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Immobilier: voici ce que la Suisse doit craindre

Immobilier: voici ce que la Suisse doit craindre

Avant la hausse des taux d'intérêt, le monde allait bien. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Voici un aperçu mondial du revirement des taux d'intérêt et de ses conséquences potentielles en Suisse.
27.05.2023, 11:4327.05.2023, 17:41
Niklaus Vontobel / ch media
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L'immobilier a connu un boom dans presque tous les pays industrialisés en 2020 et 2021. Les prix ont atteint des niveaux records, écrit le Fonds monétaire international (FMI) dans son dernier rapport World Economic Outlook. Mais au printemps 2022, tout s'est arrêté soudainement. Dans deux tiers des pays, les prix ont baissé; partout ailleurs, ils ont encore augmenté, mais beaucoup plus lentement.

Derrière le retournement des prix de l'immobilier se cachait un autre retournement: celui des taux d'intérêt. En 2020 et 2021, ils sont tombés à des niveaux records. Ensuite, les banques centrales ont dû lutter contre l'inflation et les taux d'intérêt se sont envolés dans les pays industrialisés, lors de l'un des plus puissants retournements de taux d'intérêt depuis des décennies.

Début 2022, les taux hypothécaires étaient en moyenne de 2,8%, fin 2022 de 6,8%. D'un seul coup, les frais d'intérêts sont plus de deux fois plus élevés lors de l'achat d'un logement. Cela pèse sur la demande — et par conséquent sur les prix de l'immobilier.

Et maintenant? Des rapports du FMI montrent dans quel pays le risque de crash est le plus grand et ce que le changement de taux d'intérêt y a déjà provoqué.

Voici les pays les plus à risque

Le FMI a identifié cinq critères qui rendent plus probable une baisse des prix ou même un crash.

  1. Lorsque les ménages ont des dettes hypothécaires particulièrement élevées par rapport à leurs revenus, les coûts des intérêts pèsent d'autant plus lourd. Un changement de taux d'intérêt a donc plus d'impact.
  2. Le changement se répercute plus rapidement si les hypothèques sont souvent conclues à taux variable.
  3. Le nombre de propriétaires qui ont une hypothèque et qui ressentiront donc le changement de taux.
  4. Les prix chutent d'autant plus bas qu'ils étaient auparavant surestimés. Les exagérations sont souvent suivies de sous-estimations.
  5. L'ampleur du changement de taux d'intérêt intervenu jusqu'à présent: plus la banque centrale concernée a relevé ses taux directeurs, plus la charge de la hausse des intérêts est importante.

Le FMI a classé 27 pays en fonction de ces 5 caractéristiques: plus elles sont présentes, plus le risque de crash est important. Le Canada, l'Australie et le Luxembourg sont en tête du classement. La Norvège, la Suède et les Pays-Bas ne sont que légèrement moins menacés. Les États-Unis, le Portugal et le Danemark sont également bien placés dans ce classement des risques. En comparaison, la situation est moins tendue autour en Suisse, en Autriche, en France, en Allemagne et en Italie.

Le Canada tremble

Le Canada a connu un boom. En deux décennies, les prix de l'immobilier ont presque quintuplé, avec une hausse particulièrement rapide pendant la pandémie. D'avril 2020 à février 2022, il y a eu une nouvelle augmentation de 50%. Finalement, on a atteint «un niveau insoutenable», selon le FMI.

Le redressement des taux d'intérêt a suivi et avec lui la chute. Jusqu'à présent, les prix ont baissé de 16%. Les frais liés aux intérêts sont désormais deux fois plus élevés, ce qui aura des répercussions sur 30 à 40% de toutes les hypothèques d'ici la fin de l'année, selon les estimations. Selon Bloomberg, de nombreux ménages ne peuvent déjà plus faire face aux intérêts.

Les banques sont donc contraintes d'agir: elles ne veulent pas de défauts de paiement, et encore moins de ventes forcées. Elles assouplissent donc leurs normes. Les remboursements sont suspendus; les intérêts ne sont pas réclamés, mais ajoutés à l'hypothèque.

