Suisse
UDC

Suisse: ces UDC ambigus avec la Russie de Poutine

Vladimir Poutine. Novo-Ogaryovo, 1er février 2023. Médaillon: Yves Nidegger, conseiller national UDC genevois.
Vladimir Poutine. Novo-Ogaryovo, 1er février 2023. Médaillon: Yves Nidegger, conseiller national UDC genevois.Image: EPA SPUTNIK POOL

«Poutine a raison lorsqu’il décrit l’Occident comme une civilisation décadente»

L'UDC est ambiguë vis-à-vis de la Russie de Poutine. watson a demandé à plusieurs élus de ce parti, dont le Genevois Yves Nidegger, comment ils se positionnent dans la guerre en cours.
05.05.2023, 14:2906.05.2023, 18:23
Plus de «Suisse»

Tout est pardonné? Dix jours après avoir dansé le kasatschok à Moscou avec les passe-plats de la propagande du Kremlin, le Zurichois Roger Köppel titre en une de la Weltwoche, son magazine: «Putin ist ein Faschist». «Poutine est un fasciste», donc. Les guillemets sont doublement de rigueur. Il s’agit d’une citation. Celle d’un ennemi juré du président russe: le Français Raphaël Glucksmann, député européen socialiste, fils du philosophe André Glucksmann, qui fut un adversaire déterminé du régime soviétique dans les années 1970.

Le conseiller national UDC et rédacteur en chef de l’hebdomadaire conservateur veut-il faire oublier ses provocations moscovites, un «dossier» délicat à l’approche des élections fédérales d’octobre, auxquelles il ne se représente toutefois pas? On le dirait bien. L'intéressé plaidera sûrement le côté «inclassable» de la Weltwoche, la «liberté» d’un titre qui ne craint pas de surprendre, une semaine après cette autre une: «Moskau im Frühling», «Moscou au printemps», récit de son périple à l’Est.

L’UDC est sans doute le seul parti politique suisse à jouer d’une certaine ambiguïté, sinon d’une ambiguïté certaine, avec la Russie de Poutine. «Nous condamnons l’invasion russe de l’Ukraine, mais…» Tel est le début de réponse type. Chacun, à l'UDC, met derrière ce «mais» les mots qu’il veut. Mais on note des constantes: le rapport aux Etats-Unis et à l’Europe, la «décadence occidentale», les intérêts commerciaux de la Suisse et bien sûr la neutralité.

«Il va de soi que l’agression russe en Ukraine est condamnable, la Suisse l’a d’ailleurs condamnée», affirme le conseiller national UDC vaudois Jacques Nicolet. Passé ce préambule, il développe:

«Reprendre les sanctions de l’Union européenne contre la Russie a été une ânerie. En tant que neutre, nous aurions pu éventuellement infliger nos propres sanctions»
Jacques Nicolet, conseiller national (UDC/VD)
Jacques Nicolet, SVP-VD, stellt eine Frage zur Agrardebatte, an der Fruehjahrssession der Eidgenoessischen Raete, am Donnerstag, 9. Maerz 2023 im Nationalrat in Bern. (KEYSTONE/Alessandro della Valle)
Jacques Nicolet conseiller national UDC vaudois.Keystone

«On doit condamner l’agression russe, mais on ne doit pas prendre parti», estime le président du groupe UDC au Grand Conseil vaudois, Yvan Pahud. «S’aligner sur l’un ou l’autre des belligérants, c’est se priver de la possibilité de faire jouer nos bons offices et d’accueillir un jour une négociation de fin de conflit», poursuit-il. Etre neutre, ajoute-t-il, «c’est la garantie qu’à la fin de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, la Suisse pourra reprendre normalement ses relations commerciales avec tout le monde, les Etats-Unis, la Russie et la Chine».

On rappelle à Yvan Pahud le «traitement» réservé par les Etats-Unis à la Suisse neutre au sortir de la guerre froide: l’affaire des fonds en déshérence (des épargnants juifs spoliés durant la Seconde Guerre mondiale par des banques suisses), plus tard, la mise à sac du secret bancaire par l’administration Obama. La neutralité ne valait alors pas plus qu’une obligation Credit Suisse avant rachat par UBS.

Le député vaudois se découvre un peu plus:

«A qui profite le conflit? Aux Etats-Unis qui vendent leurs armes et leur gaz à l’Europe, mais aussi à la Chine, qui reçoit du gaz russe, et à l’Inde, qui vend des armes à la Russie et lui achète du pétrole»
Yvan Pahud, député UDC au Grand Conseil VD

C’est le conseiller national UDC genevois Yves Nidegger qui nous a signalé la une du dernier numéro de la Weltwoche, «Poutine est un fasciste». Comme si l’hebdo zurichois, à l’image de l’UDC, n’était jamais là où on l’attend. «Nous sommes nombreux à ne pas accepter aveuglément de suivre la doxa, d’où qu’elle vienne, et à nous montrer spontanément allergiques au prêt-à-penser», affirme celui qui quittera le Parlement fédéral en octobre pour se consacrer pleinement à sa nouvelle fonction de président du groupe UDC au Grand Conseil genevois.

«J’ai été un antisoviétique, je reste un anticommuniste convaincu»
Yves Nidegger, conseiller national (UDC/GE)

Aujourd’hui, Yves Nidegger estime qu’il y a lieu de «résister à l’Etat lorsqu’il prend trop de place, et à toute vérité unique, comme c’est le cas du wokisme qui gangrène aujourd’hui la pensée et les valeurs occidentales».

