La loi du marché fait parfois des siennes et il s'y déroule des choses qui semblent contre-intuitives. Un exemple simple en Suisse: les logements. Si la demande ne cesse d'augmenter, l'offre elle, ne suit pas.
Au contraire: il est prévu de construire de moins en moins de logements dans les années à venir. Plusieurs économistes mettent en garde contre une «pénurie de logements inévitable». Derrière ce problème se cachent des processus contradictoires.
L'offre et la demande vont continuer à diverger dans les années à venir. On sait que la demande de logements augmente en raison de l'immigration. Un phénomène moins connu, mais tout aussi important, est la tendance aux ménages à personnes seules, ce qui entraîne une augmentation du besoin d'espace — et du mètre carré moyen par personne.
Ces tendances sont bien connues et plutôt prévisibles. Ce qui est plus surprenant, ce sont les facteurs qui déterminent l'offre de logements.
Les logements se font rares dans les villes depuis longtemps. Les investisseurs auraient depuis longtemps souhaité construire et louer davantage de logements pour échapper aux taux d'intérêt historiquement bas. Et pourtant, il y a aujourd'hui un quart de logements neufs en moins dans le pipeline qu'il y a quelques années.
Selon les experts de la Banque cantonale de Zurich (ZKB), la raison immédiate de ce recul est attribuée aux permis de construire, pour lesquels il faut attendre longtemps. Après le dépôt d'une demande, il s'écoule environ 140 jours jusqu'à l'autorisation. Vers 2010, ce délai était encore de 80 jours.
Et ceci est la moyenne nationale. Le record est d'ailleurs détenu par la ville de Genève: 500 jours d'attente! A titre de comparaison, la ville de Zurich en est à 170 jours.
Même avec le permis de construire, les difficultés ne cessent pas. En effet, il peut encore y avoir des recours de dernière minute. Ainsi, 10% des projets dont la construction a été autorisée sont annulés à la dernière minute. Cela représente 4000 logements par an.
Pourquoi les permis de construire prennent-ils tant de temps à être délivrés? Les autorités sont-elles trop pointilleuses, trop perfectionnistes? Selon l'étude, ce sont d'autres facteurs qui entrent en jeu: les oppositions.
Ces contraintes supplémentaires allongent encore les délais. Les prescriptions contre le bruit, en particulier, sont souvent utilisées pour faire échouer des projets dans des lieux fortement peuplés.
Une majorité de la population est pourtant favorable à la loi sur l'aménagement du territoire, qui demande de stopper l'étalement urbain et de protéger les espaces verts. En théorie, il existe un consensus sur le fait que les constructions doivent être plus denses, surtout dans les centres.
Dans la pratique, il s'agit de savoir qui pourrait tolérer de nouvelles constructions devant sa propre porte pour atteindre ces objectifs. Et cela, personne ne le veut, préférant le faire dans d'autres quartiers. En conséquence, les demandes de permis rebondissent d'une zone à l'autre des villes, avec des oppositions fréquentes.
La population veut la densification, mais ailleurs. Si rien ne change, ce sont les mêmes personnes qui se plaindront bientôt d'un manque de logements — tout en étant elles-mêmes responsables de ce phénomène. Un comportement schizophrène qui ne va aider personne.
En conséquence, moins de logements sont construits. Du côté des locations, l'offre diminue et la demande augmente, ce qui devrait entraîner une hausse des loyers dans les années à venir.
Pour les propriétaires, l'offre va également diminuer: les demandes de permis de construire comme les autorisations sont en baisse. Mais le problème est moins fort ici car la demande devrait être plutôt basse — notamment parce que les hypothèques sont devenues plus coûteuses.
Demande faible et offre limitée: cela devrait permettre d'éviter l'effondrement des prix que l'on a pu observer dans certains pays, comme en Allemagne ou au Danemark. C'est du moins l'avis de nombreux économistes bancaires.
Parallèlement, le boom est passé. En 2021, les prix ont augmenté de 9%, en 2022 de 5,7 pour cent. C'est du passé. Selon la Banque cantonale de Zurich, les années 2023 et 2024 ne connaîtront plus qu'une hausse de 1,5% chacune.
Traduit et adapté par Pauline Langel