Pour une nouvelle, c’est une nouvelle. Car ce n’est pas tous les jours que le cinéma étranger se passionne pour la ville de Lausanne. Il faut dire que le personnage concerné est à la hauteur de ce petit scoop du magazine Le Film Français.
La star Raphaël Quenard, muse du réalisateur Quentin Dupieux et vue absolument partout, mais surtout dans Yannick, L’Amour ouf et Chien de la casse, va interpréter celui que l’on surnommait «l’homme-bus». A Lausanne, dans les années 1980, Martial Richoz (de son vrai nom) était une étrange et touchante célébrité locale qui imitait les trolleybus, à pied, accompagné d’un chariot aménagé. Un doux original, comme toutes les villes en connaissent.
C’est la jeune réalisatrice française Fanny Molins qui, pour son premier film de fiction, a choisi l’acteur césarisé pour tenir le premier rôle. «Un rôle taillé pour Raphaël Quenard», nous dit même le site Trois Couleurs. Et on est d’accord avec eux, car il faudra beaucoup de sensibilité et de doigté pour réussir à rendre hommage à ce drôle de Lausannois, décédé l’année dernière.
Au début des années 1980, Martial Richoz est un jeune homme sous tutelle et au bénéfice de l’assurance-invalidité. Passionné par les trolleybus depuis sa plus tendre enfance, il va très vite aménager une sorte de charrette qui ressemble (presque) comme deux gouttes d’eau à un bus qui trimballe les Lausannois quotidiennement.
Mais il ne s’arrêtait pas au véhicule, car il déambulait dans la capitale vaudoise selon un horaire et un itinéraire défini, imitant au passage l’ouverture des portes et le clignotant avec sa bouche.
Une histoire touchante, mais dramatique. Car «l’homme-bus» souffrait en réalité terriblement. Dans un documentaire qui lui avait été consacré par Michel Etter, il s’était livré avec une franchise désarmante.
Sa célébrité grandissante ira même s’imprimer dans le prestigieux journal Le Monde, avant de se voir interner de force à l’hôpital psychiatrique de Céry. Nous sommes alors le 10 janvier 1986 et «l’homme-bus» est âgé de 23 ans. Cette affaire va scandaliser la région et donner lieu à des débats bouillants sur la «loi sur la privation de liberté à des fins d’assistance» et des manifestations pour le faire libérer.
Ce que l’hôpital fera un peu moins d’un mois plus tard, mais à une condition: qu’il range son trolleybus au garage et ne déambule plus jamais dans les rues de Lausanne.
Un crève-cœur pour Martial Richoz, qui va néanmoins pouvoir toucher son rêve de près: la compagnie des transports publics lausannois (TL) va l’engager pour ranger les bus dans le dépôt.
Décédé l’année dernière à l’âge de 62 ans, «l’homme-bus» peut être fier de ce qu’il a légué aux Lausannois, mais aussi à la littérature et, désormais, à la fiction. Ceux qui connaissent bien Martial Richoz et Raphaël Quenard doivent sans aucun doute être impatients de voir le résultat.