La vie coûte plus cher en Suisse. Entre mai 2021 et mai 2022, les prix ont augmenté de 2,9%: du jamais vu depuis septembre 2008. C'est ce qui ressort des données publiées jeudi par l'Office fédéral de la statistique.
Cette hausse du coût de la vie est «plus importante que prévu», estime Sergio Rossi, économiste à l'Université de Fribourg. Elle s'explique par deux éléments principaux, selon le spécialiste: la reprise post-Covid et, surtout, la guerre en Ukraine.
Carburants, énergie, aliments, voitures: l'augmentation des prix touche plusieurs catégories de produits du quotidien. Voici quels sont les biens les plus touchés, et pourquoi.
C'est peut-être la hausse qui a été ressentie le plus rapidement par la population: les prix des carburants. En mai 2020, les tarifs de l'essence ont bondi de 25,3% sur une année. Ceux du diesel de 30,4%, soit une hausse jamais atteinte au cours de ces dix dernières années.
Cette situation s'explique, d'abord, par les suites de la pandémie. «Une fois les mesures sanitaires levées, la demande de carburants a grimpé», explique Sergio Rossi. «Mais l'offre a eu de la peine à suivre, les entreprises ayant baissé la production à cause des confinements, et cela a fait augmenter les prix pendant quelques mois».
Le conflit en Ukraine a nettement compliqué les choses. La guerre et les sanctions contre la Russie ont fait envoler les prix du pétrole, en raison des problèmes d'approvisionnement qu'elles génèrent. Le spécialiste souligne, toutefois, qu'un effet d'anticipation est intervenu avant qu'une pénurie ne se produise:
La hausse du prix du pétrole a des répercussions directes sur les tarifs des hydrocarbures. Impact majeur pour les propriétaires et locataires, les prix du mazout ont décollé de 81,9% et ceux du gaz de 40,7% comparés à mai 2021.
Les problèmes d'approvisionnements provoqués par la guerre jouent également un rôle. «Les livraisons de produits énergétiques tels que le gaz liquéfié ou le mazout sont bloquées à cause de la fermeture de certains ports, comme celui d'Odessa», poursuit Sergio Rossi.
A noter que l'inflation ne concerne pas uniquement les hydrocarbures. Le prix du bois de chauffage est également en train de monter (+16,2%). Les raisons sont pourtant les mêmes: les tarifs élevés des carburants, qui font grimper les coûts des transports et, par conséquent, le prix des produits.
Autre catégorie de produits touchés par la hausse des prix: les aliments, en particulier le blé. Environ 20 millions de tonnes de céréales qui devaient être livrées dans plusieurs pays sont bloquées dans les ports ukrainiens.
La Suisse romande produit 90% des céréales qu'elle consomme, mais la crise mondiale du blé a quand même un impact indirect sur notre pays, rapporte la RTS, car les céréaliers suisses se fournissent en engrais ukrainien.
Les conditions climatiques jouent également un rôle. La sécheresse du mois de mai fait craindre une chute de la production, alors que la récolte 2021, environ 30% inférieure à celle d’une année normale, a été particulièrement faible.
L'impact sur les matières premières a des répercussions sur toute la chaîne de production. «La hausse du prix des céréales impacte également les produits finis, tels que le pain», détaille Sergio Rossi. Le prix des pâtes a par exemple augmenté de 12%.
Et cela n'épargne pas les aliments locaux, poursuit-il: «Les produits importés étant plus chers, les producteurs locaux peuvent augmenter les prix pour conserver leur marge de profit.»
Plus généralement, la hausse des coûts des transports a fait grimper les prix de beaucoup d'autres produits alimentaires. En voici quelques-uns.
Le prix du lait a grimpé de 3,5% par rapport à mai 2021, une hausse jamais atteinte depuis septembre 2018. L'augmentation des tarifs du beurre est encore plus élevée et se monte à 5,7%.
Si le prix de la viande a très légèrement baissé sur une année (-0,5%), celui du poisson a beaucoup augmenté (+3,4%). La hausse concerne surtout le poisson frais (+4,3%), tandis que le prix du poisson surgelé a légèrement diminué. Dans le secteur de la viande, on signale une forte hausse des tarifs du veau, dont le prix a bondi de 7,3% sur une année.
Il faut cependant noter que d'autres produits alimentaires affichent des baisses. C'est le cas des fruits à noyau (-4,1%), des légumes-salades (-2,9%), ainsi que des agrumes et des baies (-10,2%).
Le prix des voitures d'occasion a pris 16,4% et celui des voitures neuves 4,6%. En cause: les goulets d'étranglement dans les chaînes logistiques internationales.
«La pandémie a retardé la livraison de microprocesseurs: par conséquent, les constructeurs n'ont pas pu produire autant de voitures que nécessaire», détaille Sergio Rossi. «Les consommateurs se sont donc tournés en masse vers le marché des voitures d'occasion, et les prix ont explosé».
La hausse du prix des carburants fait également souffrir les transports. Si les tarifs globaux des transports publics ont légèrement augmenté (+0,3%), ceux des voyages vers l'étranger ont progressé d'un quart. Le transport aérien affiche, lui, un renchérissement de 57,6%.
Face à cette hausse généralisée des prix, le pouvoir d'achat des Suisses va diminuer, affirme Sergio Rossi, d'autant plus que «les salaires n'augmentent pas autant que la hausse des prix».
Surtout, poursuit le spécialiste, cela ne va pas s'arrêter de sitôt, au contraire:
Même la fin de la guerre ne parviendra à stopper cette hausse, du moins pas tout de suite. «Le retour à la normale prendra du temps», prévient Sergio Rossi. «Les entreprises auront besoin de quelques semaines pour adapter leur production.»