L'année passée, à cause du gel exceptionnel d'avril, Bernard Lucciarini, arboriculteur à Martigny, en Valais, a perdu 80% de sa récolte d'abricots. Or voilà qu'on annonce des températures en dessous de zéro pour la fin de la semaine. Pas de chance, car la floraison touche à sa fin et va bientôt laisser le fruit à nu. «Lorsque l'arbre est en fleur, les pétales protègent le fruit, qui résiste alors mieux au gel», explique Bernard Lucciarini, avec sa femme à la tête d'une exploitation d'environ onze hectares, le domaine de Courvieux.
Le couple n'a pas du tout envie de revivre l'horrible mésaventure de 2021. «Nous, les producteurs d'abricots, on avait été plus touchés que les vignerons par le gel», se souvient-il. Hégémonique producteur d'abricots (97% du total suisse), le Valais en fournit huit millions de kilos en année normale.
Comment prémunir le fruit encore frêle des attaques mordantes du gel? «On arrose les arbres avec de l'eau», répond Bernard Lucciarini, originaire des Marches, en Italie:
Mais attention, il ne faut pas que le gel revienne sitôt fondue la pellicule d'eau, sinon, le froid se fait encore plus intense et «grille» le fruit. «Le noyau gèle, noircit, entraînant la chute de l'abricot en formation», détaille l'arboriculteur martignerain.
Lorsqu'il gèle la nuit, Bernard Lucciarini est dans ses vergers. Pour observer l'état de ses arbres, mais aussi pour empêcher les «actes de malveillance», des gestes souvent purement gratuits, visant ses tuyaux d'eau et petits moteurs.
«Le gel, ça commence à bien faire», dit-il. En 2017, les abricotiers de Bernard Lucciarini avaient échappé comme par miracle à une offensive de froid intense qui avait provoqué de gros dégâts partout en Valais. Les trois jours de gel nocturne annoncés pour la fin de la semaine, venant après une longue période de redoux, menacent aussi les cerisiers, toutefois bien moins nombreux que les abricotiers en terre valaisanne. La récolte des abricots, écoulés tels des fruits patriotiques en magasins ou transformés en abricotine, cette eau-de-vie au soyeux fumet, ne commencera pas avant l'été.
La vigne, elle, devrait traverser sans dommage la brève parenthèse de gel attendue. «Les bourgeons ne sont pas encore développés», respire de soulagement un vigneron du Jura bernois, salement touché l'an dernier comme tous ses confrères romands par la flambée hivernale d'avril.