Avant quand Brigitte (nom d'emprunt), 70 ans, feuilletait son agenda, seules quelques pages blanches s'offraient à son regard. Randonnées, longs voyages à l'étranger, théâtre et rencontres avec des amies et des connaissances: le quotidien de la retraitée était bien rempli. Elle gérait sa propre vie. Et elle en profitait. Mais un jour, elle est tombée gravement malade, atteinte d'un cancer.
Brigitte vit seule. Elle est divorcée et n'a pas d'enfants. Elle fait donc partie des au moins 142 000 personnes âgées en Suisse qui gèrent leur quotidien sans l'aide de leurs proches. Cela représente 8% des personnes de plus de 65 ans. Comment se portent-elles? C'est ce qu'a étudié pour la première fois une équipe de recherche de la Haute Ecole spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse.
Ceux qui ont une famille y recourent généralement beaucoup: le travail de soin familial est le «fondement de l'Etat social suisse», écrivent les auteurs de l'étude. Brigitte n'a pas pu s'appuyer sur une telle structure après s'être battue pour revenir à la vie et avoir dû réorganiser son quotidien. A l'hôpital, on lui a seulement demandé s'il y avait des escaliers pour accéder à son appartement. Et les soins à domicile ont été organisés.
Au début, elle n'aurait même pas pu se rendre seule à la boulangerie toute proche.
Sauf s'ils sont prescrits par un médecin, les services d'aide et de soins à domicile ne sont pas couverts par l'assurance de base en Suisse. Les assurances complémentaires ou la commune en prennent parfois en charge une partie.
D'autres prestations d'assistance, comme l'accompagnement à un bureau ou la promenade, doivent, elles, être entièrement prises en charge par les bénéficiaires.
L'aide ménagère, les services de transport et d'accompagnement, ainsi que la livraison de repas: le Conseil fédéral veut lui aussi promouvoir le plus possible le logement indépendant des personnes âgées et financer l'accompagnement de manière autonome. Il propose au moins une adaptation des prestations complémentaires et a ouvert la semaine dernière une procédure de consultation à ce sujet.
Mais au-delà des soins et d'un quotidien bien organisé avec des repas, du linge propre et un appartement nettoyé, il y a aussi des besoins psychosociaux. Concrètement, cela consiste à tout faire pour éviter que la personne atteinte dans sa santé renonce à ses activités et à ses relations. Comme l'explique Carlo Knöpfel, auteur de l'étude:
Certes, les amies ou les voisines interviennent souvent pour donner un coup de main, mais tout le monde ne peut pas, comme Brigitte, s'appuyer sur un tel réseau. Et les amis d'un âge similaire sont souvent confrontés eux aussi à la diminution de leurs forces.
Comment cela fonctionne-t-il alors? Les chercheurs ont accompagné des personnes âgées dans leur vie quotidienne et se sont entretenus longuement avec elles. Ils ont également interviewé des experts. Il en résulte la typologie suivante:
Les personnes âgées qui n'ont pas de famille pour s'occuper d'elles peuvent tout à fait mener une bonne vie, constatent les auteurs de l'étude. Il est faux de conclure à une vulnérabilité particulière. Mais si les moyens financiers ou un certain réseau social font défaut, la situation devient de plus en plus difficile à mesure que la précarité augmente.
Cela conduit à des «inégalités considérables», constatent les chercheurs. Carlo Knöpfel déclare à ce sujet:
Les travailleurs sociaux de Spitex pourraient par exemple mettre les seniors en réseau avec des offres existantes comme les Tables de midi ou les points de rencontre de quartier. Dans les villes en particulier, il existe une offre importante pour les personnes âgées – même pour celles dont les forces diminuent.
D'après Carlo Knöpfel, il faut des travailleurs sociaux de proximité qui rendent visite aux seniors vivant en marge. Les personnes âgées ne doivent pas craindre qu'un soutien leur fasse perdre leur sentiment d'autonomie. «C'est le contraire qui est vrai: une bonne assistance renforce l'autonomie», explique l'auteur de l'étude. Les personnes qui bénéficient d'un soutien en sont généralement satisfaites et acceptent beaucoup plus rapidement une aide supplémentaire en cas de besoin. Il ajoute:
Brigitte peut à nouveau gérer elle-même son quotidien. Malgré tout, elle a toujours besoin de ses amis, comme elle le dit:
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)