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Comment Haribo et compagnie augmentent secrètement leurs prix

Comment Haribo et compagnie augmentent secrètement leurs prix

La «shrinkflation» désigne le rétrécissement des emballages alors que le prix reste inchangé. Ce phénomène, qui a tendance à se multiplier en cas d'inflation élevée, a désormais fait son apparition en Suisse. Les fabricants et les distributeurs se renvoient mutuellement la responsabilité.
09.01.2023, 06:0609.01.2023, 06:06
Ann-Kathrin Amstutz / ch media
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Qu'est-ce qui influence le plus votre décision d'acheter ou non un produit au supermarché? Si votre réponse est «le prix», vous pensez comme la plupart des gens. Et les détaillants et les fabricants profitent de ce mécanisme psychologique. En période de forte inflation comme en ce moment, où tout devient plus cher, ils cherchent des moyens créatifs, voire trompeurs, d'augmenter les prix.

L'un d'entre eux est connu sous le nom de «shrinkflation» ou «réduflation». Le mot est composé du verbe anglais «shrink» (rétrécir) et du nom «inflation». Le concept est simple: les fabricants réduisent le contenu des produits alors que le prix reste inchangé, voire pour certains, augmentent.

La pratique de la réduflation est critiquée, car elle équivaut à une augmentation cachée des prix. En effet, elle a tendance à être remarquée moins vite par les consommateurs, voire à passer inaperçue, contrairement à une augmentation classique des prix.

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Image: twitter

Mais si le stratagème est découvert et que les consommateurs se sentent floués, l'image de l'entreprise en pâtit. C'est ce qu'affirme le psychologue économique Jörn Basel de la Haute école de Lucerne. Ce spécialiste du comportement des consommateurs cite l'exemple des bouteilles de Coca-Cola, qui sont passées de 0,5 à 0,45 litres en 2019. «Pour les produits connus, il y a un tollé médiatique», explique Basel.

Les marques populaires peuvent pourtant se permettre de manipuler le prix ou la quantité davantage avant que la clientèle ne se détourne de leurs produits: «En tant qu'humains, nous avons des habitudes bien ancrées. Nous achetons les produits que nous connaissons déjà – sans forcément faire attention au contenu ou au prix par centaine de grammes». Souvent, les gens ne remarquent même pas les petits changements de prix ou de quantité.

Mais le psychologue économique prend aussi la défense des fabricants. Selon lui, la plupart des entreprises suisses opteraient plutôt pour des augmentations de prix. «Ici, il est plus facile d'imposer des prix plus élevés qu'en Allemagne par exemple». Il y a par contre parfois des seuils de prix que les fabricants ne veulent pas dépasser – un emballage plus petit est alors la solution évidente.

Bonbons Haribo et margarines Upfield

Les exemples de shrinkflation se multiplient actuellement sur les médias sociaux. Notamment dans des pays comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, où l'inflation dépasse les 10%. Récemment, c'est le fabricant de bonbons Haribo qui a été la cible de critique concernant l'emballage des fameux oursons en gomme. Ces derniers étaient soudainement plus légers de 25 grammes. Et en Norvège, le terme norvégien utilisé pour désigner la shrinkflation, «Krympflasjon», a été élu mot de l'année 2022.

En Suisse, où l'inflation est nettement plus faible avec un renchérissement annuel de 2,8% en 2022, le phénomène est moins connu. Pourtant, il a également fait son apparition dans notre pays. Les marques de margarine Lätta, Becel et Rama en sont un exemple frappant. Le fabricant Upfield a récemment réduit la taille des pots de toutes ces marques de 250 grammes à 225 grammes – pour un prix identique ou même légèrement supérieur. Sur le site internet du détaillant Coop, on peut encore trouver en partie les emballages de 250 grammes. Mais ils ne sont «actuellement pas disponibles en ligne».

Que dit le fabricant face à l'accusation de réduflation? Il confirme la réduction de quantité, mais affirme que celle-ci s'est produite de manière transparente. Comme toutes les entreprises alimentaires, Upfield est «confrontée à des augmentations de coûts sans précédent», écrit l'entreprise néerlandaise, qui appartenait auparavant à Unilever. Une grande partie des coûts est absorbée par l'entreprise elle-même afin de pouvoir «continuer à proposer des produits abordables». Cet été, elle a dû «réduire légèrement» le contenu de Lätta Original. «Ce changement est clairement visible sur l'emballage», souligne Upfield.

Le prix de vente conseillé est resté le même, mais «le prix de vente final de nos produits est toujours à la discrétion du détaillant». En termes clairs: si le prix par centaine de grammes a augmenté, c'est le détaillant qui en est responsable. En coulisses, on entend souvent dire chez les fabricants que les revendeurs ne répercutent pas tous les avantages de prix sur la clientèle.

De son côté, le détaillant Coop renvoie la responsabilité aux fabricants. «Si les exigences de prix des fabricants de marques sont injustement élevées, nous nous engageons en faveur de la clientèle et luttons pour des prix équitables», écrit Coop. En principe, les modifications apportées aux produits sont examinées de près. Si la taille de l'emballage ou le prix sont modifiés, «nous cherchons le dialogue avec les fournisseurs». Coop ne souhaite pas s'exprimer sur le cas concret d'Upfield.

D'une manière générale, la réduflation n'est pas un problème chez Coop: «Pour les marques qui nous appartiennent, nous renonçons en principe à cette pratique», précise le détaillant.

Les fabricants ont toujours une bonne explication

Ce sont surtout les géants internationaux de l'alimentation comme Unilever, Mondelez ou Nestlé qui sont souvent associés à la shrinkflation. L'économiste comportemental Tilman Slembeck a récemment critiqué Nestlé sur Twitter. Il accuse l'entreprise d'habituer les consommateurs à des yaourts plus petits sans pour autant changer le prix.

Le groupe alimentaire rejette cette accusation avec véhémence. «Les augmentations de prix cachées ne font pas partie de notre stratégie», écrit Nestlé Suisse. L'année dernière, l'entreprise a dû augmenter les prix de nombreux produits, y compris en Suisse. Les adaptations se sont toutefois faites «de manière transparente» et sont encore «inférieures au taux d'inflation».

Le yaourt au millet, qui ne pèse que 150 grammes, est un nouveau produit selon Nestlé. Il ne contient pas de sucre cristallisé, mais deux fois plus de fruits. La qualité supérieure du produit justifie le prix plus élevé pour 100 grammes. Le café instantané Nescafé a également attiré l'attention. Là, le sachet de recharge ne contient que 180 grammes ou 90 portions, alors que le pot en verre a une capacité de 200 grammes ou 100 portions.

Selon Nestlé, il y a là aussi une «explication simple»: des tests effectués auprès des consommateurs ont montré qu'avec un sachet de 200 grammes, les consommateurs jetaient une partie du café. Pour éviter le gaspillage alimentaire, les recharges ne contiennent donc que 180 grammes de café. De plus, le sachet est moins cher que le pot en verre.

Des milkshakes absurdement lourds made in USA, hell yeah!
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Des milkshakes absurdement lourds made in USA, hell yeah!
source: sodajerkco.com / sodajerkco.com
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