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Ces signes montrent que l'économie russe s'essouffle

People walk past a billboard with an image of Russian President Vladimir Putin and words reading "The West doesn't need Russia, we need Russia!" in a street in Sevastopol, Crimea, Wedne ...
L'économie russe sous Vladimir Poutine poursuit imperturbablement sa croissance. Mais pour combien de temps encore?Image: keystone

L'économie russe flambe, alors pourquoi «la situation est malsaine»?

La croissance économique russe aurait atteint 3,6% en 2023 et elle devrait dépasser les 3% cette année. Est-ce que l'économie russe se porte réellement bien? Et si oui, pour combien de temps ? Voici ce que disent les experts.
09.05.2024, 07:10
Lara Knuchel
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Au cours des deux années qui ont suivi l'invasion de l'Ukraine par Vladimir Poutine, l'économie russe a régulièrement défié les prédictions pessimistes. Un effondrement financier qui était largement anticipé au printemps 2022 n'a jusqu'à présent pas eu lieu.

Et c'est démontré précisément par les principales données économiques: le taux de chômage est tombé sous les 3%, le produit intérieur brut (PIB) a atteint 3,6% en 2023, dépassant ainsi les attentes, et le nombre de faillites d'entreprises est extrêmement faible en comparaison.

Selon ces chiffres, il n'y a aucun signe que les sanctions occidentales contre la Russie ont un impact et que le moteur économique connaîtra des difficultés dans un avenir proche. Au contraire, le Fonds monétaire international (FMI) estime que l'économie russe croîtra plus rapidement cette année que celle de nombreux pays industrialisés.

Pourtant, une majorité d'experts et d'économistes semblent s'accorder sur un point: en 2025, ce sera terminé.

Principal moteur: les investissements publics

Mi-avril, le FMI a à nouveau révisé à la hausse ses prévisions de croissance pour la Russie. Dans sa dernière «Perspectives de l'économie mondiale», le Fonds monétaire international prévoit une croissance de 3,2% pour l'année en cours. Comparé aux prévisions de 1,1% faites en octobre et aux 2,6% prévus en février dernier, il s'agit d'une révision nettement à la hausse.

Le prix élevé du pétrole ainsi que le maintien des exportations de pétrole russes y ont également contribué. C'est ce qu'écrit le FMI:

«Le pétrole russe, exporté principalement vers la Chine et l'Inde, a largement dépassé le plafond de prix fixé par les pays du G7 depuis la deuxième moitié de l'année 2023.»

En 2024, le prix du pétrole pourrait également continuer à augmenter, car une nouvelle intensification au Moyen-Orient n'est pas exclue.

Simultanément, les économistes prévoient cependant une nette décélération de la croissance à partir de 2025. La raison en est que l'effet des investissements publics élevés, principalement dans l'industrie de l'armement, devrait probablement diminuer l'année prochaine. Les économistes considèrent les investissements dans les installations de production militaire comme la principale raison de la croissance actuellement encore en hausse du PIB.

Réduction de moitié du Fonds de prévoyance

La Banque mondiale partage une vision similaire, considérant également que les investissements publics sont les principaux moteurs de la croissance. Dans son dernier rapport, elle dresse le bilan de l'économie russe pour l'année écoulée:

«Une augmentation abrupte des dépenses publiques a entraîné une augmentation des dépenses sociales, des salaires et des investissements, notamment dans l'industrie de la défense, et a stimulé l'activité dans le secteur manufacturier et de la construction.»

En d'autres termes, les chiffres de croissance élevés dissimulent le fait qu'ils sont principalement le résultat de dépenses publiques accrues. Celles-ci ont été principalement sous forme de contrats avec des entreprises industrielles directement ou indirectement liées à l'industrie de la défense. Pour financer cela, le gouvernement russe puise dans son immense Fonds de prévoyance: les liquidités qu'il contient ont presque diminué de moitié entre le début de la guerre et la fin de 2023.

L'économiste russe Igor Lipsits résume ainsi la situation dans une interview:

«Il me semble, comme à d'autres économistes, que la Russie peut encore financer la guerre cette année. Mais après, on ne sait pas d'où viendra l'argent»
Igor Lipsits

Dans son analyse, la Banque mondiale part également du principe que l'effet des dépenses publiques élevées pourrait commencer à s'estomper à partir de 2025.

Pourquoi les prévisions de croissance sont si difficiles
La Banque mondiale souligne que les prévisions de croissance pour la Russie sont actuellement extrêmement difficiles. Cela est dû d'une part «aux changements considérables dans l'économie liés à l'invasion en Ukraine» et d'autre part depuis la décision de la Russie de limiter la publication de données économiques. Selon la Banque mondiale, les données disponibles sur le commerce extérieur ainsi que sur le secteur financier et monétaire sont particulièrement restreintes.