«Je condamne l’agression russe de l’Ukraine, cela ne m’empêche pas de constater que Poutine a raison lorsqu’il décrit l’Occident comme une civilisation décadente, c’est un fait.»
Yves Nidegger
Yves Nidegger, conseiller national genevois, parle pendant le vote sur le "Mariage pour tous"l ors de l'Assemblee des delegues de l'UDC Suisse (Delegiertenversammlung der SVP) le s ...
Yves Nidegger, conseiller national UDC.Keystone

Le conseiller national genevois fut l’un des «rares élus UDC» à Berne à avoir voté contre la loi instaurant le mariage pour tous. Le rapport avec la Russie? «Les Etats Unis considèrent le mariage pour tous comme une avancée de la civilisation et souhaitent l’imposer au monde entier. Les Russes, les Moyen-Orientaux, les Africains, sont d’un autre avis. Que je partage. Je ne considère pas pour autant que Poutine soit le rempart de la civilisation occidentale et je suis profondément anti-guerre.»

Le parlementaire précise sa pensée:

«On peut parfaitement être en désaccord avec la Chine, la Russie ou l’Iran et rejeter les valeurs sur lesquelles ces régimes sont fondés tout en reconnaissant que certaines des critiques qu’ils adressent à l’Occident d’aujourd’hui et à l’empire américain en particulier sont largement fondées.»
Yves Nidegger, conseiller national (UDC/GE)

L'UDC et «la crainte du grand remplacement»

Que recouvre le discours de l’UDC mêlant neutralité et civilisation? Décryptage avec Oscar Mazzoleni, professeur de science politique à l’Université de Lausanne (Unil). «Les élus UDC ne sont pas pro-russes. Ils ne veulent pas que la Suisse se mêle des affrontements entre la Russie et l’Ukraine. Voilà pour la neutralité. C’est important de le dire.»

Oscar Mazzoleni poursuit et l'on entre dans le vif du sujet:

«En termes de civilisation, il y a un fond commun, que partagent Orban en Hongrie, Trump aux Etats-Unis, Zemmour en France et l’UDC en Suisse, c’est l’idée de grand remplacement. Face auquel la Russie de Poutine incarnerait une forme de résistance. Qu’est-ce que la crainte du grand remplacement? C’est la crainte, selon laquelle, l’Occident, mis à mal par la mondialisation et des religions étrangères, serait en déclin. A noter, le rôle central accordé à la famille par ces milieux conservateurs.»

Joint par watson sur le rapport de l’UDC à la Russie, le président de l’UDC, Marco Chiesa, a répondu par écrit. Comme une mise au point minimale: «L'UDC Suisse n'entretient pas de relations avec d'autres Etats. En tant qu'Etat neutre, la Suisse doit cependant entretenir des relations avec tous les Etats et offrir ses bons offices. C'est une contribution essentielle qu'une Suisse neutre peut apporter à la paix dans le monde.»

Pr�sident de l'UDC suisse, Marco Chiesa ne veut pas de la nouvelle loi f�d�rale sur le climat.
Marco Chiesa, président de l'UDC.Keystone

Un Russo-Suisse à l'UDC fribourgeoise: gêne

On commençait à oublier Roger Köppel, voici Andrey Nazheskin, encarté à l’UDC, qui s’apprête à faire son entrée au législatif de la Ville de Fribourg. Ce binational russo-suisse est l’un des deux consuls honoraires de Biélorussie en Suisse.

Vice-président de l’UDC fribourgeoise, Sébastien Bossel dit avoir appris «ce matin» (réd: jeudi) la présence de cet homme dans les rangs du parti cantonal. «Je ne sais pas s’il est sur la liste des personnes mises sous sanctions», dit-il. Des vérifications devraient être effectuées.

Et maintenant Maurer et la Chine

On ne serait pas complet sans évoquer la rencontre en avril, sans l’accord du Conseil fédéral, de l’ex-ministre des Finances de la Confédération, l’UDC Ueli Maurer, avec l’ambassadeur de Chine en Suisse. Une démarche apparemment personnelle, qui a fait bondir certains parlementaires, alors que le Conseil national, à l’initiative du socialiste Fabian Molina, a adopté une motion pour un rapprochement de la Suisse avec Taïwan, au grand dam de Pékin. «Taïwan a adopté une loi sur le mariage pour tous; connaissant la mentalité chinoise profonde, c’est à comprendre surtout, à mon avis, comme un signe d’allégeance envers les Etats-Unis», fait observer Yves Nidegger. Décidément, l'UDC ne lâche rien.

Le Kremlin accuse Kiev d'avoir voulu assassiner Poutine avec un drone
Video: watson
4 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
4
Les Suisses voteront sur le financement uniforme des soins (mais c'est quoi?)
Le Syndicat des services publics a déposé 57 346 signatures. Le projet visant à uniformiser le financement des soins ambulatoires, hospitaliers et de longue durée sera soumis au vote populaire.

Le projet de financement uniforme des soins ambulatoires, stationnaires et de longue durée passera devant le peuple. Le Syndicat des services publics (SSP) a déposé jeudi 57'346 signatures à la Chancellerie fédérale.

L’article