Deux lycéennes impopulaires et lesbiennes lancent un groupe de self-défense pour femmes, sans aucune expérience, dans le but de conquérir le cœur de leur crush, et peut-être perdre leur virginité avec des pom-pom girls populaires, bien que 100% hétéros…
Au début des années 2000, ce pitch n’aurait probablement eu droit à aucune diversité, des gags au-dessous de la ceinture, réduit les rôles féminins à des trophées et fait l'éloge de la masculinité toxique. C'est d'ailleurs ce qui rend Bottoms si savoureux: sa reprise des codes du teen movie, en mode inclusif, féministe et queer, qui s'éloigne d’un énième film de lycéens sans une once d’originalité.
Deuxième long-métrage de la réalisatrice Emma Seligman, ce Fight Club au féminin pourrait bien devenir le Mean Girls de cette génération, tant il bénéficie d'un succès imprévu qui a explosé grâce au bouche-à-oreille.
Sorti aux Etats-Unis en août dernier, en pleine période où régnaient encore les blockbusters Barbie et Oppenhimer sur le box-office, le film a bénéficié d'une sortie très limitée aux Etats-Unis, et n'a été distribué que dans une dizaine de salles.
Dès lors, le film bénéficia d'un succès immédiat qui l'amena à être programmé dès sa deuxième semaine d'exploitation dans plus de 700 salles, avec des recettes égalant celle du maintes fois oscarisé Everything Everywhere All At Once, lui aussi sorti en catimini en 2022.
Plusieurs mois après sa sortie aux États-Unis, Bottoms est arrivé dans nos contrées, disponible depuis le mercredi 22 novembre sur la plateforme Prime Video d'Amazon.
Alors qu'on pensait avoir tout vu en termes de comédies adolescentes, Bottoms arrive tout de même à nous surprendre par ses punchlines, son second degré et sa vision sombre de l’adolescence. Point d'étudiants trop matures pour leur âge; les adolescents de Bottoms sont des ordures, parfois touchantes, mais souvent victimes des explosions hormonales liées à l'âge bête, qui les pousse à être obsédés par le sexe ou à céder à la violence physique.
Si le film n'hésite pas à surjouer le côté timbré de ses personnages, il ne tombe jamais dans le potache et préfère user d'un humour de situation pour faire rire.
À l'instar de la multitude de teen movies existants, Bottoms dresse le portrait de ces ados impopulaire, non pas parce qu'elles sont lesbiennes, mais simplement parce qu'elles sont banales. Un duo incarné par Rachel Sennott (The Idole) et Ayo Edebiri (The Bear) qui n'est pas sans rappeler Jonah Hill et Michael Cera de l'excellent SuperGrave (2007), dont Bottoms est le digne héritier.
Ces deux jeunes filles en fleur vouent évidemment une haine viscérale pour les hommes qui composent l’équipe de football, et une admiration sans faille pour les pom pom girls qui sont l'objet de tous leurs fantasmes. Leur «fight club» va ainsi se transformer en phénomène, lorsque de plus en plus de filles viennent apprendre à se défendre, victimes du patriarcat et de la masculinité toxique, et désireuses de s'en émanciper.
À la fois devant et derrière la caméra, les femmes sont omniprésentes et ça se ressent. Contrairement aux stéréotypes, chaque personnage féminin a son identité propre qui dépeint une certaine complexité, tout en respectant évidemment les codes du teen movie. Un traitement de l'adolescence qui n'est pas sans rappeler la série Sex Education.
Le film a l'intelligence de ne pas jouer sur le sexisme et l'homophobie pour faire rire. Bottoms est un film queer qui s'assume, qui préfère s'attarder à critiquer la masculinité toxique de l'équipe de foot, plutôt que de s'attarder sur des blagues éculées sur les clichés lesbiens.
Cependant, il est tout à fait possible que le ton absurde de ce film déjanté aux allures de cartoon puisse laisser indifférent. Cependant, pour peu que l'on se laisse emporter, celui-ci fait preuve d'une fraîcheur et d’une énergie débordante. En plus de jouer sur de nombreuses références, le film est également une réussite sur le plan sonore, faisait la part belle à une bande-son variée où Bonny Tyler rencontre Avril Lavigne, lui apportant une touche d'œuvre intemporelle. Si vous pensiez que Barbie était la seule satire féministe à taper sur le patriarcat, réjouissez-vous, car Bottoms fait tout aussi bien.
Bottoms est disponible sur Prime Video depuis le 21 novembre 2023.