Jusqu'à présent en Suisse, seule la pénétration vaginale non consentie d'une femme par un homme était considérée comme un viol, et la victime devait démontrer une résistance. Depuis ce 1ᵉʳ juillet, la définition du viol s'étend: «Quiconque, contre la volonté d’une personne, commet sur elle ou lui fait commettre l’acte sexuel ou un acte analogue qui implique une pénétration du corps ou profite à cette fin d’un état de sidération d’une personne, est puni d’une peine privative de liberté.»
Un nouveau texte qui adopte l'approche «non c'est non»: si la victime a manifesté son refus d'entretenir des rapports sexuels, l'acte sera considéré comme un viol. L'état de sidération – déclenché par un danger et qui provoque notamment l'immobilisation – sera également pris en compte.
Pour mieux comprendre de quelle façon la loi sera dorénavant appliquée, coup de téléphone à Nicolas Aubert, procureur général suppléant au Ministère public de Neuchâtel.
Pouvez-vous tout d'abord expliquer comment se passe la prise en charge judiciaire d'une victime de viol?
Nicolas Aubert: La victime dépose plainte auprès de la police ou du Ministère public. L'auteur est ensuite interpellé et entendu en présence d'un avocat. Le procureur est dès lors informé du dépôt de plainte et c'est à lui de décider de la suite. Il peut par exemple choisir d'entendre à son tour le prévenu. Ensuite, sur la base des déclarations de la victime et du prévenu, on se demande quels actes complémentaires permettraient d'établir au mieux les faits, comme confronter les parties, réentendre la victime ou interroger des témoins.
En tant que procureur, avez-vous été formé avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi?
Oui. Pendant 6 mois, il y a eu de nombreux cours donnés aux magistrats et policiers par des professeurs d'université ou des procureurs spécialisés dans le domaine.
Quelles sont les peines encourues pour les auteurs de viol?
Cela dépend de la gravité du viol. S'il y a usage de la contrainte, la peine minimale est d'un an et peut aller jusqu'à dix ans. S'il y a agissement avec cruauté, la peine minimale est de trois ans.
Comment allez-vous prouver qu'il a eu un refus de la part de la victime?
Cela nécessitera des auditions précises et approfondies des victimes et des auteurs.
Ces faits devront être établis, tout en prenant garde à éviter une victimisation secondaire.
C'est-à-dire?
Il ne faut pas que la victime ne se sente pas crue, qu'elle ait l'impression que ses propos sont remis en cause par la police ou l'autorité judiciaire. Elle ne doit pas se sentir mal accueillie. Il faudra également limiter le nombre d'auditions pour obtenir rapidement les informations nécessaires afin qu'elle n'ait pas à raconter trop de fois son histoire. Aujourd'hui, les policiers sont très bien formés sur ce sujet. Il y a des protocoles déjà mis en place, qui ont récemment été rappelés en vue de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.
Est-ce que la solution du «seul un oui est un oui» – qui se base sur le consentement de toutes les personnes impliquées, et qui n'a pas été retenue – n'aurait pas été plus simple à appliquer?
Au niveau de l'apport de la preuve, la solution retenue est la moins compliquée.
Comment ça? Si je dis oui, c'est oui. Si je ne donne pas mon consentement, c'est non.
Sur le papier, en effet. Mais dans la réalité du terrain, il aurait été encore plus difficile d’apporter des preuves de l’existence d’un consentement, d'un accord verbal. Un refus, en revanche, peut s'exprimer par exemple en se retournant dans le lit, en repoussant la personne, etc. Un «non» paraît sous cet angle moins sujet à interprétation. Mais je vous le concède: dans un cas comme dans l’autre, c'est compliqué à comprendre et ça reste difficile à prouver.
Et dans les deux cas, ça reste parole contre parole.
La plupart du temps, oui.
Faudra-t-il poser plus de questions pour démontrer qu'il y a eu un refus?
Non, pas forcément. Il faudra les poser de manière plus attentive, ne pas louper des informations cruciales. Quels sont les moyens de preuve? Il faudra récolter un maximum d'informations pour que le tribunal puisse juger. Ensuite, cela dépendra de l'appréciation des juges, en sachant que le doute profite toujours à l'accusé.
Quel type de question sera posé?
Prenons l'exemple de l'état de sidération. On ne peut pas juste demander: «Est-ce que vous étiez dans cet état?» Cela ne suffit pas. C'est un état qui est vague. Il faut comprendre comment la victime se sentait au moment des faits et pourquoi elle n'a pas pu exprimer son absence de volonté. A nouveau: plus nous posons de questions, plus il y a un risque de double victimisation. Il s'agira d'un exercice d'équilibriste.
Il a également été dit que le stealthing, soit le fait de retirer le préservatif durant l'acte sexuel sans le consentement du partenaire, sera également répréhensible.
Certes, il s'agit là d'un acte fait contre la volonté de la personne, on profite du fait que le partenaire ne dit pas «non» à ce moment-là.
Le stealthing est à l'heure actuelle déjà répréhensible, mais pas comme viol. Nous devons attendre que les tribunaux se prononcent là-dessus pour savoir s'il tombera – ou non – sous le coup du nouveau droit pénal en matière sexuelle.
Est-ce que l'entrée en vigueur de la nouvelle loi est une avancée pour la Suisse?