Ce mois de septembre, l'inflation a légèrement ralenti en Suisse, après des mois sous le signe de la progression. Elle a plus exactement reculé de 0,2% par rapport au mois précédent, a indiqué lundi l'Office fédéral de la statistique (OFS). C'est une première depuis juillet 2021.
Mais attention, cela ne veut pas dire que les prix sont en train de diminuer, prévient Sergio Rossi, économiste et professeur à l'Université de Fribourg. «Le renchérissement a diminué en septembre, mais l'indice des prix à la consommation n'a pas reculé», explique-t-il.
En effet, si comparée au même mois en 2021, l'inflation a progressé de 3,3% en septembre. Elle reste toujours au-dessus de l'objectif de stabilité des prix prôné par la Banque Nationale Suisse (BNS) et qui se situe entre 0% et 2%. Et la suite s'annonce difficile.
Ce ralentissement de l'inflation est une évolution que Sergio Rossi qualifie de «positive et inquiétante à la fois». Deux facteurs principaux l'expliquent: la force du franc et la baisse des tarifs des carburants.
Les prix des carburants avaient pris l'ascenseur à partir de février 2022, une hausse profondément ressentie par la population au cours des mois suivants. La guerre en Ukraine en était la principale responsable: «Le conflit avait provoqué des problèmes d'approvisionnement, de goulets d'étranglement et des difficultés de transport, notamment en raison du blocus du port d'Odessa», explique Sergio Rossi.
Les choses ont changé ces derniers temps. En septembre, les tarifs de l'essence et du diesel ont baissé de 6,1% et 2,2% par rapport à août. Après un pic en juin, la hausse de prix par rapport au même mois de l'année passée est devenue plus modérée.
«L'offre a pu être débloquée et dès lors la relation entre l'offre et la demande de carburants est progressivement en train de se normaliser», commente l'économiste, qui pointe un autre facteur:
Le deuxième élément expliquant la situation actuelle réside dans la décision prise fin septembre par la BNS, qui a augmenté le taux d'intérêt de référence pour sa politique monétaire.
«Par conséquent, le franc a dès lors repris de la vigueur face aux autres devises», illustre Sergio Rossi. «Cela a eu des conséquences favorables sur les prix à l'importation, dont l'augmentation a été plus modérée par rapport aux mois précédents.»
Les chiffres partagés lundi par l'OFS montrent un autre détail intéressant: malgré les menaces de pénurie qui planent sur l'hiver, les prix de l'énergie ont légèrement diminué par rapport au mois août. Comment l'expliquer?
Encore une fois, la situation a changé depuis le début de la guerre en Ukraine: «La Suisse a réorienté ses flux d'approvisionnement, en privilégiant d'autres sources: le gaz algérien est par exemple préféré au gaz russe qui transitait par l'Allemagne», explique Sergio Rossi.
Les comportements ont également changé. «La population et les entreprises ont commencé à limiter leur consommation d'énergie face au danger de pénurie qui est brandi par les autorités», poursuit-il.
Voilà donc pourquoi la situation est «positive». Mais pourquoi serait-elle également «inquiétante»? Selon Sergio Rossi, les prix n'ont pas fini de monter, au contraire. Le professeur n’y va pas par quatre chemins:
Les deux grands responsables de l'inflation, le conflit en Ukraine et la pandémie, n'ont pas encore dit leur dernier mot. «La question énergétique reste assez urgente, et si la guerre ne finit pas, les choses ne vont pas s'arranger», met en garde l'économiste. «La pandémie n'est pas non plus totalement derrière nous. La Chine continue de confiner, ce qui peut perturber les chaînes de production».
Signe peut-être que l'hiver approche, les copeaux de bois ont vu leur prix s'envoler autant sur une base mensuelle (+10,7%) qu'annuelle (+80,7%).
Pour résumer, «la suite s'annonce difficile». Et c'est la population qui va surtout en faire les frais: «L'avenir n'est pas encourageant pour les citoyens, qui seront déjà fortement éprouvés par la forte hausse des primes de l'assurance maladie l'année prochaine».
Et ce n'est pas tout. «Les entreprises suisses qui exportent risquent également de souffrir, à cause de la force du franc et surtout du mauvais état de santé des économies des pays voisins», renchérit Sergio Rossi. Qui conclut: