A Lausanne, à Yverdon, à Renens, à Nyon, à Vevey, à Montreux. Dans le canton de Genève aussi. Le point commun: ces Municipalités et cet exécutif cantonal ont rejoint dimanche la longue liste des gouvernements (à différents niveaux) de gauche en Suisse romande
Cette journée du 28 mars constitue en effet un nouveau triomphe de la gauche unie, composée des socialistes, des Verts et – parfois – d’une gauche plus «radicale». Il y a bien quelques exceptions, comme le Valais et la ville de Morges, mais ça ne brise pas une tendance qui paraît claire.
Qu’est-ce que ces résultats racontent des sensibilités politiques dans nos villes et dans nos cantons? Vu la poussée des Verts, assistons-nous à un nouveau renforcement de la prise de conscience des problématiques environnementales? Les citadins sont-ils condamnés à vivre avec une politique de gauche? Nos réponses pour comprendre les résultats de ces élections.
Les questions climatiques et environnementales figurent parmi les grandes préoccupations des Suisses depuis plusieurs années. Elles sont particulièrement saillantes depuis 2018 et les premières grèves pour le climat en Europe. Un mouvement qui a touché la Suisse et créé une base électorale solide pour les Verts.
Les résultats des Verts dans nos contrées ressemblent à une traduction dans les urnes d’une lame de fond que l’on retrouve ailleurs en Europe. Comme en France où des écologistes ont gagné plusieurs mairies, dont Lyon, Bordeaux ou Annecy. Des experts y voient aussi «une bascule culturelle» qui sourit aux Verts, seul parti à s’y consacrer sérieusement.
«L’impact des élections 2019 a commencé à créer une tendance. C’est à la mode de voter vert ou vert’libéral; les jeunes électeurs en sont assez convaincus»», dit au Temps le politologue Nenad Stojanovic, se gardant toutefois d’analyser un mouvement encore jeune d’un point de vue historique.
Pour Michael Hermann, politologue à l’institut Sotomo, ce mécanisme à l’oeuvre est visible un peu plus tardivement en Suisse romande qu’ailleurs, «alors qu’il est observé depuis plusieurs années déjà dans les pays anglophones et germanophones. Là bas, les partis socialistes se sont ouverts plus rapidement aux questions climatiques.»
La gauche au sens large devient dominante dans bon nombre de villes romandes depuis les années 1990 pour deux raisons principales. La première, relevée par Roberto Di Capua, politologue à l’Université de Lausanne:
«C’est ici que l’on parle du phénomène de gentrification: exclure progressivement les couches populaires des centres-ville pour les pousser en périphérie», explique le politologue.
Là aussi, la Suisse romande rattrape un peu son retard:
Deuxième raison: la transformation du programme politique des socialistes et l'émergence de ce qui deviendra Les Verts. On passe du fameux «capital vs travail» à des propositions ciblant les nouvelles classes moyennes, plus éloignées de la «lutte des classes».
Bref: ce mélange de gentrification et de glissements des idées de la gauche ont créé un terreau optimal pour la réussite de cette «nouvelle gauche» et donc, plus récemment encore, cette gauche hautement écologiste.
Dans les centres, les partis de centre-gauche défendent aujourd'hui volontiers les projets liés aux «usagers» des services urbains. On peut penser aux espaces verts, aux pistes cyclables, aux crèches ou encore aux projets participatifs.
Cette nouvelle gauche écologiste est même prête à payer plus d'impôts pour jouir de ces aménagements urbains. Contrairement à certaines sensibilités de droite par exemple.
Plusieurs études le montrent: les centres urbains accueillent de plus en plus d'habitants avec un niveau d’étude universitaire élevé. Le profil-type: des individus travaillant dans le secteur tertiaire (public ou privé), des chercheurs universitaires, des professeurs au secondaire. «Ce sont des profils similaires à ceux qu’on trouve sur les listes électorales du centre-gauche», assure Roberto Di Capua.
Et comme c'est avant tout une couche sociale qui se mobilise davantage que la moyenne, nous assure le politologue, ça augmente son poids politique.
Analyser le succès de la gauche, c’est aussi se poser la question des échecs de la droite. A ce propos, Dominique Bourg n’y va pas par quatre chemins: «La "vieille" droite vit dans une sorte de déni. Elle a préféré choisir une politique de l’anti-écologie, de la défense de la croissance et du libre-échange».
Ce qui semble se confirmer, élection après élection, c'est que la montée des Verts (que certains voient comme les «nouveaux progressistes») ne peut se faire à terme qu’au détriment des socialistes. Si on en croit les experts. Et certains observateurs vont même plus loin:
A confirmer le 28 mars prochain avec le 2e tour des élections vaudoises. Et en novembre avec les cantonales fribourgeoises.