C'était en septembre 2014. En Irak et en Syrie, la milice terroriste Etat islamique (EI, ou encore Daech) faisait des ravages. Dans cette situation, l'Allemagne a livré aux peshmergas kurdes des munitions pour fusil d'assaut fabriquées par l'entreprise d'armement suisse Ruag. Les Allemands ont alors distribué quatre millions de munitions G36 aux combattants kurdes, comme l'a confirmé un porte-parole de la Bundeswehr (l'armée allemande) à CH Media.
Près de six ans plus tard, d'autres combats font rage. La Russie a lancé une guerre d’agression contre l'Ukraine, qui a un besoin urgent d'armes et de munitions.
Cette fois, le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), responsable des contrôles à l'exportation, a rejeté deux demandes de l'Allemagne, qui voulait continuer à livrer à l'Ukraine des munitions achetées en Suisse. La Sonntags-Zeitung a été la première à rapporter l'affaire.
On ne sait pas précisément de quelles munitions il s'agit. Le porte-parole du Seco, Fabian Maienfisch, a tout de même précisé, dimanche, qu'il ne s'agissait pas de munitions pour le véhicule blindé de combat d'infanterie Marder que l'Allemagne souhaite livrer à l'Ukraine. Le Seco se contente du constat suivant:
En 2014, la Suisse n'a pourtant pas eu d'objection concernant les munitions livrées pour affronter l'EI. La raison? Elles avaient été fabriquées par Ruag Ammotec en Allemagne. A l'époque, le Seco avait déclaré:
Toutefois, même si les munitions avaient été produites en Suisse et livrées à la filiale allemande, il n'y aurait pas non plus eu besoin d'une autorisation suisse pour les réexporter, selon le Seco. Celle-ci ne serait nécessaire que si Ruag avait livré depuis la Suisse directement au gouvernement ou à l'armée allemande.
Et ce fut le cas cette fois. La malchance, pour les Ukrainiens, a été que les munitions en question ont été livrées directement à un «destinataire final étatique» en Allemagne. Si les munitions avaient été fournies par une filiale de Ruag en Allemagne, par exemple, la Suisse n'aurait eu aucune objection.
C'est l'aspect qui étonne tous les observateurs. En effet, le Seco n'argumente pas purement et simplement avec la législation sur le matériel de guerre, mais aussi avec la fameuse neutralité suisse. Markus Mohler, expert suisse sur les questions de droit constitutionnel et administratif, a fait le constat, dans une interview avec CH Media, que le droit de la neutralité fait partie du droit international depuis les Conventions de La Haye de 1907 et qu'«il n'y a pas de neutralité face aux crimes de guerre».
Dans un article publié sur le blog constitutionnel allemand, le professeur Stefan Talmon, directeur de l'Institut de droit international public de l'Université de Bonn, a également écrit que les livraisons d'armes à l'Ukraine:
Le Secrétariat d'Etat à l'Economie est rattaché au département du conseiller fédéral UDC Guy Parmelin. Il est à noter qu'il a déjà freiné des quatre fers lors de l'adoption des sanctions contre la Russie. Le conseiller national Gerhard Pfister (ZG), président du Centre, a critiqué, dimanche, le fait que la livraison de munitions ait été interrompue. Selon la loi sur les embargos et sur la base de la Constitution, le Conseil fédéral a la compétence de défendre les intérêts de la Suisse en matière de politique étrangère et d'autoriser la livraison. Cela n'est pas non plus en contradiction avec la neutralité. Celle-ci est aussi une neutralité «armée».
«Une adaptation de la loi sur le matériel de guerre, renforcée à juste titre, n'est pas nécessaire pour cela», a ajouté Pfister lundi sur Twitter. Il a ainsi opposé une fin de non-recevoir aux cercles entourant la conseillère nationale PLR Maja Riniker (AG), qui militait, dans le Tages-Anzeiger, pour une révision, donc à un assouplissement, de la loi sur le matériel de guerre qui vient d'être modifiée. (bzbasel.ch)