Il y a quelques années, une louche de jeunes Parisiens s'était enorgueillie d'avoir inventé l'écosystème de demain, dans lequel petits commerces de proximité, artisans, travailleurs de la terre pourraient cohabiter et s'entraider dans le respect de la nature et de son prochain.
Dans la foulée, sur Twitter, un internaute délicieusement paresseux s'était contenté de déposer cette douce réplique:
En septembre 2022, avec CoffeeB, Migros ne remet pas l'église à sa place, mais fait couler autant d'encre que de café.
CoffeeB, in english, ça claque. Entre le blase de rappeur et le dernier bar à smoothies de Brooklyn. L'objet de tous les regards? Une capsule, sans capsule. Au début, impossible de ne pas hurler au génie. Un contenu sans contenant. Écologique, malin. Quel culot, même! Mamie Migros montrant le dentier face à Nespresso, alors que, sur le ring du café industriel, les vaincus par KO tombent les uns après les autres.
Chez Nestlé, il paraît même qu’on a tiré la tronche. Migros, qui se relève tout juste d’une gueule de bois causée par le niet net de l'alcool en rayons, déclare une guerre qui paraissait d’un autre siècle:
Se faire des couilles en or avec du café pô très bon.
Mais c’est vrai que le procédé est bluffant. Techniquement, s’entend. On se sent, l’espace d'un communiqué de presse, comme une mouche dans la tête d'un petit chimiste, cloîtré jour et nuit dans le garage à papa. Il y a de l’eurêka dans le marc.
Comment en est-on arrivé là?
On en oublierait presque que celle qu'on a ovationné la semaine dernière nous refourgue toujours en douce de l'ananas prédécoupé et emballé sous vide.
La boule de Migros, c'est la trouvaille parfaite pour encrer les publications scientifiques et bousculer les concurrents (le temps qu'ils s'y mettent aussi). C’est d’ailleurs tellement scientifique que Migros n’a même pas eu à parler de… café. Logique, nous sommes dans l’éprouvette d’un laborantin du XXIe siècle, pas dans le percolateur d’un barista italien.
Le café en boule est-il moins bon que le café en capsule? Aucune idée et c'est accessoire. L’objectif aujourd'hui, pour les géants de l'agroalimentaire, est de continuer à produire en quantité industrielle, tout en froissant le moins possible une nouvelle clientèle volage, sensible à la cause climatique et peu friande de... café.
Commander un simple p'tit noir chez Starbucks, tout nu et sans lait d'amande, permet déjà de constater l'ampleur de la catastrophe dans le regard circonspect du vendeur.
Migros n'est évidemment pas seule au monde. Dans les vitrines de Nespresso, en ce moment, on y trouve une explosion colorée de machines écologiques et futuristes, qui font un boucan d'enfer à défaut d'un bon macchiato.
Si Apple a toujours su promouvoir une émotion plutôt qu'un iPhone, le géant orange a compris qu'en 2022 c'est par le sentiment qu'on peut encore faire un peu de pognon dans l'industrie. Celui de la culpabilité.
En clair: maintenant que CoffeeB existe, honte à vous de continuer à boire du café en capsule. Ce n'est même plus du green-washing, mais du client-bashing. C'est de votre faute si vous n'êtes plus capable de jeter quelques grains dans une machine traditionnelle.
A chaque fois que nos modes de vie se ramassent une période de transition dans les dents, le monde perd un peu la boule. Migros, pour faire diversion, assure avec fracas qu'elle voit l'avenir dans la sienne.
Le futur (du café en tout cas) c'était mieux avant.