Les comédies de l'été ne s'annonçaient pas folichonnes. Fort heureusement, une sortie vient à notre rescousse: un policier aussi maladroit qu’attachant, qui nous fait travailler nos zygomatiques à la limite de la crampe. Après une campagne promotionnelle de taille, Y a-t-il un flic pour sauver le monde? s’impose comme l’un des événements les plus attendus de la saison. Le magazine Indiewire va jusqu’à affirmer que cette comédie burlesque, suite de la saga culte des années 80, est le film de l’été. Rien que ça.
L’enthousiasme est d'autant plus grand que la trilogie originale a marqué toute une génération. Leslie Nielsen, dans le rôle du lieutenant Frank Drebin de la police de Los Angeles, y déployait un feu d’artifice d’humour avec ses situations burlesques, ses jeux de mots tordus, ses blagues potaches et ses malentendus gênants à souhait. Le réalisateur David Zucker avait une règle simple: un gag par minute.
La série parodiait à merveille les polars musclés des années 70, comme Dirty Harry, tout en détournant les codes du film noir et des mâles alpha tout-puissants. A l’époque, l’Amérique triomphante post-Guerre froide riait sans retenue, même lorsqu’un Drebin un peu trop zélé abattait des marginaux qu’il prenait pour des gangsters. Autre ingrédient phare: des apparitions de célébrités, dont O. J. Simpson, qui fut accusé de meurtre peu après le troisième film.
Aujourd’hui, la réalité semble parfois aussi aberrante que la comédie. Donald Trump n'est pas sans rappeler Frank Drebin dans une enquête: à tâtons, inébranlable et aveuglé par sa propre logique. Comment parodier le monde alors qu'il est déjà si absurde? La série South Park colle notamment à cette réalité avec un Trump doté d’un micropénis et en galante compagnie avec le diable. Les scénaristes du nouveau Y a-t-il un flic... préfèrent quant à eux éviter les provocations frontales.
Le casting du film est résolument old school. Réfractaire au numérique, Liam Neeson cite comme références Buffy contre les vampires ou Sex and the City.
L’acteur nord-irlandais tourne en dérision ses rôles récents de justicier sombre et glaçant. L’enquête policière qu’il mène n’est qu’un prétexte à une avalanche de gags. Le méchant? Un entrepreneur tech hautain (joué par Danny Huston) qui évoque autant Jeff Bezos qu'Elon Musk. La femme fatale? Une Pamela Anderson éblouissante, qui décroche quelques rires dès sa première scène lorsqu'elle repart du commissariat avec une chaise sous le bras.
Connu pour être l'une des têtes du groupe humoristique The Lonely Island, le réalisateur Akiva Schaffer s’en sort plutôt bien avec cette nouvelle mouture. En 85 minutes bien serrées, le taux de blagues reste élevé, bien que le rythme se calme par moments. Certaines scènes, comme la libération d'otages lors de l'introduction ou une fausse scène de sexe (en partie spoilée par la bande-annonce), déclenchent de francs éclats de rire. D’autres clins d’œil, plus subtils, prêtent également à sourire. À la sortie, on oublie la moitié des blagues, mais on garde néanmoins le sentiment d’avoir bien rigolé. Et c’est bien là tout ce qui compte.
Ce nouveau Y a-t-il un flic... est ce que l'on appelle un «legacyquel», entre suite spirituelle et reboot. Les fans reconnaîtront évidemment les clins d’œil à l’original: le castor empaillé, l’apparition de Weird Al Yankovic, les carambolages récurrents…
Le film assume même le fait d’être une suite tardive: dans un hall du commissariat, les policiers rendent hommage à leurs pères. Le seul à refuser, sous forme de clin d’œil, est le fils de Nordberg, le personnage incarné à l’époque par O. J. Simpson, décédé en avril 2024.
Dans un spot promotionnel, Liam Neeson se plaint de la disparition de la comédie et appelle à aller voir Y a-t-il un flic pour sauver le monde ?. Le genre comique ayant été quelque peu délaissé à Hollywood, notamment boudé par les Oscars, le rire collectif pourrait pourtant être un remède à la fracture de la société: rire ensemble, au lieu de rire des autres. En ce sens, ce film pourrait bien nous rassembler, grâce à son humour absurde et désarmant.
Peut-être même que l’alchimie opère au-delà de l’écran, car à en croire les rumeurs, Pamela Anderson et Liam Neeson formeraient officiellement un couple. Un happy ending comme on les aime.
«Y a-t-il un flic pour sauver le monde?» est actuellement dans les salles de cinéma.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder