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Billie Eilish: son nouvel album est un remède à Taylor Swift

Si watson était Télérama, on mettrait trois WWW à son nouvel album.
Si watson était Télérama, on mettrait trois WWW à son nouvel album. images: getty, montage: watson

Enfin un remède à Taylor Swift!

Vous ne connaissez pas Billie Eilish. Nous non plus. Elle non plus. On doit (re)faire connaissance à chaque album, dans un éternel jeu de piste émotionnel. La Bond ou Barbie Girl des enfers et la Bad Guy des hit-parades est de retour avec Hit Me Hard And Soft. Pendant que Taylor Swift fait le plein de son jet privé, Billie Eilish, gavée de doutes, nous offre un disque pop immense, anti-star, déchirant et lumineux. Nice to meet you (again).
17.05.2024, 11:5917.05.2024, 11:59
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Le 13 février 2020, Billie Eilish n'a que 19 ans quand elle balance la bande originale du 25e James Bond. Une corneille déplumée qui défie, du bout du bec, le vieux coq en smoking, c'était culotté. Ce sera surtout un magnifique cri dans un coussin. Une chute au ralenti. D'une tristesse vénéneuse, venue d'ailleurs. No Time To Die, mais toute la souplesse nécessaire pour incarner une espionne au cœur noir.

Des sanglots plein la gorge, du Rimmel sur les fossettes, de la poésie au bout du flingue et un Grammy dans les bras. Touché, coulé.

On serait capable de disserter des heures sur la maturité vocale de cette gosse. Un pouvoir tout en retenue qui tient de la pure sorcellerie. À tel point que les apôtres de l'ASMR en fermeraient leur compte Instagram rien que pour y tremper le bout des lèvres. Sauf qu'on l'avait déjà fait au moment d'Ocean Eyes, en 2016, et qu'on allait en tomber de notre chaise trois ans et un Bad Guy plus tard.

Cette voix. Non mais... cette voix.

Elle avait quatorze ans (ressenti 8000) quand son étrange talent a fugué de sa chambre d'ado de Los Angeles. C'est tôt pour devenir la voix de sa propre génération. Même Katy Perry s'était méprise sur son compte, la réduisant à une «énième fausse blondasse» à «ballade ennuyeuse».

Malotrue, va.

Il faut dire aussi que Billie Eilish Pirate Baird O'Connell n'a jamais été du genre à baliser le terrain. Incapable de mâcher le travail pour qui envisagerait de la cerner. Dans le clip d'Ocean Eyes sortie en 2016, on croyait se farcir de la brume violette digne d'un teen movie infesté de vampires, des sourcils parfaits pour Halloween et un tricotage de phalanges gotico-new-age que n'auraient pas renié la chanteuse d'Evanescence ou une vieille cartomancienne.

Alors qu'on découvrait simplement la chanteuse la plus exigeante de sa volée.

Soyons francs, avec Billie Eilish, on s'est tous plantés à un moment donné. Trimballés dans un labyrinthe émotionnel qu'elle est contrainte de bidouiller au gré de ses humeurs. Et des humeurs, elle en a autant que des octaves, des dégaines et des dollars. Mèches vertes et hoodie montgolfière pour son premier disque, blonde et inaccessible housewife pour survivre au deuxième. De cette pop synthétique et tendrement avariée en 2019, elle a fait dans le romantisme sournois en 2021. De quoi en étourdir plus d'un.

De ceux qui se réjouissaient d'avance de se salir les tympans avec un ersatz de Bury a friend.

Qu'on se comprenne bien: de l'enfance à l’âge adulte, on a tout à fait le droit de passer du gothique à Adele, de Mélenchon à Macron ou du rire aux larmes, sans avoir à filer chez le psy. Malgré une famille fonctionnelle et une dentition hollywoodienne. Mais Billie Eilish, une écorchée comme l'industrie n'en veut plus, en a fait une obsession. Pour défier cette dépression qui lui mord le mollet depuis qu'elle ne fait plus pipi au lit.

Un véritable système créatif conçu comme un médicament artisanal, avec son grand frère qu’elle ne quitte plus. Mot d’ordre: la facilité est l'ennemi à abattre.

