Des pêches électriques sont menées ces jours sur toute la longueur de la Dranse pour évaluer la mortalité piscicole survenue après une vidange autorisée du barrage des Toules (VS). Les pertes s'annoncent massives. Selon les pêcheurs, l'heure doit être à la réflexion.
La pêche électrique étourdit les poissons et permet de les capturer pour les dénombrer avant de les remettre à l'eau. Les résultats de celle qui a été effectuée jeudi sur cinq tronçons de la Dranse n'ont pas encore été communiqués. Ils tomberont «dans les jours à venir», indique à Keystone-ATS le service valaisan de la chasse, de la pêche et de la faune (SCPF).
«Un courriel m'a informé ce matin qu'une pêche électrique complémentaire est prévue à la fin mars, plus en aval du cours d'eau», précise vendredi James Derivaz, directeur de Dransenergie, société mandatée par les Forces Motrices du Grand-Saint-Bernard, propriétaire du barrage des Toules. Ce type de pêches, effectuées notamment avant et après la vidange d'un barrage, permet d'estimer la population de poissons et les dégâts occasionnés.
Car, chaque fois que l'on vidange une retenue, la faune piscicole et la flore peuvent connaître des dommages. Les dégâts peuvent être plus ou moins importants.
La vidange du barrage des Toules a débuté le 4 mars pour des raisons de sécurité, soit permettre l'utilisation de la vanne de vidange en cas de crue. Le niveau s'est abaissé progressivement jusqu'au 6 mars au matin. Mais ce dernier jour, à 11h53 précises, les derniers litres lâchés contenaient plus de sédiments que prévu.
Les taux de concentration de sable dans l'eau, prévus par la législation fédérale, ont été largement dépassés, provoquant un manque d'oxygène. Dans la Dranse, «la perte piscicole sera conséquente», admet James Derivaz, également pêcheur à ses heures de loisirs.
Un constat amer partagé par Julien Moulin, président de la Société des pêcheurs amateurs du district d'Entremont qui déplore:
La Dranse d'Entremont est «l'une des rivières les plus pêchées en Valais», précise Julien Moulin. Chaque année, des dizaines de milliers de poissons élevés dans la pisciculture des Trappistes sont déversés dans le cours d'eau où certains grandiront durant six à sept ans. «Tout un labeur perdu d'un seul coup», regrette le président des pêcheurs d'Entremont.
Mais au-delà du labeur perdu et des indemnisations attendues, les pêcheurs veulent une solution, «car nous ne pouvons pas continuer comme cela». Julien Moulin évoque l'exemple du barrage de Mauvoisin. Ce dernier a été rehaussé, et l'imposante vanne de vidange a été installée une trentaine de mètres au-dessus du fond du barrage. Elle peut ainsi être ouverte ou fermée sans être entravée par les sédiments.
«Les Forces Motrices du Grand-St-Bernard vont entamer une réflexion et analyser la possibilité de modifier le système de vidange», assure James Derivaz:
Mais d'ici là, le propriétaire du barrage des Toules devra prendre en charge tous les coûts dus aux effets de cette vidange, notamment ceux du «rinçage» prévu en mai, et qui doit évacuer jusqu'au Rhône les sédiments déposés sur toute la longueur de la Dranse. Mais aussi les indemnisations pour la perte piscicole, qui, lors de la dernière vidange au déroulé similaire en 2010, s'étaient montées à quelque 80 000 francs.
Le Service valaisan de l'environnement analyse actuellement la situation; s'il estime qu'il y a eu une infraction à la loi cantonale sur la protection des eaux, il transmettra le dossier au ministère public. Les Forces Motrices du Grand-Saint-Bernard se disent plutôt «sereines au regard de la loi», et en raison de «toutes les autorisations de vidange obtenues en bonne et due forme». (jah/ats)