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Ces personnes âgées qui vieillissent sans famille en Suisse

Un motard roule avec sa moto devant un couple de personnes âgées, quelque part en Suisse.
Près d'une personne âgée sur dix en Suisse ne peut pas compter sur l'aide de parents proches.Image: KEYSTONE

Ces personnes âgées qui doivent vieillir sans famille en Suisse

Près d'une personne âgée sur dix en Suisse ne peut pas compter sur l'aide de parents proches. Pour la première fois, une étude a été menée sur la manière dont ces seniors gèrent leur quotidien.
24.07.2023, 07:37
Annika Bangerter / ch media
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Avant quand Brigitte (nom d'emprunt), 70 ans, feuilletait son agenda, seules quelques pages blanches s'offraient à son regard. Randonnées, longs voyages à l'étranger, théâtre et rencontres avec des amies et des connaissances: le quotidien de la retraitée était bien rempli. Elle gérait sa propre vie. Et elle en profitait. Mais un jour, elle est tombée gravement malade, atteinte d'un cancer.

Brigitte vit seule. Elle est divorcée et n'a pas d'enfants. Elle fait donc partie des au moins 142 000 personnes âgées en Suisse qui gèrent leur quotidien sans l'aide de leurs proches. Cela représente 8% des personnes de plus de 65 ans. Comment se portent-elles? C'est ce qu'a étudié pour la première fois une équipe de recherche de la Haute Ecole spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse.

Ceux qui ont une famille y recourent généralement beaucoup: le travail de soin familial est le «fondement de l'Etat social suisse», écrivent les auteurs de l'étude. Brigitte n'a pas pu s'appuyer sur une telle structure après s'être battue pour revenir à la vie et avoir dû réorganiser son quotidien. A l'hôpital, on lui a seulement demandé s'il y avait des escaliers pour accéder à son appartement. Et les soins à domicile ont été organisés.

«Tous les collaborateurs de l'hôpital étaient très stressés. Il s'agissait de me faire rentrer chez moi le plus vite possible. Mais sans mes amis, j'aurais été perdue.»
Brigitte

Au début, elle n'aurait même pas pu se rendre seule à la boulangerie toute proche.

Les forces des amis du même âge diminuent aussi

Sauf s'ils sont prescrits par un médecin, les services d'aide et de soins à domicile ne sont pas couverts par l'assurance de base en Suisse. Les assurances complémentaires ou la commune en prennent parfois en charge une partie.

«Malheureusement, les communes et les cantons réduisent de plus en plus leur cofinancement des prestations familiales»
Aide et soins à domicile Suisse

D'autres prestations d'assistance, comme l'accompagnement à un bureau ou la promenade, doivent, elles, être entièrement prises en charge par les bénéficiaires.

L'aide ménagère, les services de transport et d'accompagnement, ainsi que la livraison de repas: le Conseil fédéral veut lui aussi promouvoir le plus possible le logement indépendant des personnes âgées et financer l'accompagnement de manière autonome. Il propose au moins une adaptation des prestations complémentaires et a ouvert la semaine dernière une procédure de consultation à ce sujet.

Mais au-delà des soins et d'un quotidien bien organisé avec des repas, du linge propre et un appartement nettoyé, il y a aussi des besoins psychosociaux. Concrètement, cela consiste à tout faire pour éviter que la personne atteinte dans sa santé renonce à ses activités et à ses relations. Comme l'explique Carlo Knöpfel, auteur de l'étude:

«Bien vivre sa vieillesse peut s'avérer difficile sans le soutien de membres de la famille proche»

Certes, les amies ou les voisines interviennent souvent pour donner un coup de main, mais tout le monde ne peut pas, comme Brigitte, s'appuyer sur un tel réseau. Et les amis d'un âge similaire sont souvent confrontés eux aussi à la diminution de leurs forces.

Comment cela fonctionne-t-il alors? Les chercheurs ont accompagné des personnes âgées dans leur vie quotidienne et se sont entretenus longuement avec elles. Ils ont également interviewé des experts. Il en résulte la typologie suivante:

  • Satisfaites sans soutien: Pour ces personnes âgées, leur propre autonomie est essentielle, de sorte qu'elles définissent également leur satisfaction par rapport à cela. Il leur est donc difficile d'envisager d'avoir un jour besoin d'aide.
  • Satisfaites grâce au soutien: Avec l'aide de tiers, ces personnes parviennent à mener une vie qui leur convient. Selon l'état physique et mental, le soutien est différent, allant des soins ambulatoires à l'encadrement dans une structure de jour. Il est plutôt rare que les voisins ou les bénévoles soient les principales personnes de confiance.
  • Insatisfaites sans soutien: Ces personnes ne peuvent pas changer leur situation parce qu'elles ne veulent pas accepter d'aide en raison de leurs craintes et de leur méfiance ou parce qu'elles n'ont pas besoin de soins et n'entrent donc pas en contact avec une organisation professionnelle. Beaucoup d'entre elles déclarent se sentir seules et avoir envie d'une personne de confiance.
  • Insatisfaites du soutien: Ces personnes sont généralement sociables et n'aiment pas être seules. Elles reçoivent certes le soutien d'un professionnel, mais ces contacts ne couvrent pas leurs besoins en matière de relations sociales.

L'ennemi: la précarité

Les personnes âgées qui n'ont pas de famille pour s'occuper d'elles peuvent tout à fait mener une bonne vie, constatent les auteurs de l'étude. Il est faux de conclure à une vulnérabilité particulière. Mais si les moyens financiers ou un certain réseau social font défaut, la situation devient de plus en plus difficile à mesure que la précarité augmente.

Cela conduit à des «inégalités considérables», constatent les chercheurs. Carlo Knöpfel déclare à ce sujet:

«Une solution serait par exemple de repenser la composition du personnel des services d'aide et de soins à domicile, de manière à pouvoir engager des travailleurs sociaux. Mais jusqu'à présent, ces derniers ne peuvent souvent pas être facturés par les services d'aide et de soins à domicile.»

Les travailleurs sociaux de Spitex pourraient par exemple mettre les seniors en réseau avec des offres existantes comme les Tables de midi ou les points de rencontre de quartier. Dans les villes en particulier, il existe une offre importante pour les personnes âgées – même pour celles dont les forces diminuent.

«Beaucoup de choses doivent cependant être réservées en ligne, ce qui représente souvent une surcharge»
Carlo Knöpfel

La peur et la honte sont très répandues

D'après Carlo Knöpfel, il faut des travailleurs sociaux de proximité qui rendent visite aux seniors vivant en marge. Les personnes âgées ne doivent pas craindre qu'un soutien leur fasse perdre leur sentiment d'autonomie. «C'est le contraire qui est vrai: une bonne assistance renforce l'autonomie», explique l'auteur de l'étude. Les personnes qui bénéficient d'un soutien en sont généralement satisfaites et acceptent beaucoup plus rapidement une aide supplémentaire en cas de besoin. Il ajoute:

«Il faut des expériences positives pour que la honte et la peur soient surmontées»

Brigitte peut à nouveau gérer elle-même son quotidien. Malgré tout, elle a toujours besoin de ses amis, comme elle le dit:

«Je discute avec eux de toutes les possibilités pour vivre le mieux possible avec la maladie. Mes amis captent mes émotions et m'encouragent. Sans eux, je serais perdue»

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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