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Comment UBS a préparé le rachat de Credit Suisse en secret

UBS préparait le rachat de Credit Suisse depuis longtemps en secret

Le rachat de Credit Suisse par UBS n'est pas le fruit du hasard. Un nouveau document révèle que la banque a commencé à anticiper très tôt ce scénario — même si elle ne souhaitait pas le voir arriver.
19.05.2023, 19:00
Daniel Zulauf / ch media
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Les détails exacts de l'acquisition de Credit Suisse par UBS ne sont pas encore connus. Mais peu à peu, des informations de nature à compléter le tableau encore très incomplet de cet accord du siècle apparaissent.

Et c'est mercredi qu'un document a été déposé par UBS à la SEC, la régulation boursière américaine. Il est destiné aux actionnaires américains de la grande banque, dont les actions sont également cotées à la Bourse de New York.

Ce qu'on y lit, c'est qu'UBS a bel et bien réussi un «Lucky Buy» dans le rachat de Credit Suisse. Mais celui-ci n'est manifestement pas sorti de nulle part. Le texte, accessible au public, révèle qu'UBS avait déjà commencé en décembre à travailler sur un possible rachat de sa grande rivale, notamment juste après que Credit Suisse eut levé 4 milliards de francs de fonds propres dans le cadre d'une augmentation de capital fin novembre.

Un comité stratégique fin 2022

Déjà en octobre 2022, lorsque Credit Suisse a annoncé sa nouvelle stratégie et a enregistré une perte de 4 milliards de francs au troisième trimestre, le Conseil d'administration d'UBS, dirigé par Colm Kelleher, avait mis en place un comité stratégique ad hoc pour suivre de près l'évolution de la situation chez un concurrent déjà en difficulté.

Début décembre, le comité du conseil d'administration d'UBS a chargé sa direction de procéder à une évaluation préliminaire d'un scénario dans lequel il serait demandé à UBS de jouer un rôle actif dans une éventuelle opération de sauvetage du Crédit Suisse.

UBS ne voulait pas racheter CS

La direction d'UBS, avec Ralph Hamers à sa tête, a présenté le résultat de cette analyse le 19 décembre lors du conseil d'administration d'UBS. Le 20 février, la direction a estimé qu'une reprise de CS n'était «pas souhaitable». Trois jours plus tard, le conseil d'administration est parvenu à la même conclusion.

Cependant, la grande banque s'est rendu compte qu'elle avait besoin d'analyses et d'évaluations plus approfondies. Le document révèle qu'UBS désirait être prêt au cas où Credit Suisse connaîtrait de graves difficultés financières — ce qui est arrivé. Le Conseil d'administration d'UBS a donc chargé sa direction d'approfondir l'éventualité d'un sauvetage d'urgence.

Des représentants du Conseil fédéral sollicités

UBS a également fait appel à des forces extérieures. Entre janvier et mi-mars, la banque a fait participer aux travaux, outre ses propres équipes, des experts juridiques étrangers et la banque d'investissement américaine Morgan Stanley — où le président d'UBS Colm Kelleher a travaillé pendant 30 ans avant son départ pour la Suisse.

L'histoire de 15 ans de chute:

C'est à cette époque qu'UBS analyse le scénario d'une liquidation de Credit Suisse. Elle se penche notamment sur les conséquences potentiellement négatives d'une liquidation pour elle-même et sa réputation de la place financière suisse.

Presque simultanément, entre décembre et mi-janvier, le président de Credit Suisse Axel Lehmann, son CEO Ulrich Körner et le juriste en chef Markus Diethelm s'entretiennent avec des représentants du Conseil fédéral sur ces scénarios éventuels.

La BNS et la Finma entrent en jeu

Le 15 mars, tout s'accélère et les démarches entreprises par UBS prennent alors tout leur sens. Le cours des actions Credit Suisse, qui oscillait déjà à des niveaux très bas, chute brutalement. En cause: un représentant de la Saudi National Bank, devenue actionnaire principal de CS en novembre, a publiquement exclu dans une interview une aide financière supplémentaire à la banque suisse.

Le même jour, dans l'après-midi, le président d'UBS, secondé par ses cadres supérieurs, rencontre des représentants de la Banque nationale suisse (BNS) et de la Finma, l'organisme de surveillance des marchés financiers.

Comme UBS l'avait analysé, les autorités indiquent clairement que la solution priorisée est le rachat de Credit Suisse par UBS. La suite, on la connaît: UBS a accepté le rachat, tout en imposant un ensemble de conditions très strictes. En guise de garantie, la BNS débloque des aides à hauteur de 250 milliards de francs. De son côté, le Conseil fédéral assure à UBS une garantie de couverture des pertes de 9 milliards de francs.

Pour l'instant, UBS a réalisé un bénéfice comptable de près de 35 milliards de dollars avec Credit Suisse, comme l'indique une facture pro forma fin 2022, présentée dans le présent document. Le bénéfice sera versé au compte de résultat de la banque à la fin de l'acquisition, probablement fin juin.

Ce taureau court au milieu d'une banque et provoque le chaos
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