Billie Eilish et Finneas O’Connell, c'est un binôme au service d'une voix. Ou plutôt des voix. Ses mille voix. Alors qu'elle serait capable de péter les fenêtres de Mariah Carey d'une simple beuglée de cantatrice, la jeune Californienne dépiaute son organe pour n'en tirer qu'un liquide concentré qui brûle la langue. Chuchotements assourdissants, bruits de succion, respirations saccadées, silences pleins à craquer. Et ces notes inaccessibles qu'elle chasse au harpon, pour mieux réveiller nos propres angoisses.

Au milieu de tout ça, Billie Eilish a vendu des millions d'albums, trié les récompenses, écrit pour Barbie et James Bond, géré un corps autopsié comme à la morgue, assumé un coming-out, largué quelques confessions de son âge (masturbation, écologie) et croqué une célébrité qu’elle n'arrête pas d'avaler de travers. C’est beaucoup en vingt-deux petites années d’une existence catapultée au sommet par accident.

Un peu à la manière de Radiohead ou Quentin Dupieux, elle déguerpit là où on pense la retrouver et déboule par-derrière en criant «bouh!». Rebelote ce vendredi, avec son troisième album, Hit Me Hard And Soft. Toujours en équilibre entre la vraie diva et la fausse star. Rien de grave et surtout tant mieux pour la musique. Fuir le mystère, les aspérités et l'effet de surprise est une autoroute déjà congestionnée par les poupées pop en pilote automatique.

Alors que Taylor Swift gère sa carrière comme un hangar Amazon, trop sûre d'elle pour risquer de nous émouvoir, Billie Eilish patauge dans une incertitude encore plus fertile qu'il y a trois ans. Comme Kurt Cobain, et pas comme le professeur Raoult, la Californienne essaie de comprendre le monde en posant des questions. Et ne craint jamais de ne pas savoir.

«Est-ce que je me comporte enfin comme quelqu’un de mon âge? Est-ce que je suis déjà sur la pente descendante?»
Skinny, le premier morceau de ce premier album

Privé de single qui tape trop vite à l'oreille, Hit Me Hard And Soft ouvre les fenêtres, mais enfile une petite laine. Avance d'un pas volontaire, mais recule quand ça fait peur. S'offre de petits plaisirs avant de chialer un bon coup. C'est marrant, Miley Cyrus avait fait pareil avec Endless Summer Vacation. «Je vais mieux, mais ce n'est pas encore ça», pourrait nous dire Billie, le menton levé et les yeux rouges, si on était à l'heure de l'apéro.

Or, on est dans l'album le plus abouti d'une adulte qui n'a pas fini de batailler avec les contradictions que l'on a tous. D'une boule de sensibilités incapable de faire semblant de tout contrôler.

On n'égratignait pas Taylor Swift gratuitement. En 2024, elles sont deux bulldozers des hit-parades qui ne se ressembleront jamais. Sans oublier Beyoncé, contrainte de grimper sur un cheval à paillettes pour rester dans la course.

Billie fait aussi de la pop. Billie a aussi des fans ingérables. Billie vit aussi des chagrins d'amour. Mais au lieu de planter bêtement des fléchettes sur les portraits de ses ex et de servir des Big Mac mélodiques qui ne tiennent pas au ventre, la Californienne cuisine en famille et nous invite aux fourneaux. Le plan de travail est joyeusement dégueulasse, aucune recette à l'horizon et hors de question de piocher dans le plat avant que tout le monde soit à table.

«Je voulais qu'on puisse écouter ce disque en entier. Mon album, c'est comme une famille: le petit dernier ne serait pas content d'être mis de côté»
Billie Eilish

A l'heure du formatage industriel, des apéricubes TikTok et de la bienveillance tyrannique, Billie Eilish s'avance libre, crâneuse, torturée, complexe, mais accessible. Dans cet océan d'angoisses qui ne la quitteront jamais, elle se permet de créer à rebours, de se contredire sans gêne, de chanter plus fort qu'avant et de tout mélanger. Jazz de cabaret (L'Amour de ma vie), ballades instables (Skinny), hommages appuyés à des héros fragiles (Chihiro) et cette ode crue au cunnilingus dans le suave, dansant et bien nommé Lunch.

Quarante-trois minutes de maestria qui en font le disque de l'année. N'en déplaise à celle qui donnerait sans doute n'importe quoi pour chanter sans quitter sa chambre.

Wir lieben dich, Billie Eilish.

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source: sadanduseless
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