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La crainte d'une crise bancaire est de retour aux Etats-Unis

First Republic Bank signs and logos rest near a parking space, below, and on the exterior of a bank branch location, above, Wednesday, April 26, 2023, in Wellesley, Mass. First Republic Bank's st ...
First republic, gravement touchée par la crise.image: keystone
Analyse

La panique bancaire fait son retour aux Etats-Unis

Alors qu'on estimait la crise terminée, la banque américaine First republic voit à nouveau ses clients lui échapper à cause de la panique bancaire. De quoi s'agit-il? Et pourquoi maintenant? Décryptage.
28.04.2023, 18:5929.04.2023, 12:39
Niklaus Vontobel / ch media
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La First republic bank a déjà perdu plus de 90% de sa valeur boursière depuis début mars, lorsque la Silicon Valley bank (SVB) s'est effondrée. Et ce qu'il en restait a encore diminué de près de moitié récemment. L'institut avait annoncé que ses clients retiraient des sommes colossales. Au premier trimestre 2023, la fuite des clients représentait environ 100 milliards de dollars.

A titre de comparaison, Credit Suisse (CS) a vu partir un peu plus de 110 milliards de francs au quatrième trimestre 2022. Un événement que l'autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) a qualifié d'«historiquement unique». Au premier trimestre 2023, les clients ont encore retiré 60 milliards de francs. Un mouvement qui a été fatal à la banque aux deux voiles.

First republic fait partie des banques régionales américaines qui, selon le Wall Street journal (WSJ), sont nombreuses à souffrir d'un retrait des fonds de leurs clients, mais dans une bien moindre mesure. L'inquiétude est désormais que ces instituts doivent fortement ralentir l'octroi de crédits, ce qui freinerait la croissance économique. Dans leurs régions d'origine, ces banques sont importantes pour les clients privés et les entreprises.

Il est possible que l'on assiste à une vague de fusions, comme le prédit The Economist. Aux Etats-Unis, le nombre de banques par habitant est nettement plus élevé qu'en Europe. Si ces petites et moyennes banques doivent désormais proposer des taux d'intérêt plus élevés pour ne pas se faire voler leur clientèle, leurs bénéfices seront sous pression. Après l'effondrement de la Silicon Valley bank, il est probable qu'elles soient soumises à des règles plus strictes, ce qui entraînera de nouveaux coûts. De nombreuses instituts pourraient donc chercher leur salut dans des fusions.

Le retour de la panique bancaire

Avec la SVB et maintenant First republic, les Etats-Unis assistent surtout au retour de la panique bancaire. Ce phénomène, également connu sous le terme de «course aux guichets», peut se traduire ainsi: le fait de prédire la crise d'une banque participe à sa fin.

Voici comment ça fonctionne. Les banques reçoivent de l'argent prêté par leurs clients, que ceux-ci peuvent retirer à tout moment. Elles investissent avec cet argent, puisqu'elles le prêtent à long terme. Elles en font des crédits aux entreprises, des hypothèques aux propriétaires de maisons, ou elles achètent des obligations d'Etat.

Ce sont des valeurs solides, mais il faut du temps pour les transformer en argent. C'est pourquoi toute banque vacille lorsque, lors d'une course aux guichets, de nombreux clients veulent récupérer leur argent au même moment. Les banques sont donc toujours instables. Mais qu'est-ce qui déclenche ces ruées bancaires? Elles peuvent surgir sans aucune raison. C'est ce qu'ont démontré deux économistes, qui ont reçu le prix Nobel pour cela en 2022:

«Une ruée est causée par un déplacement des attentes qui pourrait dépendre de presque tout»

De simples rumeurs sur une prétendue faillite d'une banque peuvent donc suffire pour que les clients croient devoir retirer leur argent avant leurs voisins. La panique bancaire se produit comme une prophétie auto-réalisatrice. Si tel est le cas, pourquoi cela n'arrive pas tout le temps?

Ruées déjouées par le passé

Deux antidotes permettent d'éviter ces prophéties, et ils ont longtemps fonctionné. Premièrement, l'Etat a assuré les économies de tous les petits clients, ce qui a tranquillisé les gens lors de rumeurs sur leur banque.

Le deuxième remède implique que les banques centrales deviennent des prêteurs de dernier recours. C'est auprès d'elles que les banques en difficulté peuvent octroyer des crédits à tout moment si elles peuvent donner des actifs en garantie.

En période de panique, personne ne le fait, même contre des actifs que tout le monde prend en période de prospérité. S'il existe un prêteur de dernier recours, les banques peuvent rembourser les clients sans avoir à vendre leurs actifs.

Augmenter la garantie des dépôts

Une autre question s'impose: pourquoi assiste-t-on aujourd'hui à une recrudescence des ruées? La clientèle qui a pris d'assaut les banques n'était pas couverte par les garanties de dépôt. En effet, ces dernières sont destinées aux petits clients qui ont comparativement peu d'avoirs en banque. En Suisse, les montants assurés vont jusqu'à 100 000 francs par client et par banque, aux Etats-Unis jusqu'à 250 000 dollars.

Silicon Valley bank.
Silicon Valley bank.Image: sda

Les clients qui ont retiré leur argent de la SVB étaient en majorité de gros clients. Seuls 12% des dépôts y étaient assurés. Il en a probablement été de même pour Credit Suisse avec ses «Ultra-high-net-worth-individuals», UHNWI dans le jargon.

De tels clients doivent effectivement craindre pour la majeure partie de leur argent si d'autres super-riches prennent d'assaut CS. Aux Etats-Unis, il est désormais question d'augmenter la garantie des dépôts.

Gary Gorton, historien de la finance à l'Université de Yale, affirme que «le problème des ruptures bancaires n'a pas été résolu de manière permanente». Les garanties de dépôt sont utiles lorsque les banques ont principalement de petits clients. Mais au cours des 40 dernières années, les instituts se sont de plus en plus tournés vers les gros clients, raison pour laquelle une bonne moitié des dépôts bancaires ne sont pas assurés - et sont donc à nouveau susceptibles de faire l'objet d'un mouvement de panique.

Traduit et adapté par Anaïs Rey.

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