Lundi, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Pékin, Mao Ning, s'est visiblement efforcée de limiter les dégâts. «La Chine respecte le statut des anciennes républiques soviétiques», a déclaré la représentante du gouvernement lors de la conférence de presse quotidienne. Elle a ainsi rejeté, du moins indirectement, les récentes déclarations de l'ambassadeur de Chine en France qui provoquent actuellement une sérieuse querelle diplomatique en Europe.
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Retour en arrière: vendredi, sur la chaîne de télévision française LCI et face à Darius Rochebin, Lu Shaye a remis en question le statut de nation souveraine des anciennes républiques soviétiques. L'ambassadeur a notamment affirmé que la question de savoir si la Crimée appartenait à l'Ukraine ou pas dépendait entièrement de la manière dont on considère le problème.
Et puis, en réponse à une question du présentateur suisse, il a lâché une véritable bombe rhétorique:
L'indignation n'a pas tardé à monter. Les pays baltes, annexés contre leur gré par l'Union soviétique, se sont montrés particulièrement furieux de ces déclarations controversées. Le ministre letton des Affaires étrangères Edgars Rinkevics a qualifié ces propos de «totalement inacceptables» et a convoqué le chargé d'affaires de l'ambassade de Chine à Riga.
Ce n'est pas la première fois que Lu Shaye, né en 1964 à Nanjing dans l'est de la Chine, provoque des scandales internationaux. Rien qu'au cours des quatre dernières années, depuis que l'ambassadeur a quitté Ottawa pour Paris, il en a causé plus d'une demi-douzaine.
En avril 2020, au début de la pandémie, Lu Shaye a publié un article sur le site web de l'ambassade qui sous-entendait que les maisons de retraite françaises laissaient «mourir de faim leurs résidents».
En août 2022, il a déclaré à la télévision française que les habitants de Taiwan avaient subi un «lavage de cerveau» et qu'ils avaient besoin d'une «rééducation» patriotique après la «réunification». Par ailleurs, l'ambassadeur ne cesse de diffamer certains journalistes en les traitant de menteurs.
Le cas de Lu Shaye n'est pas unique. Il n'est qu'un prototype particulièrement marqué du «loup guerrier» chinois. Ce terme désigne les diplomates polémiques qui ont été systématiquement promus sous Xi Jinping pour leur nationalisme affiché.
Souvent, leur rhétorique conflictuelle ne va pas dans le sens des relations diplomatiques avec le pays d'accueil. Les représentants du gouvernement comme Lu Shaye veulent avant tout prouver au peuple chinois qu'ils n'acceptent plus aucune critique de la part de l'Occident et qu'ils sont capables de défendre leur pays.
Mais cette fois-ci, l'homme est manifestement allé trop loin. Sa propre ambassade, qui avait fièrement publié l'interview télévisée sur son compte WeChat, a dû supprimer le message quelques heures plus tard seulement.
Pourtant, de nombreux commentateurs ne pensent pas qu'il s'agisse d'une simple maladresse. Selon eux, l'ambassadeur n'a sans doute pas pris la parole de sa propre initiative:
Celui qui est probablement le plus ancien chroniqueur du South China Morning Post de Hong Kong voit dans cette déclaration un message d'avertissement ciblé contre les Etats baltes.
En effet, ces dernières années, la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie ont non seulement tourné le dos à la Chine, mais ont aussi accéléré leurs relations avec Taïwan. Ils doivent désormais en subir les conséquences, selon Alex Lo. Dans sa chronique, il explique avec cynisme:
Traduit et adapté par Nicolas Varin