Thomas VDB souffre de Tsundoku: «C’est une drogue!»
Sans les Japonais, les plus belles émotions d’une vie se retrouveraient coincées dans des expressions tristes comme une pluie occidentale de novembre. Dans la série des mots qui disent tout, le terme «Tsundoku», douce contraction de «Tsunde-Oku» (accumuler des objets en vue de les utiliser ultérieurement) et de «Doku-sho» qui veut dire «livre», vient poétiquement remplacer ce que l’on surnomme chez nous «le syndrome de la pile à lire».
En gros, s’il vous vient souvent l’irrésistible besoin d’acquérir un énième et indispensable bouquin que vous êtes à peu près certain qu’il finira sur l’étagère du salon sans que vous n’y jetiez un oeil, vous souffrez de «Tsundoku».
A chaud, on pourrait croire que c’est une activité à mi-chemin entre la feignasserie et la prétention intellectuelle. Enfin... au moins autant que le célèbre travers de bobos drogués aux vernissages parisiens, qui consiste à «parler des livres que l'on n'a pas lus», tiré d’ailleurs d’un fantastique ouvrage de Pierre Bayard (que l’on n’a pas lu).
Oui, on s’égare un poil. Si l’on vous parle aujourd’hui de «Tsundoku», c’est à cause d’un humoriste bien connu des tuyaux médiatiques francophones: Thomas DBD. Celui qui est également comédien, journaliste, rockeur et écrivain a tenu à lâcher une confession intime sur le plateau d’Augustin Trapenard, cette semaine, dans «La Grande Librairie».
Alors, bien sûr, on est loin d’un diagnostic brutal de cancer. Ce n’est qu’un syndrome, une obsession, voire un simple toc. Mais ce réflexe d’accumuler des millions de pages qui finissent par dormir éternellement dans une bibliothèque peut rapidement se transformer en un océan d’inachevé. Sans oublier qu’avec déjà une petite centaine de bouquins entassés, la logistique dans un séjour, un bureau ou une chambre se complique méchamment.
En essayant d’analyser son propre «Tsundoku», Thomas VDB, qui venait promouvoir son nouveau bouquin Fiascorama, mettra le doigt sur le nerf de la guerre: «C’est comme si on avait besoin de se sentir sécurisé, entouré de livres». Histoire de renchérir, Camille Bordas à ses côtés, explique «qu’on prévoit le futur, on prévoit l’apocalypse», donc pourquoi pas des pages. Enfin, pour enfoncer le clou, l’écrivain Alain Mabancku ira jusqu’à dire qu’il voit cela «comme une thésaurisation dans une banque».
Un syndrome vieux comme le monde (le terme japonais est né au 19e siècle) que la plupart d’entre nous ont vécu au moins une fois à un moment de sa vie. Nul besoin de posséder 2000 livres pour pouvoir ne pas les lire, deux suffisent.
Et il faut sans doute le voir comme un tic positif, comme un dénommé Fabrice, qui expliquait à France Inter il y a 3 ans que tous ces bouquins immaculés, même si c’est «une sorte de drogue», «ont un côté doudou: «Je préfère les avoir sous la main et être sûr de pouvoir les lire dès que j’en ai envie, plutôt que de ne plus jamais arriver à les trouver en magasin».
Si un véritable mur de livres fait toujours son petit effet dans une baraque, histoire d’insuffler à ses convives l’idée crâneuse que l’on est un humain cultivé, ça peut parfois aussi donner le vertige à son propriétaire.
Ce n’est par exemple pas le cas de Gaëtan Namouric, fondateur et président de l’agence Perrier Jablonskin, qui refuse d’être «intimidé par tout ce savoir en attente»: «Je suis en paix avec mon ignorance, et ma curiosité est toujours récompensée par une trouvaille gratifiante».
Enfin, si vous souffrez vous-même de Tsundoku, dites-vous qu’il vaut toujours mieux accumuler des livres que des dettes.