Lorsque les hypothèques arrivent à échéance, elles font des concessions.

C'est l'objectif des autorités de régulation. Les banques doivent aider à éviter les défauts de paiement. Et tout le monde espère que la banque centrale canadienne baissera à nouveau ses taux directeurs avant la fin de l'année.

Que va-t-il arriver au Canada? Le FMI estime que les prix de l'immobilier baisseront «de 20% ou plus» à partir du point culminant, répartis sur les quelques prochaines années. Dans certaines villes, cela pourrait être nettement plus. Dans l'ensemble, une «correction saine» est la plus probable, mais les choses pourraient être bien pires. Par exemple, si l'inflation reste élevée et que la banque centrale doit encore augmenter les taux d'intérêt directeurs.

La spirale négative qui pourrait toucher la Suisse

En Suisse aussi, c'est l'inflation qui est la plus dangereuse, selon l'expert Donato Scognamiglio de la société de conseil Iazi. Si elle ne redescend pas rapidement sous la barre des 2%, la Banque nationale suisse devra agir beaucoup plus radicalement que ce que l'on pensait jusqu'à présent — ce qui aurait des conséquences. Donato Scognamiglio explique:

«De nombreux modèles commerciaux ne fonctionneront plus»

Actuellement, de nombreux experts s'attendent à un revirement plutôt doux des taux d'intérêt. Selon leur scénario, le taux directeur augmentera encore de 0,25 point de pourcentage en juin et cela suffira à vaincre l'inflation. Le revirement des taux d'intérêt se stabilisera à 1,75%. Mais que se passera-t-il si cela ne suffisait pas? Et si l'inflation ne tombait pas sous la barre des 2%?

Donato Scognamiglio pense que c'est tout à fait envisageable. Le président de la Banque nationale, Thomas Jordan, devrait alors augmenter le taux directeur jusqu'à 2,5%. Les taux d'intérêt sur les hypothèques du marché monétaire atteindraient au moins 3%, et il faudrait payer beaucoup plus pour les hypothèques fixes à 10 ans.

La fin d'un modèle

Parmi les nombreux modèles commerciaux qui ne fonctionneraient plus du tout, on trouve le «buy-to-let». Il s'agit de l'achat d'un logement non pas pour son propre usage, mais pour le louer. Celui qui a contracté une hypothèque pour cela ne gagne déjà presque plus rien aujourd'hui; avec des taux d'intérêt encore plus élevés, cela deviendrait définitivement une opération à perte, comme le dit Donato Scognamiglio. On paie plus à la banque que ce que l'on gagne.

«Le 'buy-to-let' est mort: plus personne n'y entre; ceux qui l'ont déjà fait doivent ajouter de l'argent»

A cause de cela, davantage de maisons individuelles seraient mises sur le marché. De nombreux investisseurs dont les modèles commerciaux ont échoué finiraient par ne plus vouloir payer plus cher et vendraient leur bien immobilier, mais avec une décote. Les prix baisseraient, d'autres modèles commerciaux seraient mis sous pression — et la situation se poursuivrait ainsi dans une spirale descendante typique, jusqu'à ce que la Confédération et la Banque nationale interviennent.

Scognamiglio ne croit cependant pas à un tel «crash géant». La demande en immobilier reste élevée, notamment en raison de l'immigration et de l'augmentation des besoins en logements par habitant. De plus, l'offre reste limitée. Car la construction en rase campagne est interdite par l'aménagement du territoire et rendue difficile dans les centres par des oppositions et des prescriptions. Et si l'on construit, il faut d'abord démolir. Ainsi, dans le cas d'une nouvelle construction de 100 logements, 40 sont d'abord supprimés et seuls 60 sont réellement ajoutés.

En fin de compte, ce revirement des taux d'intérêt est comme un orage qui éclate au loin, dit Scognamiglio:

«On ne sait pas s'il va passer à côté de nous ou se diriger vers nous»

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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