Sur le marché immobilier, les conséquences du changement de taux d'intérêt sont de plus en plus visibles. C'est ce qu'écrit l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans ses dernières perspectives économiques pour plus de 50 pays. Ainsi, les prix des maisons ont commencé à réagir à la hausse des taux d'intérêt. En d'autres termes, dans de nombreux pays, les prix nominaux ont diminué. Après déduction de l'inflation souvent élevée, la correction est encore plus forte.
Selon les chiffres de l'OCDE, il y a eu un tournant sur les marchés immobiliers de la plupart des pays industrialisés. Pendant le boom de la pandémie, il y avait seulement 13% des pays industrialisés où les prix stagnaient ou baissaient, tandis que 87% connaissaient une augmentation des prix. Moins de deux ans plus tard, tout est différent. A l'automne 2022, les prix n'ont augmenté que dans 28% des pays industrialisés. Dans 72% des pays, ils ont stagné ou même baissé.
Cette semaine, la Banque mondiale a publié son rapport, nommé Global economic prospect. L'institution y avertit que l'économie mondiale se trouve «au milieu de taux d'intérêt élevés sur des bases incertaines».
Les banques ont déjà subi des pertes en raison de la hausse inhabituellement rapide de ceux-ci. Et maintenant, leurs bilans pourraient être encore affaiblis par la chute des prix de l'immobilier. Des baisses de prix ont eu lieu dans des pays qui représentent plus de la moitié de l'économie mondiale.
L'OCDE a pris quelques exemples de pays ayant connu des diminutions de prix. Aux Etats-Unis, par exemple, la baisse a été de 2,3% depuis le dernier pic. En Allemagne, c'est déjà près de cinq pour cent. Entre 5 et 10% aux Pays-Bas ou au Canada. Et les baisses sont nettement supérieures à 10% en Suède et en Nouvelle-Zélande.
La fin du boom se reflète également dans les investissements dans la construction de logements. Ils ont diminué dans tous les grands pays industrialisés. Fin 2022, ils étaient en moyenne inférieurs de 7% à ceux de l'année précédente. Au Canada, ce chiffre a même atteint 13% et près de 19% aux Etats-Unis.
Pourquoi les prix baissent-ils plus dans certains pays et moins dans d'autres? Selon l'OCDE, les prix ont surtout baissé dans les pays où les investisseurs ont payé particulièrement cher pour s'assurer des revenus locatifs plutôt minces. Mais avec les taux d'intérêt incroyablement bas, l'affaire s'avérait rentable. Ce n'est plus le cas désormais.
Selon l'OCDE, les pays dans lesquels les ménages sont fortement endettés sont également susceptibles de subir des corrections de prix. Et ceux où les ménages ont conclu des hypothèques à taux variable. Leurs intérêts augmentent donc plus rapidement et leurs finances sont plus susceptibles d'être perturbées.
Quels sont les pays qui ont échappé jusqu'à présent à de fortes baisses de prix? Selon l'OCDE, ce sont surtout les pays dont la population augmente fortement, ce qui renforce la demande. Et les pays qui s'en sortent le mieux sont ceux où les hypothèques à taux fixe sont plus répandues et où les ménages sont protégés contre la hausse des taux d'intérêt. Mais cette protection n'est que provisoire. Plus les taux d'intérêt restent élevés, plus ils risquent d'être touchés.
Combien de temps faudra-t-il pour que les taux d'intérêt baissent à nouveau? La réponse de l'OCDE est, en résumé, plus longue que ce que les marchés espèrent. Les banques centrales ont déjà fortement augmenté leurs taux d'intérêt, mais il n'y a pas encore de signes clairs que l'inflation est durablement en recul. C'est pourquoi, l'OCDE écrit:
Pour la Suisse, cela signifie que les taux d'intérêt vont encore fortement augmenter. La Banque nationale suisse (BNS) augmentera son taux directeur à 2,25% d'ici l'automne et le maintiendra à ce niveau jusqu'à fin 2024. Actuellement, le taux directeur est encore fixé à 1,5%.
Il n'y aura donc pas de retour à des taux d'intérêt bas. Du moins pas prochainement. En Suisse, les incertitudes sont très grandes, selon l'OCDE. D'autant plus qu'une correction des prix sur le marché immobilier pourrait déstabiliser le secteur financier. En même temps, tout pourrait s'arranger si la guerre en Ukraine se terminait bientôt et si les prix de l'énergie continuaient à baisser.
Pour l'OCDE, une correction du marché immobilier compte parmi les plus grands risques pour l'économie mondiale. En effet, par le passé, les mêmes mécanismes se sont souvent enclenchés. Si les prix retournaient à la baisse, la conjoncture devrait suivre. Les budgets des ménages sont sous pression, tout comme les bilans des entreprises, ce qui entraînerait une baisse de la consommation et des investissements. Au final, cela pèserait aussi sur les banques qui, à leur tour, accorderaient moins de crédits, ce qui affaiblirait encore les investissements.