérêts juifs peuvent également être visés (réd: par une doctrine djihadiste comme par une doctrine d'extrême droite, précise le SRC).»
Service de renseignement de la Confédération

La menace la plus probable étant:

«Le SRC estime qu’à l’heure actuelle, des attaques contre des cibles faciles (installations routières, rassemblements, etc.) nécessitant peu de moyens organisationnels et logistiques ou perpétrées par des auteurs isolés ou de petits groupes constituent la menace la plus probable en Suisse.»
Service de renseignement de la Confédération

Winterthour, Genève et Renens

Trois lieux de radicalisation sont particulièrement surveillés par le SRC: Winterthour dans le canton de Zurich, Genève et Renens dans le canton de Vaud, explique Frédéric Esposito. Preuve que la menace reste élevée, ou que la Suisse n’était pas la mieux équipée jusqu’à peu pour y faire face, «la Confédération, qui travaille de concert avec les cantons, a recruté du personnel pour l’affecter au renseignement, c'est-à-dire à l'infiltration à des fins de surveillance», relate Frédéric Esposito. Et ce, conformément à la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT), entrée en vigueur en juin, un an après son adoption par le peuple.

Si, auparavant, des radicalisés pouvaient rejoindre des groupes terroristes constitués, il s’agit plus, aujourd’hui, de ce que le chercheur français Gilles Kepel appelle un «djihadisme d’atmosphère». Par extension, et avant tout passage à l’acte, «qui n’est pas du tout automatique, la radicalisation étant le plus souvent verbale», rappelle Frédéric Esposito, on pourrait parler d’une «radicalisation d’atmosphère».

Associations, clubs de sport...

Où apparaît-elle? Le chercheur du Global Studies Institute rattaché à l’Université de Genève cite en exemples divers endroits:

«Cela peut se passer au domicile d’un ou plusieurs individus, dans des lieux culturels ou associatifs pas nécessairement connotés musulmans, dans des clubs de sport, notamment de football, dans des salles de séminaires de mosquées mises à la disposition de croyants, cela s’était vu à la mosquée du Gand-Saconnex à Genève, les responsables de ce lieu de culte s'étant défendus de toute implication de leur part dans ce type de conciliabule.»
Frédéric Esposito

Le Ministère public de la Confédération reste pour l'heure silencieux sur ce qu'il reproche exactement aux deux hommes arrêtés la semaine dernière dans les cantons de Vaud et Genève et désormais détenus pour les besoins de l'enquête.

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