Charles Louis Napoléon Bonaparte qui deviendra Napoléon III, est né le 20 avril 1808 à Paris, fils de Louis Bonaparte, frère de Napoléon Iᵉʳ et de la belle-fille de ce dernier, Hortense de Beauharnais. Après la défaite de Napoléon à Waterloo en 1815 et la fin de son règne, la famille Bonaparte est contrainte à l’exil. Hortense de Beauharnais s’établit en Thurgovie où elle achète le château d’Arenenberg deux ans plus tard.
Outre des séjours à Constance et à Augsbourg, Charles Louis-Napoléon, aussi dénommé Louis-Napoléon, passe une grande partie de son enfance à Arenenberg et parle le dialecte thurgovien aussi bien qu’un natif de la région. Âgé de 22 ans, il entame une formation militaire à l’Ecole militaire centrale fédérale de Thoune.
Après la bataille de Waterloo, le Congrès de Vienne décrète que la Suisse doit rester un pays neutre et indépendant. Il faut établir une zone tampon entre les grandes puissances que sont alors la France et l’Autriche afin de stabiliser une paix européenne encore fragile. En cas de nécessité, cette zone tampon doit aussi pouvoir faire l’objet d’une défense militaire. La Confédération se voit donc obligée de mettre sur pied sa propre armée. Il en résulte l’établissement en 1817 du Règlement militaire général pour la Confédération suisse. Si l’instruction des soldats reste l’affaire des cantons, la Confédération organise des camps d’entraînement intercantonaux.
Mais l’organisation d’une instruction militaire cantonale montre rapidement ses limites. Les lacunes sont particulièrement profondes en matière de formation des officiers. Pour y remédier, on crée l’Ecole militaire centrale fédérale de Thoune et les cadres de l’armée fédérale vont désormais se perfectionner dans l’Oberland bernois. Les premiers cours sont organisés sur l’Allmend en 1819 déjà, dirigés entre autres par Guillaume Henri Dufour, l’un des fondateurs de l’école.
Parce qu’il manifeste un grand intérêt pour la chose militaire et que les étrangers sont aussi admis à l’Ecole militaire centrale fédérale, Louis-Napoléon y dépose une première candidature en 1828, refusée par Dufour, instructeur chef de l’école jusqu’en 1831. Une année plus tard, le Français soumet une seconde candidature, cette fois acceptée. A mi-juillet 1830, Louis-Napoléon emménage avec d’autres officiers dans l’Hôtel Freienhof à Thoune où il entame sa formation militaire sur l’Allmend. Les cours lui plaisent tant qu’après quelques semaines, il demande à les suivre une année de plus.
L’école militaire de Thoune et son étudiant Louis-Napoléon suscitent l’enthousiasme en Suisse orientale. A tel point qu’en 1832, le canton de Thurgovie décerne au Français le titre de citoyen d’honneur, ce qui confère d’office la nationalité suisse à ce «Thurgovien» de fraîche date. Cela explique aussi pourquoi le futur empereur des Français sera promu en juillet 1834 au grade de capitaine de l’artillerie bernoise et pourquoi il participera aux camps d’entraînement de la Confédération.
Louis-Napoléon poursuit sa formation jusqu’en 1836, lorsqu’il organise un coup d’État contre le roi Louis-Philippe à Strasbourg. L’opération se solde par un échec et Louis-Napoléon est exilé en Amérique. Mais un an plus tard, le Franco-Suisse revient déjà en Thurgovie pour accompagner les derniers instants de sa mère Hortense de Beauharnais. Ce retour suscite des troubles politiques, et la France exige de la Suisse qu’elle extrade Louis-Napoléon. Or un tel ostracisme est impensable pour la Confédération. Seul le départ volontaire du «Thurgovien» empêchera une escalade militaire entre les deux pays.
En 1848, Louis-Napoléon est élu président de la France et quatre ans plus tard, comme son oncle Napoléon Ier presque 50 ans plus tôt, il se fait couronner empereur. Mais son règne s’achèvera à la suite d’une défaite décisive dans la guerre franco-allemande. En 1870, Napoléon III est fait prisonnier, puis envoyé en exil en Angleterre où il meurt trois ans plus tard.
Louis-Napoléon manifesta son inclination pour les armes et les affaires militaires dans un ouvrage publié en 1833 intitulé Manuel d’artillerie à l’usage des officiers d’artillerie de la République Helvétique. Il apporta ainsi une contribution importante à la modernisation de l’armée fédérale, qui s’inspira de cet ouvrage. On en veut pour preuve l’introduction dans l’artillerie de l’obusier de montagne français de huit livres.
Louis-Napoléon et Guillaume Henri Dufour partagèrent la même fascination pour l’armée, et le Genevois témoigna rapidement une amitié paternelle au jeune Français. Cette relation influencera les actes des deux hommes. Cofondateur de la Croix-Rouge suisse et de la Convention de Genève, Guillaume-Henri Dufour défendit des principes humanitaires qu’il estimait particulièrement importants dans le cadre de la guerre. Cette attitude semble avoir déteint sur Napoléon III. Contrairement à son oncle, le second empereur des Français se montra réticent vis-à-vis des conflits armés qu’il tenta d’éviter autant que possible.
Lorsque cela s’avéra impossible, il adopta la même attitude humanitaire que Dufour. En 1870, la bataille de Sedan en apporta une preuve irréfutable. L’armée française étant défaite, Napoléon III capitula pour épargner la vie de ses officiers et soldats. L’empereur fut capturé et envoyé en exil.
Cette relation de Napoléon III avec la Suisse est parfaitement résumée par une déclaration du souverain français dans une lettre à sa mère: «Chaque homme porte en lui un monde composé de tout ce qu’il a vu et aimé, et où il rentre sans cesse, alors même qu’il parcourt et semble habiter un monde étranger.»