Si vous mettez Jason Bourne, Mission Impossible et James Bond dans un shaker (et pas à la cuillère), servis dans un verre en cristal des mains des Frères Russo (Avengers: Infinity War et Endgame), c'est un cocktail du nom de Citadel qui vous sera servi. Mais un bon dressage, fait-il un bon cocktail?
Difficile de faire la fine bouche, Daniel Craig ayant raccroché les gants en attendant que la MGM et ses producteurs historiques trouvent le nouveau visage de Bond, dont la licence est désormais propriété d’Amazon. Pendant ce temps, Tom Cruise est toujours en train de fignoler la première partie de son Mission Impossible: Dead Reckoning après avoir fait plus de 600 sauts en parachutes. Citadel arrive donc à point nommé pour combler un vide, en streaming cette fois, concurrençant ainsi Netflix et son The Night Agent en terme de série d'actions sur fond de complot.
Les deux premiers épisodes sont disponibles depuis le 28 avril, à raison d'un épisode chaque vendredi avec l’ambition de s’imposer comme un blockbuster du petit écran. Pour ce faire, Amazon a démarché les frères Russo, passé récemment par Netflix avec The Grey Man, avec la coquette somme de 300 millions de dollars, soit la deuxième production la plus onéreuse de la plateforme après Le Seigneur des Anneaux: Les Anneaux de Pouvoir. Pourquoi un tel magot? Le géant du streaming souhaite développer un univers qui s'étend sur plusieurs séries et saisons.
En effet, Citadel veut tenter de proposer une narration à l'échelle mondiale, avec des spin-offs se déroulant respectivement en Inde et en Italie. Néanmoins, si la série a pour ambition de créer un univers étendu et mondialisé, elle souffre d'un sentiment de déjà-vu où tout semble prévisible et convenu.
Citadel n’a pas l’envie de réinventer le genre. C’est donc toute une liste de poncifs du genre à cocher dès le premier épisode. L'organisation Citadel est une organisation mondiale et indépendante qui œuvre dans l’ombre pour protéger le commun des mortels. Or, celle-ci a pour ennemie l'organisation Manticore, un conglomérat de familles milliardaires à l'origine d'un accident de train qui frappera deux agents de Citadel, Mason Kane (Richard Madden) et Nadia Sinh (Priyanka Chopra Jonas). Les deux malheureux sortiront vivants mais amnésiques.
Huit années plus tard, alors qu’ils ne savent plus rien de leur passé et ont refait leur vie, ils sont approchés par le dernier agent de Citadel en vie afin d'empêcher Manticore d’établir un nouvel ordre mondial. Débute alors une course contre la montre pour les deux espions, traqués par leurs ennemis. Durant six épisodes, ils devront déjouer un complot et résoudre le mystère qui englobe l'origine de leur amnésie.
Au menu: bastons, poursuites et fusillades, des missions d'infiltration, des bras-droits très méchants, des punchlines et une très forte tension sexuelle entre nos deux agents. Et si Citadel collectionne les clichés, les dollars d'Amazon se voient à l'écran. La production soigne sa mise en scène et certaines séquences sont impressionnantes. La série se démarque par sa propension à proposer un divertissement qui ne connait pas les temps morts. À la manière d'un sac Vuitton acheté sur un marché, les frères Russo sont généreux dans leur imitation de ce James Bond en couple, sans pour autant atteindre l'exécution parfaite et millimétrée de son ainé.
Si le show pêche par son écriture, un point fait la différence: son casting. Priyanka Chopra Jonas (Matrix Resurrections) est parfaitement crédible en femme fatale qui n'a pas peur de se prendre des coups. Quant à Richard Madden (Game of Thrones), il prouve qu'il aurait pu être un parfait candidat pour devenir un agent secret au service de sa Majesté. En guise de mentor, Stanley Tucci (Le diable s'habille en Prada) s'amuse à jouer la figure hiérarchique de nos deux agents.
Cependant, malgré son budget conséquent et sa forme luxueuse, Citadel est un produit formaté, poussif, loin d'être un chef-d'œuvre tant elle se contente sans surprise de délivrer sa partition, au contraire d'une série comme Killing Eve qui avait su réinventer le genre avec beaucoup d'originalité.
Il ne reste qu’à espérer que les derniers épisodes puissent apporter son lot de rebondissements et sauront rendre ses personnages attachants. Amazon a du pain sur la planche, dans la mesure où le déploiement d'un univers étendu dans plusieurs parties du globe est un choix risqué, les abonnés sont impatients et pourraient quitter le navire s'ils n'accrochent pas.
Pour une première pierre à l'édifice, Citadel coche toutes les cases du divertissement d'espionnage musclé, mais son manque de profondeur et ses grosses ficelles risquent de lasser les spectateurs les plus exigeants. Heureusement pour eux, Netflix a sorti The Diplomate.
Les deux premiers épisodes de «Citadel» sont actuellement disponibles sur Prime Video.