Surchauffe de l'économie russe

L'ancienne conseillère de la Banque centrale russe, Alexandra Prokopenko, a quitté son poste en 2022 pour protester contre la guerre d'invasion en Ukraine. Dans une interview avec le Spiegel, l'économiste affirme que les chiffres de croissance correspondent largement à la réalité. Cependant, elle voit également un problème majeur se profiler pour l'économie russe: une surchauffe.

epa11030639 Russian policemen guard near entrance of the Russia's Central Bank headquarter building in Moscow, Russia, 15 December 2023. The Board of Directors of the Bank of Russia decided to in ...
La Banque nationale russe à Moscou.Image: keystone

Alexandra Prokopenko y affirme par exemple que:

«L'économie s'est développée plus rapidement que son potentiel ne le permet en réalité. Le marché du travail est à la limite, il est quasiment vide»

En effet, le chômage se situe à un niveau historiquement bas. De nombreux Russes bien formés ont quitté leur pays depuis le début de la guerre — on estime qu'ils sont jusqu'à un demi-million. De plus, de nombreux travailleurs immigrés sont repartis.

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Selon Prokopenko, «la situation est malsaine et l'économie russe ne dispose pas des ressources nécessaires pour se développer durablement et aussi rapidement». Selon elle, cette situation entraîne déjà régulièrement des ruptures de stock ou des crises spécifiques à certains secteurs. A court terme, ce n'est pas un problème, dit-elle, faisant référence aux 12 à 18 prochains mois. Mais «à moyen et long terme, cette évolution n'est pas durable».

L'inflation en Russie est également un signe de surchauffe, que la banque centrale tente de maîtriser en augmentant toujours plus les taux directeurs. En février et mars, la hausse des prix s'est maintenue à un niveau relativement élevé de 7,7%. Mais la hausse des salaires due à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée maintient la pression à un niveau élevé.

Les exportations de gaz russes incertaines

Actuellement, la Russie finance donc sa guerre en premier lieu par le biais de son Fonds de prévoyance et de ses exportations de pétrole et de gaz. Alors que le fonds de prévoyance ne cesse de diminuer, les revenus issus des ventes de pétrole et de gaz sont loin d'être garantis.

epa10758678 A sliding valve on the Russian Gazprom pipe supplying gas to residential buildings with a plate read as 'GAS' in a wheat field in Domodedovo, outside Moscow, Russia, 20 July 2023 ...
Un gazoduc de la société russe Gazprom alimentant des immeubles d'habitation à Domodedovo, à l'extérieur de Moscou.Image: keystone

En 2022, la décision de la Russie de suspendre la majeure partie de ses livraisons de gaz à l'UE a entraîné une augmentation des prix, dont la Russie a initialement bénéficié financièrement. Deux ans plus tard, les réserves de gaz européennes sont plus pleines que jamais en raison d'hivers doux et d'une augmentation des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance d'Amérique. Cela met cependant Gazprom, le géant russe du gaz, en difficulté financière: pour la première fois depuis près d'un quart de siècle, Gazprom a enregistré des pertes en 2023. Le résultat net pour la deuxième année de guerre, en 2023, s'est élevé à environ 629 milliards de roubles (6,239 milliards francs suisses).

Pour financer son économie de guerre, la Russie doit trouver un moyen de compenser la baisse quantitative de ses exportations de gaz. Le problème est que depuis la guerre d’invasion contre l'Ukraine, la Russie s'est de plus en plus appuyée sur quelques pays — principalement la Chine. Cela concerne l'ensemble de l'économie russe, mais particulièrement le secteur gazier.

Selon le magazine britannique The Economist, la Russie ne parviendra pas à compenser les pertes. D'une part, les négociations avec la Chine sont difficiles: la Russie est en position de faiblesse, car la Chine a un plus grand choix de partenaires de négociation et est très prudente quant à ne pas dépendre uniquement de l'importation de gaz d'un seul partenaire. La Russie, en revanche, n'a pas d'autre choix que de compter entièrement sur les importations de gaz de la Chine, selon The Economist. D'autre part, d'importantes négociations ont récemment été au point mort, car des divergences persistent concernant des conditions contractuelles cruciales, de la finance au prix du gaz.

The Economist conclut de manière très affirmative:

«Le secteur gazier de la Russie ne se remettra jamais de la guerre en Ukraine».

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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