Les marchés financiers sont une nouvelle fois nerveux. Mais cette fois-ci, la raison n'est pas qu'une poignée de républicains MAGA à moitié fous veulent précipiter les Etats-Unis dans la faillite. Ce danger est heureusement écarté. Cette fois-ci, la communauté financière est effrayée par les derniers chiffres de la Chine; et ceux-ci sont en effet loin d'être réjouissants:
Jamie Dimon, CEO de JPMorgan et star incontestée de la scène bancaire, a même jeté de l'huile sur le feu dans une interview accordée à Bloomberg TV. Il met en garde contre les «incertitudes» qui pèsent sur la politique gouvernementale chinoise. «L'incertitude croissante n'influence pas seulement les investissements de l'étranger», explique Dimon.
Les choses semblaient pourtant bien parties il y a peu. Après le brusque revirement de la politique Covid et la levée des confinements, l'économie chinoise s'est rapidement redressée. Ce boom parait toutefois n'avoir été qu'un feu de paille. Carlos Casanova, économiste en chef pour l'Asie à l'Union bancaire privée (UBP) de Genève, explique également dans le Financial times:
La Chine n'est pas n'importe qui. Elle reste la place industrielle du monde. Environ un tiers de la production industrielle mondiale s'y déroule. Ces dernières années, la Chine a également été la locomotive de l'économie mondiale. Plus de la moitié de la croissance du commerce international était due à la Chine.
Il n'est donc pas surprenant que les marchés réagissent déjà. Les investisseurs ne sont pas les seuls à devenir nerveux, les prix des matières premières ont également dérapé face à la baisse de la demande chinoise.
Les tensions géopolitiques n'aident pas non plus. La guerre en Ukraine et la prise de position de la Chine en faveur de la Russie ont encore renforcé la méfiance envers Pékin. Le Wall Street journal (WSJ) rapporte ainsi que les managers américains cherchent de plus en plus d'alternatives aux fournisseurs chinois.
Jusqu'à récemment, le terme de «découplage» était même utilisé. Entre-temps, l'idée s'est toutefois imposée qu'un découplage complet de l'économie occidentale est une illusion. Les dépendances mutuelles sont trop importantes et nous dépendons de la Chine pour le meilleur et pour le pire dans la lutte contre le réchauffement climatique. C'est là que sont fabriqués presque tous les panneaux solaires et la plupart des batteries, et c'est de là que proviennent les terres rares sans lesquelles aucun smartphone ne fonctionne.
Sans la coopération de la Chine, le réchauffement climatique ne peut être combattu, car les Chinois sont aujourd'hui les plus gros émetteurs de CO₂ de la planète. «Sans la Chine, nous ne pouvons pas résoudre le problème du changement climatique», explique Joanna Lewis, spécialiste de la Chine à l'université de Georgetown, dans le Washington post.
Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a donc introduit un nouveau terme dans le débat à l'occasion de sa visite à Pékin il y a quelques semaines: le de-risking. En peu de temps, ce terme s'est répandu comme une traînée de poudre autour du globe. Il ne s'agit pas de couper les liens avec la Chine, mais de limiter les risques.
Ce qui sonne bien en théorie est toutefois difficile à mettre en œuvre dans la pratique. Comment, par exemple, minimiser les risques dans la guerre des semi-conducteurs entre la Chine et l'Occident? Jensen Huang, CEO de Nvidia, le dernier prodige de la Silicon Valley, met en garde contre les «dommages énormes» que causerait l'interdiction faite aux fabricants de puces américains d'exporter leurs produits vers la Chine. De leur côté, les experts militaires mettent en garde contre le fait que les Etats-Unis perdront leur avance technologique si des puces comme celles de Nvidia sont également accessibles aux Chinois.
Le fait que le terme «de-risking» remplace le terme «decoupling» est un signe positif. Il montre qu'en dépit de toutes les tensions géopolitiques, l'Occident et la Chine doivent trouver un niveau où la coopération est possible, même si elle est modeste. Un découplage, en revanche, conduirait des entreprises comme Apple à des problèmes quasiment insolubles et l'industrie automobile allemande à la ruine. Et la Chine aurait alors également des problèmes bien plus graves que des jeunes au chômage.
(Traduit et adapté par Noëline Flippe)