C'est le plus grand vol fiscal de l'histoire de la République fédérale d'Allemagne. Avec des méthodes financières douteuses, des banquiers et de gros investisseurs ont escroqué l'Etat, et donc le contribuable, d'une somme qui se monte à plusieurs milliards. L'un des magouilleurs criminels serait Christian Olearius. Un banquier privé de Hambourg, propriétaire de la banque Warburg. Il est jugé depuis ce lundi à Bonn. On lui reproche 14 cas d'évasion fiscale particulièrement graves. 28 jours d'audience sont agendés.
La procédure lancée contre Christian Olearius s'avère explosive. Son nom est étroitement lié à celui d'Olaf Scholz dans cette affaire. On reproche au chancelier, alors premier maire de Hambourg (chef du gouvernement de la ville), d'être intervenu dans la procédure fiscale contre la banque Warburg. Jusqu'à présent, Olaf Scholz s'est toujours défendu en invoquant des trous de mémoire.
Mais de nouvelles découvertes font naître de plus en plus de doutes quant à l'absence de souvenirs. Une nouvelle plainte pénale a même été déposée contre lui. S'il devait être appelé à témoigner devant le tribunal, la situation pourrait devenir très tendue pour le chancelier.
Jusqu'à présent, l'indignation suscitée par le scandale fiscal est restée limitée par rapport à l'ampleur de la fraude. Cela s'explique peut-être aussi par le fait que les pratiques financières qui en sont responsables ne sont pas si simples à expliquer. Pour résumer: des banques et des spéculateurs se sont fait rembourser entre 2001 et 2016, via des procédures complexes, des impôts qu'ils n'avaient jamais payés. Le préjudice s'élèverait à plus de 30 milliards d'euros (un peu près autant en francs).
Dans le cas de Christian Olearius, il s'agit de 170 millions d'euros qu'il aurait escroqués au contribuable avec sa banque. Ses chances de s'en sortir indemne sont minces. Selon le magazine Manager, les douze personnes accusées jusqu'à présent d'opérations Cum-Ex ont toutes été condamnées.
Le premier maire de la ville de Hambourg de l'époque jouera également un rôle dans le procès intenté contre lui. Il y a plus de sept ans, lorsque la fraude au sein de l'administration fiscale de Hambourg a été découverte, Christian Olearius se serait adressé à Scholz. Le banquier, très respecté dans la ville hanséatique, voulait apparemment empêcher le fisc de réclamer le remboursement des dettes fiscales et aurait donc fait appel à ses contacts dans la sphère d'influence hambourgeoise. Avec succès dans un premier temps. L'administration fiscale a rappelé à l'ordre le fisc.
Christian Olearius a rencontré Olaf Scholz à trois reprises. Aux yeux de celui qui est désormais chancelier, son interlocuteur aurait dû envoyer une note de protestation au sénateur des Finances. C'est ce qu'a noté le banquier dans son journal. Une pièce qui jouera un rôle déterminant dans le procès.
Si le juge président du tribunal de grande instance de Bonn souhaite en savoir plus sur les intentions de Christian Olearius, il pourrait convoquer le chancelier en tant que témoin pour l'interroger. Un chancelier en exercice qui témoigne dans un procès pénal: la scène promet de faire sensation.
Pour Olaf Scholz, ce serait la première fois qu'il devrait témoigner devant un tribunal dans le cadre du complexe Cum-Ex. Jusqu'à présent, il a été interrogé dans cette affaire devant une commission d'enquête parlementaire de Hambourg et devant la commission des finances du Bundestag.
Après ces deux déclarations, il y a eu de sérieux doutes sur le fait qu'Olaf Scholz ait toujours dit la vérité. Un faux témoignage devant un tribunal est certes punissable de la même manière qu'un témoignage devant une commission d'enquête parlementaire. Mais l'obstacle moral serait encore une fois nettement plus élevé.
Lors de son premier interrogatoire, le 4 mars 2020, Olaf Scholz avait déclaré à la commission des finances qu'il ne se souvenait d'aucune rencontre avec Christian Olearius. Ce n'est qu'après la publication par plusieurs médias d'entrées du journal du banquier que le chancelier a admis, à contrecœur, une, puis trois rencontres. Mais il ne se souviendrait pas du contenu exact de ces entretiens. La procédure fiscale a été abordée, a déclaré Olaf Scholz, mais lui et Christian Olearius ont également parlé d'autres choses.
C'est pourquoi le célèbre avocat de la défense Gerhard Strate a déjà déposé à plusieurs reprises une plainte pénale contre Olaf Scholz, car il est convaincu que ce dernier a menti devant la commission d'enquête parlementaire. Une plainte qui n'a par ailleurs pas abouti. Selon Gerhard Strate, le parquet de Hambourg ne se distingue pas par un grand zèle dans l'enquête et ne voit pas de soupçon initial de faux témoignage.
De récentes révélations laissent penser qu'Olaf Scholz pourrait s'être éparpillé dans sa présentation des événements. C'est pourquoi l'ancien député de gauche au Bundestag, Fabio de Masi, a déjà déposé une nouvelle plainte pénale.
En effet, après de longues hésitations, Olaf Scholz avait fait savoir par son porte-parole, Steffen Hebestreit, en 2020, qu'il pouvait confirmer un entretien avec le banquier en novembre 2017, car celui-ci «ressortait du calendrier du premier maire, dont disposait la chancellerie du Sénat» à Hambourg. Il ne s'est donc pas appuyé sur ses propres souvenirs, mais sur une entrée du calendrier.
Pourtant, cette entrée du calendrier n'aurait jamais existé. Il semble y avoir deux preuves à l'appui.
Comment Olaf Scholz peut-il donc se référer à une entrée du calendrier qui n'existe pas? Et pourquoi l'actuel porte-parole du gouvernement, Steffen Hebestreit, a-t-il renvoyé la balle au sénat de Hambourg alors qu'il devait savoir qu'il n'y avait plus d'inscription?
Une raison suffisante pour Fabio De Masi de dénoncer Scholz pour avoir fait une fausse déclaration. «Scholz est un chancelier Pinocchio dont le prétendu trou de mémoire n'est pas plausible», explique l'ancien député européen à t-online. «Il a fait confirmer en février 2020 une date qui ne figurait plus dans son calendrier et a donc dû par conséquent s'en souvenir.»
Le Bundespresseamt (le service de comm' du gouvernement) répond de manière relativement évasive aux questions de nos confrères de t-online sur cet épineux sujet. Il renvoie à une conférence de presse fédérale au cours de laquelle Steffen Hebestreit s'est exprimé sur le sujet, mercredi de la semaine dernière. Mais sans répondre aux questions des journalistes. La situation fait affirmer à Fabio De Masi:
Fabio De Masi n'a pas l'espoir que le parquet de Hambourg enquête enfin sur Olaf Scholz. L'autorité est «liée à des instructions politiques et a toujours freiné des quatre fers dans les affaires Cum-Ex».
L'élu de gauche espère donc que le procès de Christian Olearius aura lieu. Car si Olaf Scholz était appelé à témoigner, il se retrouverait face à un juge. Pas devant d'autres députés dans les commissions des finances ou face à la commission d'enquête parlementaire: