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Ukraine: les sanctions contre la Russie sont-elles efficaces?

Ukraine: les sanctions contre la Russie sont-elles efficaces?
Six mois après le début de l'offensive russe, comment les sanctions économiques occidentales impactent-elles la Russie? Portent-elles leurs fruits?keystone/shutterstock/montage: marine brunner

Les sanctions contre la Russie portent-elles leurs fruits? Patience

En février, alors la Russie se jetait corps et âme dans une offensive armée contre l'Ukraine, l'Occident se lançait dans une bataille d'un autre ordre - économique, celle-ci. Six mois plus tard, voici le point sur l'efficacité de ces sanctions.
30.08.2022, 18:40
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C'est une guerre d'une férocité et d'une ampleur inégalées depuis les années 1940 que mène actuellement le monde occidental contre la Russie de Poutine. De l'efficacité de cet assaut dépend le sort de l'Ukraine. Il semblerait, comme le relève The Economist, que la croisade de sanctions menée par l'Occident ne se déroule pourtant pas aussi efficacement que prévu.

Les objectifs stratégiques

Pour rappel, ces sanctions n'ont pas pour seul intérêt de satisfaire une opinion publique assoiffée de justice. Leur principal objectif, à court terme, est d'abord de déclencher une crise de liquidités en Russie, qui rendrait difficile, voire impossible, le financement du conflit armé sur le territoire ukrainien.

L'objectif à long terme est de nuire à la capacité de production et à la sophistication technologique de la Russie de Poutine, afin qu'il dispose de moins de ressources. Dans l'hypothèse où le président russe aspirerait à envahir un autre pays.

Ultime objectif symbolique, et non des moindres: dissuader d'autres puissances, comme la Chine, de mener des offensives similaires à l'avenir.

Les sanctions en récap'

Les sanctions avaient pourtant le potentiel de frapper sèchement dans les reins de l'économie russe. Ce sont des milliers d'entreprises et de personnalités concernées, des centaines d'oligarques et de fonctionnaires russes touchés, pas moins de 580 milliards de dollars de réserves de change gelés. Mais c'est aussi un embargo américain sur le gaz et le pétrole russe, une coupure nette entre la plupart des grandes banques russes et le système de paiement mondial Swift et, finalement, un pays délaissé par les fleurons de l'économie occidentale, de Starbucks à Ikea, en passant par MacDonald's.

Résultats en demi-teinte

De ces assauts en cascade, on prédisait l'«effondrement». Un véritable «cratère» au coeur de l'économie russe. Six mois après le déclenchement des hostilités, le coup de grâce se fait encore attendre. Selon les estimations du FMI, le PIB russe diminuera de 6% en 2022. Loin, très loin, de la baisse de 15% annoncée au mois de mars.

Même si elle enregistre un déficit budgétaire fédéral de 900 milliards de roubles, la Russie et son système financier affichent une forme insolente. Le chômage n'a pas sensiblement augmenté. Le pays continue de rafler l'équivalent de milliards de dollars chaque mois, grâce aux exportations de pétrole et de gaz. Bref. Bien qu'elle soit ébranlée, la Russie tient bon.

«Poutine a encore de l'argent parce qu'il en a gagné beaucoup au cours des premiers mois de la guerre, lorsque le prix du pétrole était élevé et que l'économie n'était pas encore en panne», explique Sergei Guriev, économiste à Sciences Po Paris, au Washington Post. Les sanctions «fonctionnent, certes, mais malheureusement beaucoup plus lentement que ce à quoi tout le monde s'attendait il y a six mois», concède également Maxim Mironov, économiste russe à l'IE Business School de Madrid.

«Mais maintenant, les sanctions commencent à fonctionner de manière substantielle»
Sergei Guriev, économiste à Sciences Po Paris, au Washington Post

Pourquoi une telle lenteur? Comment expliquer ce flegme affiché?

Les failles

En réalité, l'arme économique a beau paraître redoutable, elle souffre de quelques défauts.

L'autonomie de l'ennemi

Une autocratie comme la Russie sait comment absorber le choc initial d'un embargo, parce qu'elle est capable de mobiliser ses propres ressources. Comme le rappelle l'économiste Rudolf Minsch pour Economie Suisse, la Russie a massivement développé sa production ces dernières années. Elle s'avère donc tout à fait capable de produire suffisamment de denrées alimentaires pour nourrir sa population... du moins, pour l'instant.

Jusqu'à ce que les pièces de rechange viennent à manquer pour réparer les machines et autres véhicules indispensables à l'agriculture. Les avions cloués au sol après l'interruption de certains vols internationaux font déjà les frais du dépeçage, afin de récupérer les morceaux qu'on ne peut plus aller chercher à l'étranger.

«En l'absence de coopération mondiale et avec des centaines de milliers de professionnels qualifiés ayant quitté le pays, les progrès innovants et technologiques en Russie sont tout simplement impossibles», prévient Ilya Matveev, politologue à Saint-Pétersbourg, dans un article publié récemment par l'ETH de Zurich.

De nouveaux partenaires

En parallèle, l'économie de la Russie, qui s'est mondialisée, s'adapte plus facilement aux chocs et aux opportunités. Désormais, il existe d’autres partenaires que l’Occident. La Russie s'est dénichée de nouveaux fournisseurs pour ses importations, dont l'Asie et le Moyen-Orient. Aujourd'hui, la Russie est la station-service de la Chine - tandis que des avions font l'aller-retour entre Moscou et Dubaï sept fois par jour.

Plus de 100 pays à travers le monde (soit quelque 40% du PIB mondial), ne souhaitent pas s'aligner sur les sanctions occidentales. C'est dire si l'impact d'un embargo s'en retrouve amoindri.

L'échec européen

Et c'est sans compter l'échec de l'Europe, fortement dépendante, à se passer rapidement des achats de pétrole russe. Une occasion manquée, juge Maria Shagina, experte en sanctions à l'Institut international d'études stratégiques, interrogée par le Washington Post. «Si nous avions ciblé le pétrole dès le début, nous aurions pu voir beaucoup plus rapidement les conséquences massives dont parlaient les politiciens», affirme-t-elle.

Une dynamique vouée à évoluer: l'Union européenne s'apprête à se calquer sur les Américains en interdisant la plupart des achats russes de pétrole brut en décembre, juste avant les produits pétroliers raffinés, en février.

Patience, patience...

La plupart des économistes s'accordent sur le fait que la Russie subit, derrière son apparente indifférence, de réels dommages. Si elle parvient à se maintenir à flots pour le moment, c'est à coup de mesures artificielles et peu pérennes.

Tout récemment, une équipe d'économistes de l'Université de Yale a remué le couteau dans la plaie: «Les gros titres défaitistes, affirmant que l'économie russe a rebondi, ne sont tout simplement pas factuels. A tous égards et à tous les niveaux, l'économie russe est sous le choc, et ce n'est pas le moment de freiner». Pour pouvoir observer des plaies béantes, il va seulement falloir attendre.

«Il s'agit vraiment d'une lente détérioration. Vous savez, ça ne se ressent pas du jour au lendemain. Ça va s'accumuler au fil des semaines»
Oleg Itskhoki, économiste à l'Université de Californie à Los Angeles, interrogé par le média NPR

Selon la boule de cristal et les prédictions de The Economist, les ravages de l'isolement de la Russie par les marchés occidentaux devraient se faire sentir... d'ici trois à cinq ans. Le média américain mise sur 2025: cette année-là, «un cinquième des avions civils pourraient être immobilisés, faute de pièces de rechange».

Comme le conclut Oleg Itskhoki: «Rien n'indique que la guerre prendra fin dans les prochains mois, mais les sanctions fonctionnent dans le sens voulu. Elles rendent de plus en plus difficile la poursuite de l'activité économique.»

Les sanctions sont efficaces lorsqu'elles forcent les dirigeants politiques à faire un choix entre financement de la guerre et financement de l'économie. Ne reste donc plus qu'à attendre - et espérer - que les fissures se creusent.

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