63 à 37. Une déculottée. Et à domicile, comme on l’entend sur les pelouses de foot. Ce week-end, en Caroline du Sud, Donald Trump a infligé une humiliation à son unique adversaire, Nikki Haley. L'ancienne gouverneure de «son» Etat savait pertinemment que cette étape représentait sa dernière chance de prouver qu'elle ne jette pas l'argent des donateurs par les fenêtres. La moisissure est en réalité bien plus incrustée qu'on l’imagine, puisqu’au sein même de son camp, on la supplie doucement d'arrêter les frais.
Pour couronner le tout, Gavin Newsom, le gouverneur démocrate de Californie, s'est permis une petite vacherie en arguant que l'ancienne ambassadrice américaine à l'ONU est «l'une de nos meilleures mères porteuses. Je veux dire, elle définit l’opposition à Trump de manière crédible et efficace». Le coup de grâce? Lundi matin, on apprenait que le puissant donateur conservateur Charles Koch avait décidé de couper les vivres à Nikki Haley. Au total, via l'Americans for Prosperity Action, l'industriel l'a arrosée de 31 millions de dollars.
La tête plus haute que ses résultats, la républicaine la plus tolérée des démocrates balaie sa mort électorale, qu'elle juge prématurée: «40%, ce n'est pas rien du tout. Et puis, je me fiche de mon avenir politique. Je suis là pour l'avenir de mon parti». L'éternelle outsider parie sur la mémoire des électeurs (pourtant connue pour flancher d'un jour à l'autre), lorsqu'il faudra un jour miser sur une athlète sérieuse et endurante. C’est ambitieux.
Quoiqu'il en soit, samedi, Donald Trump a tué la primaire républicaine. A moins d'une (improbable) catastrophe de dernière minute, le multiaccusé de 77 ans sera l'élu du GOP pour défier l'actuel président des Etats-Unis, en novembre.
Et il faut admettre que celui qui se prend pour le Navalny de Palm Beach ne l'a pas jouée au petit bonheur la chance. Durant de longues semaines, l'armée du milliardaire a tout fait pour minimiser et assourdir la campagne de sa rivale. «Elle reste populaire dans son Etat. Il fallait donc une démonstration de force. Nous avions besoin de soutiens pour empêcher les donateurs et les électeurs de penser à Nikki», confessait, dimanche à Reuters, un stratège de la campagne du magnat de l'immobilier. Sans oublier qu'il a, du même coup, glissé la totalité des cinquante délégués de Caroline du Sud dans son caddie. Qu’on le veuille ou non, c’est une immense gifle politique.
A ce stade, on serait tenté de penser que plus rien ni personne n'est en mesure de l'empêcher de déménager ses Coke Light dans le Bureau ovale, hormis une victoire de Joe Biden. Bien qu'aucun procès en cours n'a les reins assez solides pour l'éjecter officiellement de la course, de solides embûches judiciaires attendent encore Donald Trump.
Alors que la Cour suprême croule sous les dossiers le concernant, elle prend pourtant son temps pour statuer. Que ce soit au sujet de son inéligibilité pour insurrection ou de son recours concernant l'éventuelle immunité présidentielle, Trump torture l'agenda des tribunaux. On chuchote que les juges républicains n'ont pas digéré le fait que le procureur général Jack Smith ait attendu trente mois avant d'affronter l'ancien président, alors que «tout était déjà connu du public». Et puis on rappelle tout de même que, pour l'heure, rien ne l'empêche d'être élu en novembre depuis une cellule de prison.
Alors quoi? On range le suspens sous le lit et on passe à autre chose? Bien sûr que non. En vérité, tout peut encore arriver en huit mois. Mais outre les retournements de situation, un verdict surprise, les coups politiques en gestation ou encore un éventuel décès de l'un des deux favoris, Donald Trump pourrait bien voir se dégonfler l'arrogante mainmise qu'il a sur les sondages nationaux.
Une étude, réalisée ce week-end au sortir des urnes de Caroline du Sud, montre qu'un tiers des électeurs républicains rejetterait Trump s'il venait à être reconnu coupable avant le 5 novembre. Comprenez, en dehors d'une primaire qu'il survolera jusqu'au bout, Trump affrontera une défiance nationale, malgré tout difficile à estimer avant le moindre verdict. Bien sûr, le candidat MAGA ne va jamais rien lâcher, mais son avance tonitruante n'est peut-être qu'un écran de fumée précoce, avant qu'il se retrouve contraint de vivre un Koh Lanta moral et idéologique au sein de son propre parti.
Réponse, au plus tôt, au début de l'été.