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L'économie chinoise vacille et c'est un problème pour le monde

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L'économie chinoise vacille

Un taux de chômage record chez les jeunes et une baisse de l'envie de consommer: l'essor de l'économie chinoise a des ratés.
10.06.2023, 16:2710.06.2023, 17:19
Philipp Löpfe
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Les marchés financiers sont une nouvelle fois nerveux. Mais cette fois-ci, la raison n'est pas qu'une poignée de républicains MAGA à moitié fous veulent précipiter les Etats-Unis dans la faillite. Ce danger est heureusement écarté. Cette fois-ci, la communauté financière est effrayée par les derniers chiffres de la Chine; et ceux-ci sont en effet loin d'être réjouissants:

  • Le chômage des jeunes a grimpé à plus de 20% en Chine, un triste record.
  • L'indice des directeurs d'achat, un indicateur conjoncturel fiable, se contracte. En avril, il était encore de 49,2 points, en mai, il est tombé à 48,8 points. Une valeur inférieure à 50 points indique que l'économie s'affaiblit.
  • La production industrielle, les ventes immobilières et la croissance du crédit se sont affaiblies au cours des deux derniers mois. Il en va de même pour l'envie de consommer. «La confiance est le grand problème», explique Hui Shan, économiste en chef pour la Chine chez Goldman Sachs au Financial times. «Actuellement, les consommateurs ne croient pas en l'avenir et ne dépensent donc pas d'argent. Les investissements privés faiblissent également, et les entreprises hésitent à lancer de nouveaux projets».

Jamie Dimon, CEO de JPMorgan et star incontestée de la scène bancaire, a même jeté de l'huile sur le feu dans une interview accordée à Bloomberg TV. Il met en garde contre les «incertitudes» qui pèsent sur la politique gouvernementale chinoise. «L'incertitude croissante n'influence pas seulement les investissements de l'étranger», explique Dimon.

«Elle modifie également la confiance de la population»
Jamie Dimon, CEO de JPMorgan

De bons auspices

Les choses semblaient pourtant bien parties il y a peu. Après le brusque revirement de la politique Covid et la levée des confinements, l'économie chinoise s'est rapidement redressée. Ce boom parait toutefois n'avoir été qu'un feu de paille. Carlos Casanova, économiste en chef pour l'Asie à l'Union bancaire privée (UBP) de Genève, explique également dans le Financial times:

«Nous nous attendions à ce que ce soit le début d'un nouveau boom de la consommation et des services, et que ce nouvel optimisme se transforme en une large reprise de toute l'économie. Cela ne s'est pas produit.»
Carlos CasanovaFinancial Times:

La Chine n'est pas n'importe qui. Elle reste la place industrielle du monde. Environ un tiers de la production industrielle mondiale s'y déroule. Ces dernières années, la Chine a également été la locomotive de l'économie mondiale. Plus de la moitié de la croissance du commerce international était due à la Chine.

Il n'est donc pas surprenant que les marchés réagissent déjà. Les investisseurs ne sont pas les seuls à devenir nerveux, les prix des matières premières ont également dérapé face à la baisse de la demande chinoise.

Les tensions géopolitiques n'aident pas non plus. La guerre en Ukraine et la prise de position de la Chine en faveur de la Russie ont encore renforcé la méfiance envers Pékin. Le Wall Street journal (WSJ) rapporte ainsi que les managers américains cherchent de plus en plus d'alternatives aux fournisseurs chinois.

«La crainte d'un conflit militaire et les préoccupations croissantes en matière de sécurité ont conduit les entreprises américaines à réévaluer leur dépendance vis-à-vis de la Chine.»
Propos du WSJ.

Découplage et dépendance

Jusqu'à récemment, le terme de «découplage» était même utilisé. Entre-temps, l'idée s'est toutefois imposée qu'un découplage complet de l'économie occidentale est une illusion. Les dépendances mutuelles sont trop importantes et nous dépendons de la Chine pour le meilleur et pour le pire dans la lutte contre le réchauffement climatique. C'est là que sont fabriqués presque tous les panneaux solaires et la plupart des batteries, et c'est de là que proviennent les terres rares sans lesquelles aucun smartphone ne fonctionne.

China's President Xi Jinping, center, his French counterpart Emmanuel Macron, left, and European Commission President Ursula von der Leyen meet for a working session in Beijing Thursday, April 6, ...
Emmanuel Macron (à g.) et Ursula von der Leyen en visite à Pékin.Image: keystone

Sans la coopération de la Chine, le réchauffement climatique ne peut être combattu, car les Chinois sont aujourd'hui les plus gros émetteurs de CO₂ de la planète. «Sans la Chine, nous ne pouvons pas résoudre le problème du changement climatique», explique Joanna Lewis, spécialiste de la Chine à l'université de Georgetown, dans le Washington post.

«Si nous refusons de nous engager dans une coopération constructive, nous ne pourrons jamais maîtriser le problème au niveau mondial.»
Joanna Lewiswashington post.

Le «derisking»

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a donc introduit un nouveau terme dans le débat à l'occasion de sa visite à Pékin il y a quelques semaines: le de-risking. En peu de temps, ce terme s'est répandu comme une traînée de poudre autour du globe. Il ne s'agit pas de couper les liens avec la Chine, mais de limiter les risques.

Ce qui sonne bien en théorie est toutefois difficile à mettre en œuvre dans la pratique. Comment, par exemple, minimiser les risques dans la guerre des semi-conducteurs entre la Chine et l'Occident? Jensen Huang, CEO de Nvidia, le dernier prodige de la Silicon Valley, met en garde contre les «dommages énormes» que causerait l'interdiction faite aux fabricants de puces américains d'exporter leurs produits vers la Chine. De leur côté, les experts militaires mettent en garde contre le fait que les Etats-Unis perdront leur avance technologique si des puces comme celles de Nvidia sont également accessibles aux Chinois.

Le fait que le terme «de-risking» remplace le terme «decoupling» est un signe positif. Il montre qu'en dépit de toutes les tensions géopolitiques, l'Occident et la Chine doivent trouver un niveau où la coopération est possible, même si elle est modeste. Un découplage, en revanche, conduirait des entreprises comme Apple à des problèmes quasiment insolubles et l'industrie automobile allemande à la ruine. Et la Chine aurait alors également des problèmes bien plus graves que des jeunes au chômage.

(Traduit et adapté par Noëline Flippe)

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