L'année dernière, le nombre d'actes antisémites et de discours de haine enregistrés en Suisse a été nettement plus élevé qu'en 2022, selon le dernier rapport sur la discrimination publié mercredi par la Fondation contre le racisme et l'antisémitisme (GRA) et la Société pour les minorités en Suisse (GMS).
Les deux organisations tiennent une chronologie qui recense tous les cas d'actes discriminatoires et de discours de haine publiés par les médias. Elle s'oriente sur la norme pénale de discrimination selon le code pénal (art. 261 bis CP). La loi punit la discrimination et l'incitation à la haine en raison de la race, de l'ethnie, de la religion ou de l'orientation sexuelle. Une partie des cas recensés par la chronologie dépasse le champ d'application de la norme pénale, indique le rapport.
Les 98 incidents enregistrés en 2023 représentent une augmentation de plus de la moitié par rapport à l'année 2022 (63 incidents). Le GRA et le GMS ont enregistré une forte augmentation des incidents antisémites suite à l'attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
En Suisse, l'antisémitisme s'est «manifesté de manière exceptionnelle» l'année dernière, décrit le document. Une telle accumulation de voies de fait, de graffitis, d'insultes et d'incidents antisémites lors de manifestations en si peu de temps est sans précédent: «Le fait que l'antisémitisme ait finalement débouché sur une violence en 2024 dans ce contexte d'agitation générale n'est pas surprenant», en référence à l'attaque au couteau d'un homme juif début mars à Zurich.
Des actes aux motifs discriminatoires comme cette attaque et l'attaque antimusulmane de Bad Ragaz du 20 mars menacent «l'ensemble de la société, car ils sapent des valeurs fondamentales comme la tolérance, le respect et la diversité», écrivent la GRA et la GMS dans le communiqué accompagnant le rapport.
Les organisations sont également préoccupées par les milieux d'extrême droite, auxquels environ un quart des incidents enregistrés ont été attribués. Elles mentionnent notamment le groupe Junge Tat, qui a récemment fait la une des journaux pour avoir invité le célèbre activiste d'extrême droite autrichien Martin Sellner.
La Junge Tat instrumentalise à ses fins des thèmes médiatiques et polarisants comme la construction de centres d'asile. Elle maîtrise les codes des médias sociaux, ce qui lui permet de recruter efficacement de nouveaux membres. Dans ses actions, la Junge Tat propage «la haine des étrangers et des minorités», pointe le rapport.
Il est d'autant plus effrayant de constater qu'une candidate au Conseil national ainsi que les Jeunes UDC de Thurgovie ont eu recours aux services de membres de la Junge Tat pour leurs campagnes sur les réseaux sociaux. Le parti a pris ses distances avec le groupuscule suite à un tollé public, précise encore le document. Celui-ci a été rédigé avant les récentes révélations sur une rencontre entre la responsable de la stratégie de l'UDC, Sarah Regez, Martin Sellner et le groupe Junge Tat. Le GRA et le GMS avertissent:
Une brutalisation du discours social a également eu lieu l'année dernière suite à une campagne électorale, selon le rapport: «Avec une rhétorique xénophobe, un parti a reproduit des préjugés à l'encontre de personnes perçues comme différentes», peut-on lire dans le communiqué de presse, sans que l'UDC soit nommée. Cela rend difficile l'acceptation des minorités et attise la haine et le rejet d'une société pluraliste.
«Notre démocratie doit agir pour combattre la discrimination, le racisme et l'antisémitisme. C'est la seule façon de défendre l'idée libérale d'une société ouverte», déclare Philip Bessermann, directeur de la Fondation contre le racisme et l'antisémitisme (GRA).